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de Magdebourg. Vainement l'archevêque de Cologne objecta que les électeurs n'étaient ni en nombre suffisant ni en lieu convenable; vainement essaya-t-il de faire élire pour 6,000 mares un Zoehringen, plus avare que riche (pecuniosus et avarissimus), et pourvu de tous les vices (omni iniquitate plenus). Celui-ci se vendit à Philippe pour l'abbaye de Schaffouse et le fief de Brisach, et l'archevêque de Cologne, désespéré, n'eut plus qu'à appeler d'Angleterre, à défaut de l'aîné des fils de Henri le Lion, le second, Otton, qui était d'ailleurs le protégé particulier de Richard. Ce prince ne se fit pas trop attendre. Il entrait triomphalement le 17 mai dans Cologne, ville que ses intérêts de commerce attachaient à l'Angleterre, et, le 9 juin, en présence des évêques d'Utrecht, de Minden, de l'abbé de Corvey, des comtes de Hollande, de Gueldre et de Namur, etc., l'archevêque Adolphe de Berg le proclamait aussi roi1. Telles sont les circonstances au milieu desquelles furent élus concurremment les deux rois qui ranimèrent, pour près de vingt années, les querelles des Welfen et des Wiblingen. M. Winkelmann tire des chroniques du temps les portraits des deux concurrents à cette époque. Haut et robuste de taille, de mine colorée et vive, de conversation joyeuse2, prêt à toutes les ambitions et à toutes les audaces, arrogant dans les négociations, plus prodigue que généreux, plus confiant en lui-même qu'avisé, c'était bien l'émule et le compagnon de Richard, qui l'avait comblé de présents à son départ. Philippe de Souabe, jeune encore, quoique plus âgé que son concurrent, beau dans une belle famille, lettré comme un des clercs qui l'avaient élevé d'abord pour l'état ecclésiastique, plus pieux qu'on ne l'était dans sa famille, était renommé pour sa vaillance comme pour sa bonne humeur et sa générosité. Sa femme, dulcissima consors, d'origine grecque et impériale, Irène, qui changea son nom en celui de Marie, n'était pas moins prisée pour sa douceur et ses heureuses qualités. Un poète allemand l'appelait «une rose sans épine et une colombe « sans fiel. » Occupé à recevoir les serments de ses vassaux et fier de se montrer, la couronne en tête, aux bourgeois de Worms, Philippe de Souabe, à la nouvelle que son rival avait été proclamé dans Cologne, n'eut que le temps de jeter une garnison de 300 chevaliers dans la ville impériale d'Aix-la-Chapelle. Otton, à la tête de forces plus considérables,

Voir surtout, pour ces détails et pour la discussion des dates, des faits et la présence des personnages, l'éclaircissement (Erläuterung) IV.

2 Martène, Chronic. Turonens. Amplissima collectio, 1, 1056 : « corpore mag

«nus, facie lætus, sermone jocundus. » Chron. de Mailros. Recueil XIX, 257: «in omni acie miles eminentissimus. » Chron. d'Ursperg « superbus et stul

« tus. »

vint assiéger celle-ci. Elle se rendit; et le fils d'Henri le Lion, couronné le 12 juillet par l'archevêque de Cologne, prit place sur le trône de Charlemagne au milieu des princes et des évêques du Rhin, des PaysBas et de Westphalie. Pour se consoler, Philippe de Souabe entra dans Mayence, qui lui était fidèle, avec les insignes de l'empire. L'archevêque de la ville était encore à la croisade. A son défaut, un archevêque du royaume de Bourgogne, vassal de l'empire, Simon, de Tarentaise, qui devait être plus tard excommunié pour ce fait, oignit, consacra le second fils de Barberousse et lui mit la couronne royale sur la tête.

Chacun des deux concurrents avait pris au plus vite ce qu'il pouvait. Philippe de Souabe avait été proclamé le premier, mais Otton le premier couronné. La cérémonie avait eu lieu pour Otton dans la ville impériale d'Aix-la-Chapelle, mais pour Philippe de Souabe, à Mayence, avec les insignes de l'Empire. Ni l'un ni l'autre n'avait été oint et consacré par l'archevêque traditionnel. Il y avait lieu à discussion pour les formalités. L'Allemagne, l'Europe même, on peut le dire, furent partagées. M. Édouard Winkelmann a pu déterminer avec précision, mais non sans peine, les partisans de l'un et de l'autre concurrent. Pour Otton IV se déclarèrent le comte palatin, Henri son frère, qui, revenu de la croisade, approuva (gratum habuit) ce qu'on avait fait, l'archevêque Adolphe, avec la ville de Cologne et une partie de la Westphalie, le duc de Brabant, qui avait fiancé sa fille avec ce prétendant, les comtes de Flandre et de Hollande, celui de Limbourg, l'évêque de Strasbourg, en général tout le nord-ouest, et, en outre, le landgrave de Thuringe, Hermann, fils de Louis V, quoique sa nature de poète pût l'amener à changer. Philippe de Souabe avait, au Midi, le duc Louis de Bavière et l'évêque de Ratisbonne Conrad, la Souabe et la Franconie, qui étaient à lui, le duc d'Autriche Léopold VII, les dues de Carinthie et de Méran, l'archevêque de Salzbourg et le duc de Bohême; au nord, les princes des maisons de Wettin et d'Anhalt dans la Saxe orientale, le Brandebourg et la Misnie, le comte de Holstein, Adolphe IV de Schaumbourg, enfin tous les évêques et abbés de ces pays. Arnold de Lubeck dit que, pour le nombre, la valeur des provinces et la force militaire (tum in numero et valore provinciarum tum etiam in robore militum), Philippe avait la meilleure partie de l'Allemagne. Des deux souverains alors les plus puissants de la chrétienté, Philippe II Auguste était pour Philippe de Souabe, Richard Cœur de Lion était pour Otton IV, et il entraînait avec lui le roi de Danemark, Knut VI, indisposé alors contre le roi de France, qui avait répudié sa fille Ingeburge. M. Éd. Winkelmann ne manque pas de démêler la part prise par les étrangers à cette célèbre rivalité pour la couronne allemande,

et ce n'est pas la partie la moins neuve de son livre. La papauté, néanmoins, dont dépendait le couronnement impérial à Rome, c'est-à-dire alors la vraie consécration de la souveraineté césarienne, devait jouer le rôle le plus important dans cette histoire, et faire passer la première couronne de la chrétienté de l'un à l'autre concurrent, au gré de sa politique.

(La suite à un prochain cahier.)

JULES ZELLER.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT NATIONAL DE FRANCE.

SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE DES CINQ ACADÉMIES.

La séance publique annuelle des cinq Académies de l'Institut a eu lieu le mardi 25 octobre 1881, sous la présidence de M. Caro, président de l'Académie des sciences morales et politiques, assisté de MM. Camille Doucet, Pavet de Courteille, Wurtz, Questel, délégués des Académies française, des inscriptions et belles-lettres, des sciences et des beaux-arts, et de M. Mignet, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques, secrétaire actuel du bureau de l'Institut.

A l'ouverture de la séance, le président a prononcé un discours et proclamé le prix biennal, qui a été décerné, pour 1881, à M. Désiré Nisard pour son Histoire de la littérature française.

A la suite de ce discours il a été donné lecture du rapport sur le concours de 1881, pour le prix de linguistique fondé par M. de Volney. La commission a décerné le prix à M. James Darmesteter pour sa Grammaire historique de la langue persane (manuscrit de 641 pages in-4°), et l'a élevé à la somme de 2,000 francs.

La séance s'est terminée par la lecture des quatre morceaux suivants: Siger de Brabant, par M. Gaston Paris, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres; M. His de la Salle, par M. Gruyer, de l'Académie des beaux-arts; la Nouvelle vaccination, par M. Bouley, de l'Académie des sciences; Etudes et souvenirs de théâtre, M. Népomucène Lemercier, par M. Legouvé, de l'Académie française.

ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS.

L'Académie des beaux-arts a tenu, le samedi 22 octobre, sa séance publique annuelle sous la présidence de M. Questel.

Après l'exécution d'une ouverture composée par M. Hillemacher, pensionnaire de Rome, la séance a commencé par un discours du président, qui a été suivi de la proclamation des prix décernés et des prix proposés.

-Grand

Grands prix de peinture. Sujet du concours : « La colère d'Achille. » — prix, M. Fournier, élève de M. Cabanel; second grand prix, M. Danger, élève de MM. Gérôme et Millet.

Sculpture. Sujet du concours : «Tyrtée chantant ses Messéniennes. » Premier grand prix, M. Labatut, élève de M. Jouffroy; premier second grand prix, M. Péene, élève de MM. Dumont et Bonnassieux; deuxième second grand prix, M. Puech, élève de MM. Jouffroy et Chapu.

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Pre

Architecture. Sujet du concours: «Un palais cercle des beaux-arts. » — mier grand prix. M. Deglane, élève de M. André; premier second grand prix, M. Maillart, élève de M. Guadet; deuxième second grand prix, M. Julien, élève de M. Daumet.

Gravure en médailles. — Premier grand prix, M. Patey, élève de MM. Jouffroy, Chapu et Chaplain; second grand prix, M. Vernon, élève de MM. Cavelier, Tasset et Millet.

Composition musicale.

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Sujet du concours: une cantate à trois personnages, intitulée: «Geneviève. » — Le grand prix n'a pas été décerné. Premier second grand prix, M. Bruneau, élève de M. Massenet; deuxième second grand prix, M. Vidal, élève du même; mention honorable, M. Missa, élève du même. Prix Deschaumes.

Décerné à M. Masqueray; médaille de 500 francs offerte à M. Guinand, auteur des paroles de la cantate pour le grand prix de musique. Prix Maillé-Latour-Landry. – Partagé entre MM. Gay, peintre, Camille Lefebvre, sculpteur, et Fulconis, sculpteur.

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pas

Prix Bordin. Ce prix n'a été décerné. L'Académie a accordé une médaille de 1,000 francs à M. Paul Mantz, une médaille de même valeur à M. Marionneau, deux médailles de 500 francs chacune à MM. Bonnaffé et de Montaiglon, et une mention honorable à M. Marquet de Vasselot.

L'Académie propose pour l'année 1883 le sujet suivant:

« Rechercher et étudier quelles sont les caractéristiques les moins discutables des

« divers styles architectoniques de tous les temps et de tous les pays, soit dans les

« compositions générales, soit dans les formes spéciales, soit dans les détails orne«mentaux, et résumer cette étude dans une sorte de table méthodique indiquant • succinctement, mais nettement, ces divers caractères et ces divers éléments. » Les mémoires devront être déposés le 31 décembre 1882.

Prix Trémont. Les prix d'encouragement fondés par le baron de Trémont ont été décernés à MM. Mombur, sculpteur; H. Dubois, graveur en médailles; Boisselot et Cohen, compositeurs de musique.

MTM

Prix Georges Lambert. - Partagé entre Mme veuves Colin, Outwhaite, Viger, Robinet et M. Chambaud, statuaire.

Prix Achille Leclère.

Ce prix, destiné à l'auteur du meilleur projet d'architecture mis au concours par l'Académie, a été décerné à M. Louis Poncet, élève de M. Vaudremer. Deux mentions honorables ont été accordées, la première à M. Saladin, la seconde à M. Esquié, élèves tous les deux de M. Daumet.

Prix Chartier. Décerné à M. César Franck.

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Prix Troyon. Le prix de paysage de la fondation Troyon n'a pas été décerné. L'Académie a accordé trois mentions honorables, la première à M. Forcade, élève de M. Cabanel; la seconde à M. Marais, élève de MM. Busson et Beschère; la troisième à M. Boudot, élève de M. Français. L'Académie, espérant augmenter l'importance du concours de 1883, doublera, pour cette époque, la valeur du prix.

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Prix Jean Leclaire. Les élèves architectes de l'École des beaux-arts, appelés cette année à jouir des bénéfices de ce prix, sont MM. Esquié, élève de M. Daumet, et Blanc, élève de M. Ginain.

Prix Alhumbert. Décerné à M. Boisson,

graveur en taille-douce.

Prix Delannoy. - Destiné à l'élève qui a remporté le grand prix de Rome en architecture, ce prix a été remis cette année à M. Deglane.

Fondation Lusson. M. Maillart, qui a obtenu le second grand prix de Rome en architecture, a été appelé cette année à jouir du bénéfice de la fondation Lusson. Fondation Jary. M. Jary a établi, en 1841, une fondation en faveur du pensionnaire architecte qui, avant de quitter l'École de Rome, aura rempli toutes les obligations imposées par le règlement. M. Blondel, ayant satisfait à ces conditions, a été appelé, cette année, à jouir du bénéfice de la fondation Jary.

Prix Jean Reynaud. - Ce prix, destiné au travail le plus méritant, relevant de chaque classe de l'Institut, qui se sera produit pendant une période de cinq ans, sera décerné par l'Académie des beaux-arts en 1882.

Prix de l'École des beaux-arts. — M. Roulleau, élève de M. Cavelier, a obtenu le prix Caylus (tête d'expression); M. Barnouin, élève de M. Cabanel, a obtenu le prix de Latour (demi-figure peinte, dite du torse).

Les élèves de l'École des beaux-arts qui ont obtenu cette année les grandes médailles d'émulation sont: pour la peinture, M. Fournier; pour la sculpture, M. Roulleau, et, pour l'architecture, M. Esquié.

Le prix Abel Blouet a été décerné à M. Lemaire, élève de la première classe d'architecture.

Le prix Jay, attribué à l'élève qui a remporté la première médaille de construction, a été obtenu cette année par M. Schaltenbrand.

Après la proclamation et l'annonce de ces prix, M. le vicomte Henri Delaborde, secrétaire perpétuel, a lu une notice sur la vie et les ouvrages de M. Léon Cogniet, membre de l'Académie.

La séance s'est terminée par l'exécution de la scène lyrique qui a remporté le premier second grand prix de composition musicale et dont l'auteur est M. Bruneau.

Dans sa séance du 15 octobre, l'Académie des beaux-arts a élu M. le baron de Forstel, de Vienne, à la place d'associé étranger vacante par le décès de M. Strack, de Berlin.

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