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dans le même moment à tous ceux qui les obfervent, & qui jouiffent d'un Ciel également ferein; avec cette différence que le Signal pouvoit être apperçu à la vûe fimple, au lieu que les Satellites de Jupiter ne peuvent fe voir que par le secours des lunettes, ce qui rendoit cette Méthode infiniment fupérieure aux autres dans le cas préfent. D'ailleurs les Obfervations des Satellites demandent un Ciel pur, qu'il faut souvent attendre long-tems, au lieu que le Signal terreftre fe voit même dans les tems couverts. On pouvoit auffi répéter plufieurs jours de fuite l'obfervation du Signal, pour avoir de part & d'autre les différences des heures, que marquoient les Pendules au tems de fon apparition. Voilà les principaux avantages de cette Méthode. Elle suppose, de même que celle des Satellites de Jupiter, que la Pendule foit exactement reglée. Nous avions deux Pendules du sieur Julien le Roy, de fa nouvelle conftruction. On fçait de quelle excellence font les ouvrages qui fortent de fes mains.

DEUX Hermitages placés fur la partie la plus élevée des Montagnes de Sette & de Ste Victoire, la premiere en Languedoc, & la feconde en Provence, devoient nous fournir un lieu commode pour ces fortes d'obfervations, & une retraite pour le tems qu'il feroit néceffaire d'y féjourner. Ces deux Montagnes dominent fur toutes celles qui les environnent. Du Mont de Sette, on voyoit d'un côté le Canigou, à la distance de trente lieues; & de l'autre, le Mont Ventoux, éloigné de quarante lieues, & prefque toutes les Montagnes de la Provence. De Ste Victoire l'on découvroit auffi d'un côté les Montagnes des Pyrenées, & de l'autre celles du Dauphiné.

Ces deux lieux étoient déja liés l'un à l'autre

par une

fuite

de triangles; & nous avions trouvé, vers le milieu de cette distance, une plaine d'une grande étendue, où l'on pouvoit prendre une base, pour fervir de fondement aux opérations geométriques.

Tour paroiffoit concourir à la réussite de cette entreprife: ainfi après avoir terminé mes Obfervations à Perpignan, nous prîmes des mesures pour commencer ce nouveau travail. M. de la Caille partit pour Ste Victoire, & je me rendis à Sette, vers le milieu de Décembre de l'année 1739.

que

PENDANT le féjour que nous fìmes fur ces Montagnes, qui fut de près d'un mois, une de nos principales occupations, & que nous regardions comme la plus effentielle, fut de regler nos Pendules pour avoir l'heure vraye, parce c'étoit de leur précifion que dépendoit principalement celle de la Méthode que nous nous propofions d'employer, ce qui nous demanda beaucoup de tems, à caufe de l'intemperie de l'air qu'il faifoit dans cette faifon; de forte que nous ne pûmes avoir que quatre Observations correspondantes du feu de la poudre à canon, qui fussent faites dans toutes les circonftances réquifes; mais les réfultats en étoient fi conformes, qu'elles nous parurent fuffi

fantes.

LA différence des Meridiens entre ces deux Hermitages fut trouvée de 7′ 33′′, laquelle comparée à leur distance déja connue, nous donna la grandeur du degré de longitude fur ce parallele plus grande que dans l'hypothefe de la Terre fphérique; ce qui étoit contraire aux Observations faites en France fur le parallele de Paris, mais favorable à la différence que nous avions trouvée entre le degré de Bourges & celui de Perpignan. De forte que nos Obfervations, tant en longitude qu'en latitude, s'accordoient entre

elles,

elles, & avec celles du cercle polaire. Je me rendis à Paris pour les communiquer à l'Académie. M.de la Caille resta en Languedoc, & après avoir mefuré une bafe de 9353 toifes dans la plaine de la Crau,il forma une fuite de triangles, par laquelle il détermina la longueur de l'arc du parallele, terminé par les Meridiens des deux Hermitages, de 78600 toises, à peu-près la même, que celle qui réfultoit du calcul des triangles de la perpendiculaire à 300000 toises de Paris, décrite l'année précédente, & vérifiée par la bafe mefurée auprès de Perpignan.

TOUTES nos Obfervations, tant céleftes que terreftres, s'accordoient entre elles. Nous avions mefuré trois bases, l'une à Bourges, l'autre à Rodés, la troifiéme à Perpignan, qui fe rapportoient à celles qui réfultoient de la fuite des triangles. La feule bafe de Paris s'éloignoit de celle de Bourges, & par conféquent elle ne pouvoit convenir avec les deux autres. Ce qui augmentoit les foupçons que nous avions déja eus fur fa précision.

M. DE LA CAILLE fe chargea en quelque maniere d'éclaircir nos doutes. Il entreprit dans le fort de l'hyver de l'année 1740, dans un tems que toute la Terre étoit couverte de neige, & que les chemins étoient prefque impratiquables, la vérification de quelques angles fur les montagnes d'Auvergne ; il fubftitua de nouveaux triangles aux anciens, dont les points étoient difpofés plus avantageusement; il mefura la bafe de Bourges pour une troifiéme fois, en y employant des perches d'une longueur différente de celles qui avoient fervi aux deux premieres mefures. Le réfultat de toutes fes peines & de fon travail fut toujours conforme aux premiéres opérations; il ne pouvoit s'accorder avec la base de M. Picard, qu'en y fuppofant une erreur de cinq à fix toifes.

C

J'AI remarqué dans les Mémoires de l'Académie de l'année 1736 (page 336) qu'en nous réunissant au parallele de Paris, décrit en 1733, il s'étoit trouvé une différence de 11 toifes fur un côté de 11000 toifes, d'un triangle commun à deux fuites, formées l'une fur la bafe de M. Picard, & l'autre fur une bafe mefurée près d'Honfleur.

EN 1738 nous avions mefuré deux bafes, l'une près de Dax, & l'autre proche de Bourdeaux, fur lefquelles on avoit formé une fuite de triangles, qui fe réuniffoit à la Meridienne, & il en résultoit, que les côtés des triangles de la Meridienne, devoient être plus courts, qu'on ne les trouve dans le Livre de la Grandeur & de la Figure de la Terre.

MAIS Outre ces considérations, la mesure de la base de M. Picard, ou d'une autre aux environs de Paris, devenoit néceffaire à l'Ouvrage que nous devions entreprendre l'année fuivante, pour vérifier l'autre portion de la Meridienne, depuis Paris jufqu'à Dunkerke. Car nous nous étions impofé une loi de ne rien fuppofer que nos propres Obfervations, & l'on auroit eu à nous reprocher d'en avoir employé une fans l'avoir vérifiée.

La partie de la Meridienne qui devoit être l'objet de notre travail pendant l'année 1740, n'étoit pas à beaucoup près auffi étendue que la précédente. Nous en différâmes l'exécution jufques vers l'Automne, d'autant plus que M. de la Caille étoit retenu à Paris jufqu'à ce tems, ayant été nommé Profeffeur de Mathématiques au College Maza

rin.

Nous n'avions point perdu de vûe la Defcription geométrique de la France. M. Maraldi s'étoit chargé de cet Ouvrage, & fes opérations étoient fi avancées, que cette même année tout le contour du Royaume devoit être ache

vé, à la reserve des Frontieres de Flandres & du Hainaut.

J'EMPLOYAI une grande partie de l'Eté à faire la Description de ce pays; & je me joignis aux triangles de M. Maraldi du côté de Metz. Pendant ce tems, mon pere, aidé de M. l'Abbé de la Caille, s'occupa à vérifier la base de M. Picard, & la direction de la Meridienne.

On ne voyoit plus, des deux termes de la bafe de M. Picard, , que l'emplacement du moulin de Villejuive; & quand même on les auroit reconnu, les maisons qu'on a bâties, & la quantité d'arbres que l'on a plantés dans l'allignement de cette base, n'auroient pas permis de voir réciproquement ces deux termes.

Le parti que prit mon pere, après avoir bien examiné le terrein, fut de mesurer une autre base, à peu-près dans la même direction, & de la rapporter, foit à celle de M. Picard, au cas que l'on en pût reconnoître évidemment les termes, foit à un des côtés de fes triangles.

Nous parlerons dans la fuite, des différens moyens qui furent mis en usage pour tenter cette voie; il nous fuffira de dire ici, qu'elles ont réuffi toutes deux, & qu'il en a réfulté, que la base de M. Picard étoit trop longue d'environ fix toifes.

CETTE derniere correction concilioit toutes les Obfervations. Le degré de Bourges devenoit à la vérité plus petit qu'on ne l'avoit d'abord trouvé, en prenant un milieu entre les calculs fondés, l'un fur l'ancienne bafe de M. Picard, & l'autre fur celle du Berry; mais il étoit toujours plus grand que le degré de Perpignan. Enfin le degré de M. Picard fe trouvoit plus court de 56 toifes, indépendamment de la réfraction que nous avions employée dans nos arcs, & de la correction que mon pere avoit jugé devoir être faite à sa mesure.

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