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Si l'accord de toutes les bafes que nous avons mefurées en France,a pû paroître furprenant à tous ceux qui ont combiné les erreurs dont les opérations geométriques font fufceptibles, je crois qu'ils fe feroient encore moins attendus, que l'on eût pu reconnoître par une fuite de triangles prolongée dans une étendue de plus de 40 lieues, une différence de fix toises dans une mesure actuelle. Cette circonftance feule parle plus en faveur de la précision de nos opérations, que ne peuvent les détruire toutes les combinaisons qu'on peut imaginer; puisqu'il est aussi impossible que les erreurs s'arrangent de maniere à produire les plus grandes différences, qu'il paroît difficile d'en éviter une partie.

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Les vérifications que mon pere fe propofoit de faire ne se bornerent point à la base de M. Picard; il étoit nécessaire de déterminer par de nouvelles Obfervations, les deux points du Nord & du Midi, par où paffe le Meridien de l'Obfervatoire; on trouva par le calcul de plufieurs Obfervations, que la Tour de Montlhery en déclinoit de 11° 58′ 28′′ au Sud-Oueft, & la Pyramide de Montmartre de 12" au Nord-Eft. Suivant les Obfervations de Monfieur Picard, la déclinaifon d'un pilier qu'il avoit fait planter, au même endroit où eft maintenant la Pyramide de Montmarétoit de cinq à six secondes dans le même fons. Ainfi il ne se trouve entre le résultat de fes Obfervations & les nôtres, qu'une différence de 6", ce qui est à peu-près la plus grande précision à laquelle on puiffe afpirer; puifque l'erreur d'une feule feconde de tems dans l'Obfervation, en produit une de 11 à 12" dans la direction de la Meridienne.

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CETTE recherche étoit auffi utile pour s'affurer, fi la direction des Meridiens de la Terre étoit conftante, ou fi elle est, comme celle de l'aiguille aimantée, fujette à quelques

variations, comme quelques Auteurs l'ont avancé.

On étoit en même-tems occupé à l'Obfervatoire à déterminer avec le Secteur la hauteur folfticiale du Soleil, pour la comparer avec celle qu'on avoit obfervée l'année précédente à Bourges, au tems du Solstice d'Eté, avec le même Inftrument, & pour vérifier, vérifier, par ce moyen, l'arc du ciel intercepté entre Paris & Bourges. On le trouva à peu près le même que celui qui résultoit des Observations des Etoiles qui paffent près du Zenith.

OUTRE ces Obfervations, on en fit un très-grand nombre de la distance des Etoiles au Zenith, dont nous devions nous fervir principalement pour déterminer l'arc du Meridien entre Paris & Dunkerke. On les continua jufqu'à la fin de Juillet, tems auquel M. l'Abbé de la Caille partit avec le Secteur pour venir à Dunkerke, où je m'étois rendu, après avoir déterminé les Frontieres du Royaume, depuis Dunkerke jufqu'à Sarre-Louis.

LES Obfervations de Paris furent achevées le 31 Juillet, & commencées à Dunkerke le 11 Août fuivant, après un intervalle de dix jours. Cette circonftance étoit favorable pour la détermination précife de notre arc. Car quoique l'on connoisse exactement les regles de l'aberration des Etoiles fixes, on conviendra qu'il vaut encore mieux que les Observations soient faites de part & d'autre, dans des intervalles les moins éloignés les uns des autres qu'il eft poffible.

J'AVOIS destiné pour nos Obfervations le lieu même où mon pere avoit fait les fiennes en 1718, & d'où l'on voit la Tour de Dunkerke; l'on y plaça le Secteur, & la Pendule que l'on regla avec beaucoup de foin, pour y déterminer la direction du Meridien par le lever & le coucher du Soleil, de même que nous l'avions fait à Paris, & dans tous les

autres lieux où nous avions obfervé les Etoiles.

Nous y obfervâmes la diftance au Zenith des Etoiles s & v du Dragon, de la Queue du Cygne, de la Claire de Perfée, de la Chevre, & de la Lyre, prefque toutes les mêmes que celles que nous avions observées l'année précédente en divers endroits de la Meridienne; & il nous réuffit d'en faire près de 60 Obfervations, qui s'accordent à donner l'arc du Meridien entre l'Obfervatoire de Paris & la Tour de Dunkerke de 2° 11' 56", avec des différences, qui de la plus petite à la plus grande, ne s'en écartent guéres de plus de deux fecondes.

ON auroit pu se difpenfer d'observer un si grand nombre d'Etoiles; mais quelque précision que nous ayons jufques à préfent reconnue dans la division de notre Secteur, comme il se pourroit faire qu'elle ne fût pas également exacte dans tous les points, il étoit à propos de s'en affurer par les Obfervations de plufieurs Etoiles, dont les diftances au Zenith fuffent éloignées les unes des autres.

Il étoit outre cela néceffaire de fçavoir si dans la mesure des arcs déterminés par le moyen des diftances des Etoiles qui font près du Zenith, on peut négliger la réfraction, ou fi l'on doit y avoir égard comme mon Grand-pere l'a conclu des Obfervations qu'il a faites à ce deffein, & comme il résulte de toutes les théories que l'on a imaginées jusqu'à préfent. C'est ce que nous avons reconnu évidemment, parce qu'en appliquant les réfractions aux Etoiles qui font près du Zenith, de même qu'à celles qui en font éloignées, il en a résulté une même quantité dans la grandeur des arcs déterminés par plusieurs comparaisons d'Etoiles, autrement nous aurions trouvé des différences très-fenfibles dans une étendue de plus de huit degrés, telle que celle qui eft com

prise entre les deux extrémités de la Meridienne.

Nous mefurâmes auffi pendant notre fejour à Dunkerke une base de 6224 toifes, avec le même foin que mon pere avoit pris dans celle de Paris, à la réferve qu'à la place des regles de fer dont il s'étoit fervi pour fa mefure, nous y employâmes, comme à l'ordinaire, des regles de bois du Nord, ferrées par les deux bouts, & fur lefquelles nous avions fait mettre plusieurs couches de peinture en huile. Cette précaution nous parut néceffaire, pour éviter l'effet de la fécheref se & de l'humidité, qui étoit à craindre dans une mesure faite fur le fable, que l'eau de la mer couvroit deux fois chaque jour, & où elle reftoit en quelques endroits, dans une étendue de plufieurs toifes, à la profondeur de cinq à fix pouces.

C'EST fur cette nouvelle bafe que nous avons calculé le premier côté d'un de nos triangles que l'on avoit auffi employé dans l'ancienne Meridienne, & qui s'eft trouvée à très-peu-près conforme à ce qui réfultoit de la bafe qui fut mefurée en 1718, prefque dans le même endroit, & dont un des termes, qui eft le Fort de Revers, eft commun à toutes les deux.

Nous avons formé fur cette bafe une nouvelle fuite de triangles presque tous différens de ceux de 1718, & en moindre quantité, au moyen defquels nous fommes parvenus à Amiens.

LA difpofition du terrein ne paroiffoit pas d'abord favorable. A la réserve de quelques Montagnes du côté de Dunkerke, & d'une chaîne de Montagnes aux environs de Bethune, lefquelles s'étendent de l'Occident vers l'Orient, ce font des plaines, où font fitués des Villages dont les Clochers paroiffent au milieu d'un grand nombre d'arbres fort

élevés, & dont le fommet excéde fouvent la pointe des Clochers. Cependant il nous a réuffi d'obferver tous les angles de nos triangles, en nous plaçant à la partie la plus élevée des fléches, qui se trouvoient fouvent fi embarraffées de charpente, que l'observation de quelques angles demandoit des peines & un travail de plusieurs jours.

CETTE fuite de triangles fut vérifiée par une autre dont les objets paroiffoient encore mieux difpofés, mais dont la direction fe trouve un peu à l'Orient de la Meridienne. Cependant comme il falloit y employer un triangle de plus, nous jugeâmes devoir donner la préférence à la premiere suite, dont elle ne différoit que de cinq toifes, fur toute la distance de Dunkerke à Amiens.

SUIVANT la premiere de ces fuites, la diftance de Sourdon à Villersbretonneux, commune à toutes les deux, fe trouva plus petite d'environ 15 toifes que celle dont mon pere s'eft fervi dans le Traité de la Grandeur & de la Figure de la Terre ; ce qui s'approche de ce qui devoit résulter de la fuite des triangles depuis Paris jusqu'à Sourdon, fi l'on y avoit employé la base de M. Picard, telle qu'on l'a trouvée en dernier lieu.

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Nous continuâmes nos opérations depuis Amiens jufqu'à Paris, en formant un grand nombre de fuites de triangles, dans lesquelles nous substituâmes plusieurs objets à ceux M. Picard avoit employés dans la mesure de la Terre. Nous choififfions ceux dont la disposition paroiffoit plus favorable, & dont les angles étoient moins aigus. Nous parvînmes ainfi à la nouvelle base de Paris, qui s'eft trouvée, fuivant le calcul, plus petite feulement d'environ un pied que celle qui avoit été mefurée. Cet accord de deux bafes éloignées l'une de l'autre de 60 lieues, faifoit voir que s'il

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y

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