Images de page
PDF
ePub

Le travail, la vertu, pleurent fans récompenfe;
La calomnie infulte à leurs cris douloureux;
Et du riche amolli la ftupide infolence

Ne fait pas feulement s'il eft des malheureux.
Il est pourtant lui-même; un éternel orage
Promène de fon cœur les défirs inquiets;
Il hait fon héritier qui le hait davantage;
Il vit dans la contrainte, & meurt dans les regrets.
Dans leur course vagabonde

Les mortels font entrainés ;
Frêles vaiffeaux que fur l'onde
Batent les vents mutinés,

Et dans l'océan du monde
Au naufrage deftinés.

D'efpérances menfongères
Nous vivons préoccupés;
Tous les malheurs de nos pères
Ne nous ont point détrompés;
Nous éprouvons les mifères
Dont nos fils feront frapés.

TEXT E.

J'ai porté mon efprit ailleurs; j'ai vu les calomnies, Pinnocent en larmes fans fecours fans confolateur...... Un étranger dévorera toutes vos richefjes après vous, &c'est la encor une très-grande mifere...

Qu'est-ce qui a été? Če qui fera. Qu'est-ce qui s'eft fait? Ce qui fe fera encor; rien de nouveau fous le foleil. Ne dites point que les premiers tems ont été neilleurs que ceux d'aujourd'hui, c'est le difcours d'un fou.

Rien de nouveau fur la terre ;
On verra ce qu'on a vu,

Le droit afreux de la guerre,

Par qui tout eft confondu,
Et le vice & la vertu

En bute au coup du tonnerre.

Le fage & l'imprudent, & le faible & le fort, Tous font précipités dans les mêmes abîmes;

Le cœur jufte & fans fiel, le coeur paitri de crimes, Tous font également les vains jouets du fort.

Le même champ nourit la brebis innocente,
Et le tigre odieux qui déchire fon flanc:
Le tombeau réunit la race bienfaifante,
Et les brigands cruels enyvrés de fon fang.

En vain par vos travaux vous courez à la gloire,
Vous mourez: c'en eft fait, tout fentiment s'éteint;
Vous n'êtes ni chéri, ni respecté, ni plaint;
La mort enfevelit jufqu'à votre mémoire.

TEXT E.

Le jufte périt dans fa juftice, & le méchant vit longtems dans fa malice... Tout arive également au jufte & à l'injufte, au pur & à l'impur, à celui qui ofre des facrifices & à celui qui n'en ofre pas. Le parjure eft traité comme l'homme ami de la vérité...... Les vivans favent qu'ils doivent mourir; mais les morts ne connaiffent plus rien; il ne leur refte plus de récompenfe. L'amour, la haine, l'envie, périssent avec

сих....

R S

Que la vie a peu d'apas!
Cependant on la défire.

Plus de plaisirs, plus d'empire,
Dans les horreurs du trépas.
Un lion mort ne vaut pas
Un moucheron qui refpire.

O mortel infortuné!
Soit que ton ame jouiffe
Du moment qui t'est donné
Soit que la mort le finisse,
L'un & l'autre eft un fuplice;
Il vaut mieux n'être point né.

Le néant eft préférable

A nos funeftes travaux

Au mélange lamentable

Des faux biens & des vrais maux,
A notre efpoir périffable

Qu'engloutiffent les tombeaux.

TEXT E.

Qu'un homme ait eu cent enfans, qu'il ait vécu longtems, & qu'il n'ait pas joui de fes richeffes, je prononce qu'un avorton vaut mieux que lui: c'eft en vain qu'il eft né, il va dans les tenebres, &fon nom dans l'oubli.. Et j'ai préféré l'état des morts à celui des vivans, & j'ai eftimé plus heureux celui qui n'eft pas né encore &qui n'a point vu les maux qui font fous le folcil...... Un chien vivant vaut mieux qu'un

lion niort.

Quel homme a jamais fu par fa propre lumière,
Si lorfque nous to:nbons dans l'éternelle nuit,
Notre ame avec nos fens fe diffoud toute entière,
Si nous vivrons encor, ou fi tout est détruit ?

Des plus vils animaux Dieu foutient l'existence,
Ils font ainfi que nous les objets de fes foins;
Il borna leur inftinct, & notre intelligence;
Ils ont les mêmes fens & les mêmes befoins.

Ils naiffent comme nous, ils expirent de même; Que deviendra leur ame au jour de leur trépas? Que deviendra la nôtre à ce moment fuprême ? Humains, faibles humains, vous ne le favez pas.

TEXTE.

J'ai dit en mon cœur, Dieu met en probation les enfans des hommes. Il montre qu'ils font Jembiables aux bêtes. Les hommes neurent comme les bétes, leur fort eft égal, ils refpirent de même; l'homme n'a rien de plus que la bête. Tout eft vanité, tout tend au même lieu: ils ont tous été tirés de la terre; ils iront tous en terre. Qui connait fi l'ame des hommes monte en haut, &fi l'ame des bêtes defcend en bas ?

NB. L'Eccléfiafte femble s'exprimer ici avec une dureté qui convenait fans doute à fon tems, & qui doit étre adoucie dans le nôtre. Aufli l'auteur du précis ne dit point, l'homme n'a rien de plus que la bête: mais qui fait, par fa propre lumière, fi l'homme n'a rien de plus que la bête? c'eft le fens de l'Eccléfiafte. L'hom me ne fait rien par lui-même, il a befoin de la foi.

Cependant l'homme s'égare
Dans fes travaux infenfés.

Les biens dont l'Inde fe pare,

Avec fureur amaffés,

Sont vainement entaffés

Dans les tréfors de l'avare.

Ce monarque ambitieux
Menaçait la terre entière;
Il tombe dans fa carière;
Et ce géant fourcilleux,

Ce front qui touchait aux cieux,
Eft caché dans la pouffière.

La beauté dans fon printems
Brille pompeufe & chérie,

Semblable à la fleur des champs,
Le matin épanouie,

Le foir livide & flétrie,

En horreur à fes amans.

Ainfi tout fe corromt, tout fe détruit, tout paffe; Mon oreille bientôt fera fourde aux concerts.

TEXT E.

Un homme quelquefois domine pour fon propre malheur. Un homme eft feul fans enfans ni frère: cependant il travaille fans ceffe. Il eft infatiable de riches fes; il ne lui vient point dans l'efprit de fe dire, pour qui est-ce que je travaille?... La femme eft plus amère que la mort.

« PrécédentContinuer »