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par une fuite de cette rareté, le beurre & le lait de Vache y eft fort cher à leur défaut on éleve beaucoup de Chévres & de Moutons qui font d'affez bon goût; avec le lait des premiéres on fait du fromage auffi parfait que celui de Roquefort. Le gibier eft très-commun par toute la Province, mais non pas également bon : les Perdrix rouges ne font pas fort eftimées, on fait beaucoup plus de cas des grifes qu'on prend dans les Montagnes: mais ces deux efpéces n'approchent pas pour le goût d'une petite Perdrix toute blanche, qu'on trouve dans le Canigoù. Les Ortolans, les Becfigues & les autres oifeaux de paffage font fort communs dans la faison. Parmi les volailles domestiques je n'ai trouvé que les Pigeons qui euffent un goût plus relevé qu'à l'ordinaire; les oiseaux qui étoient les plus communs à la campagne pendant le mois d'Octobre, étoient les Grives dont j'ai remarqué de plufieurs efpèces, les Chardonets, les Pinsons, &c. Les marécages des bords de la mer étoient garnis d'une prodigieufe quantité de Canards fauvages, de Cercelles, parmi lefquelles on voyoit quelques Phanicopteres, qu'on appelle autrement Flamans. J'ai encore obfervé au Canigou une espéce de Corbeau de la groffeur d'un Merle, dont les pieds & le bec étoient d'une très-belle couleur de corail. Enfin j'ai remarqué dans les Montagnes & dans la plaine quantité d'oiseaux qui me font inconnus. M. Barrere, Médecin de l'Hôpital de Perpignan & très-verfé dans toutes les parties de l'Hiftoire Naturelle, m'a fait voir une fuite d'oifeaux du Rouffillon dont il a deffiné les figures: il feroit à fouhaiter qu'il communiquât au Public l'Hiftoire des oifeaux de cette Province, qui meriteroit affurément de voir le jour.

I I.

Des Mines du Rouffillon.

Les Montagnes dont la plaine du Rouffillon eft environnée, fur-tout celles qui tiennent à la chaîne des Pyrénées, font garnies, pour la plûpart, dans leur intérieur de Mines de différentes efpéces: il y a quelques Mines de fer dont je parlerai dans la fuite, mais les plus communes font celles de

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cuivre; une Compagnie d'Intéreffés les fait exploiter à fes dépens, & j'ai vu beaucoup de monnoye que l'on a battu à Perpignan, du cuivre fabriqué du produit de ces Mines; les travaux ont été cependant interrompus depuis quelques années par ordre de la Compagnie,quoiqu'il paroiffe que cette exploitation s'eft faite avec affez de fuccès. Quoi qu'il en foit, cette Compagnie a fait différentes entreprises en plufieurs endroits du Rouffillon, & la derniere fur-tout m'a paru la plus heureufe; elle fut faite quelques mois avant la ceffation des travaux, au pied de la Montagne d'Albert, tout proche du village de Soredde; le puits & les galleries n'ont pas encore beaucoup de profondeur, mais dès ces commencemens on a trouvé une veine de cuivre fort riche, dont on a frappé une Médaille qui m'a paru de très-beau cuivre & du mieux raffiné que j'aye jamais vu. Cette veine fi abondante étoit accompagnée de feuillets de cuivre rouge très-ductile & formé tel par la nature: on les trouvoit répandus parmi le gravier, ou plaqué contre des pierres: j'en ai apporté quelques échantillons fur des pierres, où le cuivre naturel & facile à plier paroît ramifié à la maniere des Dendrites. J'ai vu dans le Magazin de cet Etablissement des pyrites plates fort dures, qu'on avoit retirées en ouvrant la Mine; la plupart s'étoient fleuries à l'air & étoient chargées d'un très-beau vitriol.

La Compagnie a encore d'autres Etablissemens à la Prefte, Village fitué un peu au-delà de Prat de Molliou, & au Corall autre Village qui n'en eft pas fort éloigné; mais c'eft à la Prefte qu'elle a établi le grand Magazin, la Fonderie, les Pilons, le Brocard, & tout ce qui eft néceffaire pour préparer, laver & fondre la Mine. Je n'ai pu defcendre dans les puits de cet Etablissement dont la plupart étoient pleins d'eau, ou dont les échelles étoient pouries; mais j'ai vu dans le Magazin des échantillons des Mines, qu'on a tirés lorfqu'on y travailloit. La Mine du Trou Ste Barbe, à en juger par fa péfanteur fpécifique, paroît affez riche; mais elle eft mêlée avec une pyrite d'un jaune pâle, qui paroît fulphureufe & arfénicale, & propre à emporter une grande partie du métal dans la Scorification. Celle du Frou S. Louis, qui eft voifin

du premier, quoiqu'un peu moins péfante, m'a paru meilleure & moins embarraffée de cette pyrite arfénicale: d'ailleurs elle eft engagée dans une éfpéce de Quartz qui la rend très-aifée à fondre: enfin celle du Corall m'a paru la meil leure de toutes; elle eft de même intimement unie à un Quartz fort dur, avec lequel elle forme un tout fort péfant; on y apperçoit auffi quelques filets de cuivre naturel déja formé dans la Mine, comme dans celle de Soredde.

Les Mines de la Compagnie,quoiqu'elles n'ayent pas laiffé que de produire, ne font cependant pas fi eftimées qu'une Mine de Catalogne, qui n'eft éloignée de celle du Corall que d'environ une heure de chemin: cette Mine eft dans la colline de Bernadelle, précisément fous la Montagne qui fépare la France d'avec l'Espagne, entre la petite ville d'Aulot & celle de Campredon, à peu près à deux portées de fufil, tout au plus, des Terres de France. S'il en faut croire la tradition, elle a été travaillée autrefois par les Romains, qui y occupoient un grand nombre d'Efclaves, & qui avoient établi au Fort de Roquebrune une bonne garnifon pour les contenir. On voit effectivement à l'extrémité de ce vallon les ruines d'un vieux Château d'où l'on pouvoit très-bien découvrir tout ce qui fe paffoit à l'ouverture de cette Mine. Cette ouverture eft tournée, à peu près, vers le Levant; on entre par une gallerie affez étroite & longue de dix ou douze toifes, dans une chambre irréguliére affez vafte, où aboutiffent plufieurs autres galleries plus commodes que la précédente: on voit dans cette premiere chambre beaucoup de Spathe, dont les fragmens d'un blanc prefque tranfparent affectent une figure rhomboïdale réguliere: ces morceaux de Spathe ont quelquefois des taches de deux pouces de diamétre, de la plus belle couleur d'Azur ; ils font aussi traversés de quelques filets argentins, fur-tout dans les endroits où ce Spathe s'unit avec ce qu'ils appellent la Gangue fauvage, qui eft une efpéce de rocher affez tendre & jaunâtre; au refte les décombremens & les autres fragmens qu'on rencontre, tant dans cette chambre, que le long des galleries, font tachés de verd-de-gris affez foncé, mêlé en quelques endroits de ce

bleu azuré dont je viens de parler. Au bout des galleries, qui aboutiffent à la chambre dont je viens de parler, on trouve d'autres chambres quarrées affez réguliéres, fur les murailles defquelles on reconnoît les coups de pic avec quoi elles ont été taillées: ces murailles font toutes parfemées de filets de cuivre qui forment un réseau de différentes couleurs, rouges, violettes, argentées, &c. & ce réseau métallique s'obferve dans toute l'étendue de la Mine & des galleries. Je m'attendois à voir quelque filon cuivreux; mais il paroît qu'il n'en a jamais exifté d'autre dans cette Mine, que ce réseau que j'ai vu prefque par-tout. Il y a bien quelques endroits où les filets font plus gros & où les mailles du réseau sont moins écartées; mais c'eft toujours la même configuration, & je crois, à en juger par la difpofition des chambres & des galleries, qu'on coupoit indiftinctement la maffe de cette Mine pour en tirer le métal.

Les chambres aufquelles aboutiffent les galleries font percées d'autres rues qui vont fe rendre à d'autres chambres, toujours en fe plongeant, de façon que par toutes ces fubdivifions, qui forment une efpéce de labyrinthe, il n'eft pas facile de déterminer l'étendue de certe Mine; mais du moins de cette multitude de chambres & de rues, toutes taillées au pic, il eft aifé de conclure que cette Mine a été exploitée pendant fort long-tems, & le produit en devoit être confidérable; mais ce qui prouve encore mieux que cette matiére étoit bonne de tous côtés, c'eft que dans quelques-unes des chambres dont je viens de parler, on voit un fecond étage de galleries au-deffus des premiéres, d'où l'on tiroit la même matiere ces fecondes galleries ne font ordinairement que des culs-de-fac.

J'ai fait fauter quelques quartiers de cette Mine par le moyen de la poudre, mais les échantillons que j'ai eu ne m'ont pas paru extrêmement riches; ils avoient cependant deux fingularités qui méritent d'être rapportées. Dans les éclats les mieux choifis, il y avoit quelques creux garnis chacun de plufieurs de ces végétations cuivreuses, d'un très-beau verd, foyeux, semblables pour la difpofition des

filets & la vivacité de la couleur, à cette Mine de verd-degris naturel dont M. de Reaumur a donné la defcription dans les Mémoires de l'Académie: à la vérité ces végetations étoient fort petites & avoient tout au plus trois lignes de hauteur. D'autres creux étoient remplis d'une poudre grumelée d'un très-beau bleu d'outre-mer, mais qui n'avoit rien de régulier dans fa difpofition; c'étoit au refte tout ce que ces morceaux avoient de fingulier, car ils ne paroiffoient pas extraordinairement chargés de cuivre: on m'en a fait voir au Magafin de la Prefte, qui venoient de la même Mine & qui paroiffoient beaucoup plus riches. Avant la ceffation des travaux de la Compagnie, les Payfans qui habitent les Montaalloient travailler la nuit aux Mines de Bernadelle,& venoient vendre au Magafin la mine qu'ils avoient tirée & qu'on leur payoit environ un écu le quintal.

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Comme je revenois des Mines de la Compagnie, mon Guide m'avertit que nous allions paffer à un quart de lieue d'une Mine de fer & d'une Forge qui n'en eft pas fort éloignée; je me détournai donc à Puigrodon pour aller à la Montagne de la Patere où fe trouve cette Mine, qu'on appelle la Pinofe. On la tire à ciel ouvert comme on fait le Plâtre à Montmartre, & c'eft la Montagne même dont on coupe de gros quartiers à coup de maillets & de coins, & que l'on débite lenfuite par petits morceaux pour porter à la Forge; dans le milieu des gros quartiers on trouve fouvent en les caffant des cavités, dont la furface intérieure eft polie & comme verniffée. Au-deffous de cette furface eft une croute crystalline de 3 à 4 lignes d'épaiffeur, compofée de rayons noirs & brillans, qui tendent vers un centre. M. de Reaumur a donné dans les Mémoires de l'Acad. Année 1718 la defcription d'une Mine du Pays de Foix, qui paroît reffembler beaucoup à la nôtre. Le bon marché du fer que produit cette Mine, qui ne vaut que 3 à 4 fols la livre dans un pays où le bois eft fi rare, me fit naître l'envie de voir fondre & forger cette Mine. Je fus fort étonné de la fimplicité du procédé, & je ne crois pas qu'on puiffe en employer un plus fimple: fous un même Toît font la fonderie, la forge & le marteau; un

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