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dont la couleur est d'un jaune citron: cette terre mife fur une péle à feu exhale une forte odeur de Souffre, mais elle ne s'embrafe pas; à cette terre fuccedent différentes veines de rocher, parmi lesquelles on voit encore des filets de Marcaffite, & dont la dureté augmente à mesure qu'elles s'éloignent du filon, c'eft ce qu'ils appellent la Queue du filon: j'ai enlevé une partie de ce filon avec de la poudre, & heureufement l'Antimoine eft refté uni aux différentes matieres qui l'accompagnent, en forte qu'on peut voir la fuite de ces matieres fur le morceau que j'ai envoyé pour le Cabinet du Jardin du Roi.

Le procédé pour faire fondre la Mine d'Antimoine eft très-fimple: on met la Mine dans des pots de terre femblables à ceux que nous appellons chauffoirs; on en fait de deux fortes: les uns font comme à l'ordinaire; les autres en différent en ce qu'ils n'ont point de fond: on ajufte ceux-ci fur les premiers, & on les remplit de Mine d'Antimoine caffée par petits morceaux: tous ces pots font arrangés dans un four qu'on échauffe avec des broffailles. On fait un feu modéré pendant les premieres heures, & on l'augmente jufqu'à le faire de la derniere violence: pendant cette opération, qui dure environ vingt-quatre heures, il fort du four une fumée très-épaiffe, qui répand fort loin aux environs une odeur de Souffre: quoique j'aie obfervé ci-deffus que cette fumée endommageoit les arbres des Montagnes voifines, les Gens du pays m'ont cependant affuré que perfonne ne s'en trouvoit incommodé. Après l'opération on trouve l'Antimoine fondu dans le pot inférieur & les fcories reftent au-deffus. Quand la Mine eft bien pure, comme eft celle de la Fage, le pot inférieur doit fe trouver plein d'Antimoine; mais celle de Merqueure n'en produit ordinairement que les deux tiers: cependant on dit que fi le feu n'eft pas bien ménagé au commencement de l'opération cette différence influe confidérablement fur la quantité d'Antimoine.

Il y a encore plufieurs autres Mines en Auvergne, mais qui font la plupart négligées. Il y a entre autres une Mine de Plomb fort riche, à ce que j'ai oui dire, à Montfermi, près

de Pongibaut, à quatre lieues de Clermont : les puits de cette Mine qui font fur les bords de la petite riviere de Cioule étoient remplis d'eau quand j'y arrivai, & les magafins étoient fermés: cet établiffement paroît confidérable; c'eft à cette Mine que j'ai vu, pour la premiére fois, le foufflet à chûte d'eau, qui n'eft compofé que d'un tuyau de bois & d'une cuve renversée.

OBSERVATIONS DE PHYSIQUE & d'Hiftoire Naturelle faites dans la Province de Rouffillon. Nous avions projetté de faire différentes expériences de Phyfique au haut du Canigou qui paffe pour la plus haute Montagne des Pyrénées, & ce projet devoit s'exécuter lorfque M. Caffini auroit conduit la Meridienne jufqu'à Perpignan; mais la crainte d'être furpris par les neiges qui tombent dans ces Montagnes de très-bonne heure, nous obligea de hâter ce voyage.

Je partis donc d'Auvergne malgré les Obfervations qui me restoient encore à faire dans un pays auffi fécond en Curiofités d'Hiftoire naturelle, & après avoir traverfé rapidement les Provinces de Rouergue & du Languedoc, j'arrivai à la fin de Septembre à Perpignan. La Province du Rouffillon dont cette Ville eft la capitale, comprend aujourd'hui toutes les terres que la France a acquifes au Midi du Diocèse de Narbonne : les Catalans qui l'habitent diftinguent encore cette étendue de pays par des noms différens, & donnent feulement à la plaine du Rouffillon le nom que nous donnons à toute la Province.

Cette plaine admirable par fa fertilité & par la douceur du climat fous lequel elle eft fituée, l'emporteroit fur les meilleurs pays du Royaume, fi elle étoit cultivée par un nombre fuffifant d'habitans & dont le courage & l'induftrie répondît à l'excellence du terroir. C'eft une efpéce de baffin allongé de l'Eft à l'Ouest, fermé par la Méditerranée du

côté du Levant, & environné d'ailleurs par des Montagnes fort hautes. Celles qui la défendent au Nord & qui la féparent du Diocèse de Narbonne s'appellent les Corbieres; cette chaîne n'appartient pas proprement aux Pyrénées, mais elle s'en détache pour venir fe joindre aux Cevenes, & former avec les mêmes Cevenes & les Montagnes de Dauphiné une chaîne continuelle, qui lie les Pyrénées avec les Alpes.

La plaine du Rouffillon eft traversée suivant fa longueur par trois Rivieres principales qui s'embouchent immédiatement dans la Mer Méditerranée : ces Rivieres qui font l'Agly, la Tet & la Tech, réuniffent toutes les eaux qui découlent des Montagnes, arrofent les terres par mille petits canaux & portent par tout la fraîcheur & la fertilité; on voit même aux environs de Perpignan un ancien Aqueduc qui fert encore à conduire l'eau dans les terres les plus élevées, & qui ne fçauroient recevoir celle des rivieres. Ces fortes d'arrofemens font abfolument néceffaires dans une Province où le Ciel eft fouvent fec & où les pluyes font très-rares pendant la plus grande partie de l'année : elles n'y paroiffent guéres que dans l'Automne, mais alors elles font très-abondantes. Le vent de mer, qu'on appelle ici le vent d'Autant, les amene; fa direction eft à peu près du Sud-Eft au Nord-Oueft, & il fouffle avec tant de violence qu'il caufe fouvent de grandes inondations. La pluye qu'il répand dans la plaine & fur les montagnes où les nuages qu'il chasse se trouvent arrêtés, fait enfler prodigieufement les Rivieres: il pouffe en même-tems les flots du Golfe de Lyon avec tant d'impétuofité vers leur embouchure, qu'il empêche l'écoulement des eaux & les fait déborder fur les terres, dont une grande partie fe trouve malheureusement fubmergée. Mais ces défaftres n'arrivent, comme j'ai dit, que dans l'Automne; un zéphir plus tranquille & plus doux regne affez conftamment dans les autres faifons de l'année: on l'appelle ici, de même qu'en Languedoc, le bon Vent de Cers; il eft directement oppofé au vent d'Autant dont il tempére la chaleur & l'impétuofité; en effet, comme il paffe par deffus une chaîne de Montagnes, dont quelques-unes font continuellement

couvertes de neiges, il répand dans la plaine du Rouffillon une fraîcheur agréable qui fait fupporter fans peine la chaleur du climat.

En général le Rouffillon eft un pays chaud, & il paroît par les arbres & les plantes qui y croiffent, qu'on n'y reffent pas des Hivers bien rigoureux. On y voit encore des Oliviers qui n'ont point été endommagés du grand Hiver de 1709. les Orangers & les Citroniers en pleine terre, ornent prefque tous les Jardins; les chemins font bordés de Myrtes, de Grenadiers, de Lentifcs; enfin le Thym, la Lavande, le Romarin, le Stachas, l'Arbre de Kermès, &c. font les broffailles les plus en ufage dans la campagne pour échauffer les fours.

Les terres font fi fertiles en quelques endroits qu'on y fait jufques à trois récoltes: après celle du froment, qui fe fait de fort bonne heure, ils labourent leurs terres & y fement en même-tems du bled de Turquie & des haricots; à mefure que la canne du bled de Turquie croît & fe fortifie, le haricot s'y entortille comme autour d'une perche; ces deux grains meuriffent à peu près en même-tems, & on en fait la double moiffon au mois d'Octobre. Les payfans fe nourriffent principalement de cette derniére récolte; ils font avec le bled de Turquie, le Millet & la pulpe de Potiron un pain d'une très-belle apparence, mais d'un goût fade & désagréable. Il n'en eft pas de même de leurs haricots; ce font bien les légumes les plus parfaits en ce genre dont j'aye jamais gouté. Ils en ont encore un autre dont ils font leurs délices, ce font les Oignons blancs qui deviennent d'une groffeur prodigieufe, & fi doux que les Montagnards les man

gent comme des

pommes.

Les vignes réuffiffent auffi très-bien dans cette Province; fon terroir fec & graveleux leur convient parfaitement bien. On connoît par toute l'Europe l'excellent vin muscat de Rivefaltes, & le vin ordinaire du Rouffillon eft affez eftimé. Les pêches, les melons, les figues, les amandes, les grenades douces, & quantité d'efpéces d'oranges & de citrons font les fruits les plus ordinaires des Jardins. Tous ces arbres

croiffent fans beaucoup de foins; & en général la culture eft facile dans le Rouffillon. Ce qu'ils appellent labourer n'est proprement que gratter la terre: graveleufe & auffi peu liée qu'elle eft, une herfe de nos campagnes y pénétreroit plus profondément que les meilleures Charues de la Province. Ces inftrumens font ici de la derniere fimplicité, & on ne fçait ce que c'eft que d'y mettre des roues: deux piéces de bois compofent toute la machine; l'une eft armée d'un foc qui n'eft qu'une efpéce de couteau de trois ou quatre pouces de large, & l'autre qui roule fur le milieu de la premiere par le le moyen d'une cheville de fer fert de fléche pour atteler les mulets. Le bois dont elles font conftruites eft celui d'une efpéce de Chêne-vert, qu'on appelle Yeufe, & c'eft, pour ainfi dire, le feul qui foit en ufage dans la Province: on trouve bien quelques Pins & quelques Hêtres dans les Montagnes, mais outre qu'ils font affez rares, c'est que noüeux & difformes comme ils font, ils font peu propres à être employés & ne valent pas la peine d'être tirés à fi grands frais des lieux prefqu'inacceffibles où ils croiffent; on peut dire en général que le bois eft fort rare dans le Rouffillon, & je n'ai vu de beaux arbres, que quelques vieux Liéges qui font aux environs de Ceret & dont la hauteur égaloit celle de nos plus grands Chênes.

Je ne parle pas des Abeilles qu'on éléve en quelques endroits avec beaucoup de fuccès, & dont le miel extrait de toutes fortes de fleurs odoriférantes eft au moins auffi agréable que celui de Narbonne : non plus que des Vers à foye, qui font trop négligés dans un climat auffi favorable. Ces deux objets qui ne font pas aujourd'hui fort importans dans le Rouffillon, pourroient le devenir bien davantage, par la facilité qu'il y auroit à multiplier ces Infectes: d'ailleurs les Mûriers dont on nourrit les Vers à foye croiffent très-rapidement dans un terrein fi bien arrofé, & la foye que les Vers filent m'a paru plus parfaite que celle du Languedoc & du Dauphiné.

On éleve peu de chevaux dans cette Province, à leur place on fe fert de mulets: l'efpéce du boeuf eft affez rare &

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