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gros mur de brique affez épais, élevé de 10 à 12 pieds fait un angle droit avec un des murs du Bâtiment, c'est cet angle qui eft le fourneau ; on y jette alternativement de la mine & du charbon, & par le moyen d'un foufflet à chûte d'eau, on allume le feu, qu'on a soin d'éteindre à la fuperficie en le mouillant fréquemment : cette mine qui eft très-fusible fait une croûte à la fuperficie, & celle qui eft immédiatement au-deffous, expofée à ce feu de reverbere, fond & fait une Loupe qu'on va porter fous le marteau pour en faire des barres: ainfi on ne fçait ici ce que c'est que de couler une gueufe, & quoiqu'on faffe tous les jours une quantité de fer assez confidérable, on ne voit prefque pas de Laitier ou scories de fer. La couche extérieure du Tas, c'est-à-dire, celle qui a fait la croûte, s'affaiffe dès qu'on a tiré la loupe, on la recouvre de plufieurs autres couches de charbon & de mine, & elle fond à fon tour. Par ce procédé ils ménagent beaucoup de charbon qui eft fort rare & fort cher; car il n'eft fait que des racines des broffailles qu'ils arrachent à grande peine dans ces Montagnes toutes couvertes de rochers. Au refte le fer qu'on tire de ces Forges eft extrêmement doux & liant & quand on le travaille il prend un très-beau poli: on le confomme dans la Province, & c'eft celui qu'on employe à Vinças, village où l'on fabrique d'excellens canons de fufils.

Je me fuis tranfporté auffi à deux Mines de plomb qu'on avoit exploitées dans le Rouffillon; l'une qui n'est pas fort éloignée de la Mine de Soredde, venoit d'écrouler quelque tems avant mon arrivée : j'ai appris qu'on n'en avoit tiré que de l'Alquifou pour vernir les pots de terre. Je n'ai pas été plus heureux à l'autre, qui eft au pied de la Montagne de Tauch, dans les Corbieres; les Ouvriers ne retiroient alors que des quartiers de pierres, & cherchoient un filon qu'ils difoient avoir perdu. Cette Mine donnoit auffi beaucoup d'argent,

III.

Des Pétrifications & autres Matieres minérales, que j'ai trouvées dans le Rouffillon.

Pendant le féjour que j'ai fait à Bugarach, Bourg fitué au pied du Pic de même nom, j'allai vifiter une Mine de Jayet qui n'en eft éloignée que d'une petite lieue: cette Mine reffemble de loin à un tas de charbon de terre, appliqué contre un rocher fort élevé, au bas duquel eft l'entrée d'une petite caverne : cette Mine, à ce qu'on m'a dit à Bugarach, avoit autrefois beaucoup plus d'étendue; mais depuis un écroulement qui a abîmé les galleries & bouché les ouvertures, perfonne ne s'eft avifé de la rétablir, d'autant plus que le commerce de cette marchandise n'eft pas d'un grand objer. Dans la petite caverne qui eft au pied du rocher, on voit plufieurs veines de Jayet qui courent dans une terre légére & même dans les fentes du rocher; cette matiére eft dure, féche, légére, fragile, irréguliére dans sa figure, fi ce n'eft qu'on voit plufieurs cercles concentriques dans fes fragmens; on en trouve auffi quelques morceaux, mais moins beaux, fur le tas qui eft à l'entrée de la Mine parmi une terre noire & bitumineufe: cette terre pourroit être regardée comme une efpéce de Jayet impur, car brûlée fur la péle elle répand la même odeur que le plus beau Jayet; l'un & l'autre brûlent difficilement, pétillent un peu en s'échauffant, & la fumée qu'ils répandent eft noire, épaiffe, & d'une odeur de bitume fort défagréable. On travaille affez proprement cette matiére à Bugarach & dans les villages des environs; on en fait des colliers, des chapelets & autres bijoux de cette nature: je foupçonne par la quantité que j'en ai vu employer, qu'il y a quelqu'autre carriére de Jayet qu'on ne m'a pas fait voir, d'autant plus que les morceaux qu'on m'a vendu font beaucoup plus beaux qu'aucun de ceux que j'ai vus dans la Mine; quelque peine que j'aye prife je n'ai jamais pu en découvrir la vérité, peut-être ces gens craignoient-ils qu'on ne voulût mettre quelque taxe fur ces matiéres.

En donnant quelques coups de pioche fur ce tas pour

couvrir quelques morceaux de Jayet, j'ai apperçu des morceaux de véritable Succin; la couleur en étoit un peu foncée, mais ils en avoient parfaitement l'odeur & l'électricité. J'ai trouvé de même, en continuant de fouiller, 'des morceaux de bois pétrifié, avec des circonftances très-favorables pour appuyer la vérité de cette tranfmutation: il n'eft pas rare de trouver des pierres, qui par leur figure, la difpofition des fibres, de l'écorce, des nœuds, de la moëlle, enfin des cercles annuels, paroiffent visiblement du bois pétrifié; mais celui que j'ai trouvé dans les Mines de Jayet, outre ces circonftances, avoit encore à une de fes extrémités des fibres véritablement ligneufes & auffi faciles à détruire que celles du bois pourri : j'ai voulu voir si elles feroient combuftibles, mais je n'ai rien pu conclure des expériences que j'ai faites, parce que la plupart de ces morceaux de bois étoient pénétrés par des veines de Jayet, qui s'embrafoient & m'empêchoient de juger fi c'étoit les fibres ligneufes: en effet, non feulement dans le bois pétrifié, mais encore dans les pierres des environs, le Jayet s'infinue & pénetre jufques dans les moindres fentes: or fi le Jayet, qui dans fa plus grande fluidité n'eft jamais qu'un bitume liquide, & peut-être une efpéce de Pétréole, s'infinue fi bien entre les fibres & les parties du bois, pourquoi le fuc pierreux, qui paroît devoir être beaucoup plus fluide, ne s'y infinueroit-il pas ? On peut encore conclure de ce qu'on voit le Jayet s'infinuer entre les parties des corps folides & dans les fentes des pierres les plus fines , que cette matiére, que nous voyons aujourd'hui dure & compacte, a été autrefois très-fluide, & que ce n'eft, pour ainfi dire, qu'une espèce d'huile deffechée & durcie par la fucceffion des tems. Je ne finirai pas cet article des Mines de Jayet fans ajouter qu'au pied de ce tas on trouve quelques filets d'une eau ftiptique & qui paroît au goût alumineufe & que les pierres qui font aux environs de ces petits ruiffeaux font recouvertes d'une fleur jaune, femblable pour la couleur à la fleur de foufre, mais qui n'étoit pas inflammable.

En defcendant du Pic de Bugarach, qui eft la plus haute Montagne des Corbieres, j'apperçus fur le chemin qui con

duit

duit au Bourg de même nom, des Echinites fur lefquelles on voyoit très-diftinctement l'impreffion de la coquille de cette efpéce d'Ourfin qui eft fi commune dans la Mediterranée. Je jettai par hazard les yeux fur un ravin qui m'en parut rempli, & la difpofition réguliére de ces pierres figurées me parut mériter attention. Ce ravin couroit dans un banc de Schift d'un gris cendré, qui étoit compofé de différens feuillets ou couches fort minces, toutes paralleles à peu près à la furface de la terre: à mesure que ces couches s'enfonçoient, le Schift devenoit plus noir & plus dur; or les Echinites étoient placées de file entre les couches fupérieures & les plus tendres, ayant leurs bafes tournées vers le haut; elles fuivoient affez bien la direction des couches où elles fe trouvoient qui quoique paralleles à la furface de la Terre étoient visiblement inclinées à l'horizon, parce que ce ravin eft encore fur le penchant de la Montagne : il y en avoit davantage dans les couches les plus élevées, que dans celles qui étoient les plus profondes, enforte qu'on n'en appercevoit plus aucune lorfqu'on parvenoit aux couches de Schift noir. Ces Echinites font fort dures, & quelques-unes font du feu avec le briquet. J'ai trouvé auffi des Pétoncles pétrifiées répandues aux environs, avec une autre pierre figurée que je ne vois point décrite par aucun Auteur: c'eft la moitié d'un fphéroïde elliptique dont la base paroît compofée de différentes ellipfes concentriques, & la convexité eft traversée d'une espéce de future longitudinale, d'où partent à droite & à gauche une infinité de filets qui fe repandent fur toute la furface. M. Barrere m'en a fait voir de femblables à Perpignan; je ne fçai d'où il les avoit tirées.

Je ne finirai point cet article des Pétrifications fans y joindre une defcription abrégée des Cavernes de S. Pons qui renferment beaucoup de belles Stalactites. Il y en a plufieurs autour de cette ville, mais les plus finguliéres font celles dont l'ouverture eft au haut de la Montagne qui eft au Midi de cette ville; cette entrée eft fort étroite & conduit à une chambre affez vaste, dont la voute eft foutenue par trois pilliers cannelés, qui femblent plutôt l'ouvrage de l'art que

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celui de la nature. Cette premiére chambre n'a de particulier que quelques groffes Stalactites qu'on y remarque; elle fert comme de veftibule à la feconde: on y monte par des rochers qui font hériffés de boffes arrondies, femblables à celles qui forment le pavé de la feconde chambre: du haut de la voute de celle-ci pendent une infinité de belles Stalactites de différentes groffeur & largeur, les plus longues ont 12 à 15 pieds; elles n'en ont ordinairement que 4 à 5: à mesure qu'elles s'éloignent de la voute elles vont en diminuant, enforte qu'elles n'ont vers la pointe que 2 ou 3 lignes de diamètre: cette pointe eft formée par un tuyau auffi mince qu'une feuille de papier, tranfparent & extrémement fragile, au bas duquel pend une goutte d'eau de la derniere limpidité; elles font la plupart blanches comme de la neige & percées d'un ou plufieurs trous, fuivant leur longueur: quand on les caffe par le milieu, la fection eft ordinairement oblique & reluit comme du Gyps transparent: mises au feu elles pétillent & fe réduifent en très-petites écailles; & fi on les expofe au feu de la derniére violence, loin de fe vitrifier, elles fe convertiffent en chaux, en répandant une lumiére fi vive qu'il n'eft pas poffible d'en fupporter l'éclat. L'eau qui tombe goutte à goutte par le bout de chacune de ces Stalactites & qui paroît fi claire, eft cependant encore chargée de beaucoup de fuc pierreux, puifque le tuyau qu'elles forment s'épaiffit & s'allonge tous les jours; mais elle dépofe encore ailleurs de ce fuc pierreux, & immédiatement au-deffous de chaque Stalactite on voit une boffe arrondie, plus ou moins groffe, fuivant que la Stalactite à laquelle elle répond eft plus ou moins grande; cette eau, qui paroît fi limpide, fe diftribue également fur toute la furface de la boffe & y dépofe une couche de fédiment très-mince, qui répétée très-fouvent fait l'accroiffement de ce corps. J'ai caffé quelques-unes de ces nouvelles concretions, & je les ai trouvé formées de plufieurs couches concentriques & comme compofées de filets entrelaffés.

Il eft aifé maintenant de concevoir la formation de ces deux efpéces de Stalactites: la fupérieure croît & s'allonge par

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