Images de page
PDF
ePub

des outrages dont le Christ a été abreuvé à son dernier moment, que les crachats qui ont sali sa joue ont lavé notre visage :

Hac sputa per Dominum nostram lavere figuram'.

Il est probable que ces jeux de mots, qui nous semblent fort ridicules, n'ont pas nui au succès de son poème. Ce succès fut très vif et dura pendant tout le moyen âge. Dans un chapitre intéressant de sa dissertation, M. Huemer, complétant les preuves données déjà par Arevalo, montre que, depuis le vr° siècle, Sedulius n'a pas cessé d'être cité par les grammairiens comme une autorité, lu par les lettrés comme un modèle, et que très probablement on l'expliquait dans les écoles à côté des grands poètes classiques. La Renaissance ne parut pas d'abord diminuer sa renommée; car, depuis la fin du xv° siècle jusqu'à celle du xvi, il a eu quarante-deux éditions. Ce succès n'était pas tout à fait injuste; il est sûr qu'il faut le mettre à côté de Juvencus, de Prudence, de Paulin de Noles, d'Avitus, et que, dans cette école, qui ne fut pas sans importance et qui se donna la tâche de créer une littérature poétique au christianisme, il tient une des premières places.

GASTON BOISSIER.

DELLA ANTICA città d'Industria detta PRIMA BODINComago e de SUOI MONUMENTI, par M. Ariodante Fabretti, membre de l'Académie royale des sciences, professeur d'archéologie, etc. Turin, imprimerie royale, 1881, in-8°, 28 planches.

Tous les archéologues connaissent le nom de M. Ariodante Fabretti, l'auteur de deux beaux ouvrages devenus classiques 2. Ils donneront certainement une grande attention à une publication toute nouvelle de ce savant; et nous croyons leur être agréable en la leur signalant sans retard. Nous le ferons d'autant plus volontiers qu'à différentes époques nous

1

2

Carm. pasch. v, 102.

Glossarium italicum in quo omnia vocabula continentur ex umbricis, sabinis, oscis, volscis, etruscis, cæterisque

monumentis quæ supersunt collecta, etc. Turin, 1858-1867, 2110 pages in-4°. Corpus inscriptionum italicarum antiquioris ævi, 1866-1878, in-4° [cum. suppl. ].

avons pu voir une notable partie des antiquités décrites dans le volume dont il s'agit, mais alors seulement qu'elles étaient divisées entre la collection particulière de la Bibliothèque du roi et le Musée des antiques de l'Université. La réunion assez récente de ces divers monuments en a rendu l'étude plus facile et plus fructueuse. Elle devait déterminer le savant directeur du Musée à nous donner un livre spécial sur Industria. Cette ville fort antique paraît avoir porté d'abord le nom de Bodincomagus. Elle est située sur la rive méridionale du Pô, et Pline, parlant de ce fleuve, s'exprime ainsi : J'ai honte d'emprunter aux Grecs des détails sur l'Italie. Cependant Métrodore de Scepsis dit que le Pô a reçu ce nom [Padus] parce qu'autour de sa source abondent les pins appelés en gaulois padi [« quales Gallice vocentur padi »]. Il ajoute que, dans la langue des Ligures, il s'appelle Bodincus, « quod significat fundo carens1. Cui ar<gumento adest oppidum juxta Industria vetusto nomine Bodincomagum <«< ubi præcipua altitudo incipit 2. » Environ deux siècles avant Pline, Polybe, un Grec encore, disait que ce même fleuve était appelé Bodencos par les indigènes, Toïs ¿yxwplois, mais il ne parle pas des Ligures3. On remarquera que Bodincomagus est placé non loin de Rigomagus, localité à laquelle, déjà en 1842, M. de La Saussaye avait songé lorsqu'il discutait l'attribution d'hémidrachmes à type massaliote portant la légende DIKO...« Il y a lieu, disait-il, d'hésiter entre les Rigomagenses des Alpes <«maritimes et le Rigomagus placé par l'Itinéraire d'Antonin entre Medio<«< lanum et Taurini. » Si l'on se reporte à ce qui a été exposé ici même touchant les monnaies au type massaliote accompagné de légendes insubres, on pourra admettre que DIKO...[Rico...] doit y être rattaché, et que, sans nier l'origine ligure du nom Bodincus, on serait autorisé à attribuer une origine gauloise au nom formé Bodincomagus, comme à tous les noms de la même famille que M. Fabretti a pris le soin de rappeler; comme au nom même du Pô expliqué par Pline.

[ocr errors]

M. Fabretti passe en revue les diverses opinions qui ont été émises au sujet de Bodincomagus et d'Industria, et conclut à l'identité, d'accord en ce point avec de respectables autorités géographiques.

Industria n'était pas posée sur une grande voie, et, en conséquence, n'a été mentionnée par aucun itinéraire. Pour dresser son état civil, nous

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

avons recours aux monuments épigraphiques qui, malgré les désastres des bas temps, y ont été relevés au nombre d'une cinquantaine. Le titre città, qu'on lui confère aujourd'hui, pourrait tromper. On voit, par une inscription, que c'était un municipe; par cinq inscriptions, que ses habitants étaient inscrits dans la tribu Pollia. Ce municipe possédait des collèges de sévirs augustaux et de pastophores. Gaius Avilius Gavianus y a été flamen Divi Cæsaris perpetuus, patron du municipe, tribun militaire de la III légion gallica. Le nom de la ville s'altéra pendant le moyen âge, et devint Dustria, Allustria, Lustria. Aujourd'hui le site est connu par l'appellation Monteu da Pô (c'est ce que nous nommerions un lieu dit), qui vient de Mons acutus. Si l'on considère, dit M. Fabretti, la riche série de bronzes d'une exécution admirable qui ont été recueillis en cet endroit, on est amené à croire que c'est à leur fabrication qu'est dû le nom Industria. Dans les fouilles réitérées pratiquées pendant les trois années dernières, M. Fabretti a observé des traces indubitables de fonderies, reconnaissables à la présence de fragments de métal mêlés à des scories et à des conduits de terre cuite.

Ce fut en 1745 que le hasard fit découvrir au fond d'un puits, à Monteu da Pô, divers monuments antiques de bronze, parmi lesquels un magnifique trépied et une grande table dédiée à L. Pompeius Herennianus par le collège des pastophores. Un ethnique au singulier peut accompagner, dans une inscription, le nom de quelque personnage dont il indique l'origine étrangère aux habitants d'un pays où ce personnage s'était transporté. Cela est fréquent. C'est ainsi qu'on a relevé à Odalengo, dans le voisinage de Casale, l'épitaphe de T. Lollius Masculus II vir Bodincomagensis, et, à Rome, celle du prétorien P. Ovinconius Ingenuos2 domo Bodincomagus.

Mais une corporation agit sur son propre territoire, et la table de bronze qui, d'ailleurs, se relie à d'autres documents épigraphiques, était un indice très probant. Aussi, Jean-Paul Ricolvi et Antoine Rivautella se hâtèrent-ils de publier un mémoire intitulé: Il sito dell'antica città d'Industria scoperto ed illustrato3. Dans la préface de la seconde partie

1 Cf. dans Muratori, Nov. thes., t. II, p. 1,033, 7, une note singulière sur cet ethnique. Orelli a, par erreur (numéro 4737), attribué l'inscription Aquis Sextiis.

Voy. l'application d'un passage de Priscien, de voce, à ce système orthographique, oui n'est pas spécial à la

Gaule, comme on le dit fréquemment :
Revue numismatique, 1863, p. 165;
Note sur la terminaison os.

3 Turin, Imprimerie royale (sans date); réimprimé à Rome, 1751. M. Fabretti estime que la rédaction doit être placée du 8 au 10 mars 1745.

des Marmora Taurinensia, ces savants nous apprennent que leur dissertation sur Industria avait été composée en quatre jours, nimium festinanter 1.

C'était à la grande époque des découvertes archéologiques européennes. Les premières trouvailles, faites en 1711 ou 1712 à Herculanum par les agents du duc d'Elbeuf, avaient été suivies bientôt de fouilles productives2. Les travaux réguliers furent entrepris à Stabie en 1745, à Pompéi en 1750. La résurrection de Veleia est de 1748. Le roi Charles Emmanuel eut à Monteu da Pô son Pompéi du nord; Pompéi en miniature qui n'avait conservé que des marbres, des bronzes et quelques. médailles d'or impériales, dont la plus ancienne jusqu'ici constatée remonte à Vespasien. Des travaux intermittents furent repris dans la localité, avec de minces ressources, en 1752, 1764, 1769, 1774. Ils ne furent conduits d'une manière sérieuse qu'en 1808 et 1811, par un homme actif et intelligent, le comte Bernardino Morra de Lavriano.

Morra, après avoir observé l'existence de quelques substructions, en mesurait les angles et les courbes; il en connaissait bientôt les directions, de façon à ne point faire de fouilles au hasard. Il mit ainsi à découvert un forum, un théâtre, des thermes, un aqueduc, des tombeaux, dont il leva les plans. Le comte Morra présenta ensuite à l'Académie des sciences ces plans accompagnés de vingt-six bronzes antiques de choix et de douze lampes de terre cuite de module uniforme, décorées de médaillons en relief offrant tous des sujets différents. L'Académie chargea une commission de faire un rapport que l'on doit à Vernazza di Freney; mais ce fut tout. C'est seulement en 1843 que Morra publja à Turin six grandes planches lithographiées dans lesquelles sont donnés les dessins un peu faibles des objets découverts par lui. Ces planches, dont la légende est en français, n'ont pas été mises dans le commerce. Nous en avions dû un exemplaire à feu M. Domenico Promis, le savant bibliothécaire.

En 1835, l'ouverture d'une route avait fait espérer quelque trouvaille archéologique; mais le chemin fut construit en remblai sur le sol de

1 Marm. Taur., in-4°; Pars altera, 1747. «Italicam de situ oppidi Industriæ disputationem a nobis nimium festinanter excusam quatriduo nimi

rum.»

- 2. Ant. Franc., Gori, Notizie del memorabile scoprimento dell' antica città Ercolano, Firenze, 1748, in-8°, p. IX.

Marcello de Venuti, Descrizione delle prime scoperte dell'antica città d'Ercolano; Roma, 1748, in 4°. p. 54; p. 52, la première découverte de Pompéi en 1689. Cochin et Bellicard, Observations sur les antiquités d'Herculanum, 1754, in-8°.

Monteu da Pô; on réenterrait Industria. Les récoltes d'antiquités demeurèrent donc subordonnées à la bonne fortune des cultivateurs. En 1863, une série de bronzes et de monnaies vint enrichir le musée de Turin. Plus tard, on recueillait dans la propriété du comte Brondello une double tablette de bronze opisthographe portant un congé militaire accordé par Valérien (an 254) à Publius Anneius Probus, de la tribu Papiria, natif de Petovium en Pannonie; monument qui est entré à la bibliothèque du roi et qui a été publié par M. Vincenzo Promis1. Des fouilles ont été exécutées, pendant les cinq dernières années, à partir de 1875, par les soins de la Société d'archéologie et des beaux-arts, dont M. Fabretti est le secrétaire. Ce savant a puisé les intéressants détails que nous abrégeons considérablement, non seulement dans tous les documents imprimés qu'une recherche patiente lui avait assurés, mais encore dans bon nombre de pièces manuscrites étudiées au Musée ou qui lui ont été obligeamment communiquées. Son volume est accompagné de vingt-huit planches, dont cinq plans, et le reste exécuté par le procédé autotype d'après les objets antiques originaux. Tout cela est d'une utilité incontestable. Nous regrettons cependant que plusieurs figures soient trop réduites, et nous pensons que l'auteur, sollicité par les antiquaires, voudra faire de son travail une seconde édition en un format qui comporterait des dessins de plus grande proportion.

Son ouvrage, d'ailleurs, lui vaudra des contributions supplémentaires qui enrichiront sa monographie déjà si étendue. Le terroir d'Industria a été visité de bonne heure par des touristes anglais qui en avaient apprécié l'importance. M. Fabretti lui-même nous apprend que divers objets ont été recueillis dans quelques collections particulières. Nous pouvons ajouter que le célèbre amateur, M. Edme Durand, s'était procuré à tout le moins un bronze d'Industria, qui lui avait peut-être, au cours de l'un de ses voyages d'Italie, été donné par le comte Morra de Lavriano. C'est le pendant exact d'une figurine qui se trouve, sous le n° 36, dans la troisième des planches lithographiées de B. M. de L. (Fabretti, tav. XIX, n° 4); le style, l'état de conservation, la couleur de la patine qui distinguent les deux bronzes, ne nous laissent aucun doute sur leur communauté d'origine et d'auteur, signalée par nous en 1868, après vérification

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]
« PrécédentContinuer »