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l'appofition continuelle du fuc ou fédiment pierreux à fon extrémité : l'autre augmente par la diftribution de ce même fuc fur fa furface convexe; mais j'en ai vu encore d'une autre efpéce & dont la formation eft, je crois, toute différente. En voulant détacher une masse de petites Stalactites de la plus grande blancheur, mon marteau alla frapper contre une muraille qui paroiffoit un massif de fort groffes pierres: le fon que ce coup excita fut fort grave, d'où je compris qu'il y avoit une cavité au-delà de cette muraille; j'effayai de la rompre, & je me fis bientôt une entrée dans une caverne où jamais perfonne n'avoit pénétré. La voute étoit garnie de Stalactites fort menues, de différentes longueurs, dont prefque toutes avoient un fuft ou manche à peu près cylindrique, couvert d'une fubftance blanche, brillante & chagrinée: au bas étoient des groupes de cryftaux féléniteux, irréguliers, roux & opaques. Chaque muraille de la chambre étoit auffi visiblement partagée en deux parties par une ligne horizontale, au-deffous de cette ligne on voyoit des groupes de cryftaux femblables à ceux qui étoient au bout des Stalactites, & au-deffus, la muraille étoit revêtue de la même matiére blanche & chagrinée, que le fuft de ces mêmes Stalactites. Or il paroît par cette difpofition, qu'une certaine quantité d'eau a féjourné fort long-tems dans cette caverne, & que cette eau a dépofé, comme par cryftallisation les cryftaux féléniteux qu'on voit dans la partie inférieure de la chambre, auffi-bien qu'à l'extrémité des Stalactites qui pendent de la voute, & tout ce qui s'eft trouvé au-deffus de cette eau a été exempt de femblables cryftallifations: toutes ces matiéres pétilloient au feu comme des Stalactites ordinaires & leur intérieur reffembloit à du Gyps transparent.

IV.

Des Fontaines Minérales du Rouffillon.

J'ai dit plus haut combien cette Province étoit arrofée par une infinité de ruiffeaux qui découlent des Montagnes & qui forment les trois rivieres qui la traverfent: cette eau eft très

pure, affez légére à l'eftomach, & les fables au travers defquels elle s'eft filtrée dans les commencemens de fon cours la rendent très-limpide: c'eft pourquoi je ne parlerai que de quatre Fontaines minérales que j'ai obfervées.

La premiére eft la Fontaine de Salces, en latin Salfule, qu'on voit fur le chemin de Narbonne à Perpignan: elle fort du pied d'un rocher fort élevé, fon baffin eft large & paroît profond, & elle répand une grande quantité d'eau qui va fe perdre dans un marécage le long de la mer. Cette eau paroît auffi falée que celle de la mer, mais elle n'en a pas l'amertume qui la rend fi défagréable : ce lieu eft fameux dans l'antiquité. Ariftote & quantité d'Auteurs ont dit les uns d'après les autres, qu'en creufant dans ce marécage à quelques pieds de profondeur on y trouvoit quantité de poiffons qui vivoient dans la terre: cette opinion a duré fort long-tems & s'eft confervée par tradition dans le Pays, mais perfonne ne m'a pu affurer en avoir vu tirer.

Il ne paroîtra peut-être pas fort extraordinaire de trouver, pour ainfi dire, fur les bords de la mer une Fontaine falée ; mais on fera plus étonné d'en trouver au milieu des Montagnes, dans un pays beaucoup plus élevé que le niveau de la mer. Ces Fontaines ne font pas fort éloignées des Mines de Jayet dont j'ai parlé: elles font au nombre de trois & affez voifines les unes des autres. Elles fortent du pied d'une Montagne dont la pente eft extrêmement roide & couverte d'une forêt de chênes-verts & de buis fort épais. Les ruiffeaux qu'elles forment fe réuniffent à vingt ou trente pas de leurs fources en faifant des angles fort aigus: la falûre de ces eaux eft affez fupportable & fans aucune amertume: elles font troubles & écumeufes, & fortent avec affez d'impétuofité. A quelques pas au-deffous de la réunion de ces ruiffeaux il y a une petite mare où l'eau s'amaffe & eft plus falée, le limon qui eft au fond mis fur la péle n'a pas beaucoup décrepité. Les Payfans des environs viennent puifer en fraude de ces eaux falées, fans doute pour en vendre le fel; & l'on voit proche de ces fources beaucoup de fragmens des cruches caffées par les Officiers des Gabelles, ce qui ne laiffe pas que pas que d'intimider

les fraudeurs. A quelques pas de la plus élevée de ces fources il y en a une autre dont l'eau eft parfaitement douce; elle fort de la même Montagne, mais dans une direction oppofée aux premieres. J'ai goûté les terres & les glaises humides qui font aux environs, & je n'ai apperçu aucune apparence

de falûre.

Ces deux Fontaines font très-froides, & on n'en fait aucun ufage dans la Médecine: j'en ai vu deux autres qui font fort chaudes. La premiére eft au Village de Vernet, proche de Villefranche, en allant à l'Abbaye de S. Martin de Canigou: l'eau fort d'un gros rocher de la hauteur de 8 à 9 pieds, & vient tomber dans un grand baffin de marbre qui eft au milieu d'un bâtiment bâti exprès pour recouvrir ces Bains. La chaleur de ces eaux étoit de 39 degrés, fçavoir de 7 degrés de plus que celle des eaux de Ballaruc, que j'ai trouvées de 32, & de deux degrés feulement de plus que celle du Bain de Céfar au Mont-d'Or. Mais on trouve à Arles, petit Village dans les Pyrénées, des Bains dont l'eau eft d'une chaleur bien plus confidérable. La fource qui leur fournit fort avec beaucoup d'impetuofité du haut d'un gros rocher fort élevé, & tombe fur une efpéce d'aqueduc, d'où elle eft tranfportée dans les Bains. Le premier eft un baffin quarré, revêtu de marbre rouge, qui a vingt ou vingt-cinq pieds de longueur fur environ quinze pieds de large, & eft affez profond pour qu'un homme puiffe y être jufques aux épaules. Je ne fcai pas fi quelqu'un en peut foutenir la chaleur, elle m'a paru infupportable à la main, & elle a fait élever mon Thermométre de 40 degrés; mais ayant placé cet inftrument dans la même eau, auffi proche de fa fource qu'il m'a été poffible d'en approcher, la liqueur s'eft élevée au-delà du 55° degré: l'eau du grand Bain paffe dans un autre baffin un peu plus petit, & c'eft vraisemblablement dans celui-ci que fe baignent les Malades: il paroît par la magnificence avec laquelle ces Bains font revêtus, & par le foin qu'on a eu d'y pratiquer des logemens commodes, qu'on les a plus fréquenté autrefois qu'on ne fait aujourd'hui: à peine y voit-on chaque année quatre ou cinq Soldats invalides qui viennent

s'y baigner: les gens du pays n'en font pas non plus beaucoup d'ufage; ils ne connoiffent point les Rhumatismes, ni les Sciatiques aufquelles ils conviennent le mieux.

On trouve dans les Mem. fur l'Hift. Nat. du Languedoc quelques fragmens d'un Itinéraire du Géographe anonyme de Ravenne, dans lequel il eft fait mention de différentes ftations de la route de Narbonne en Espagne. En voici trois dans l'ordre qu'il les rapporte, Rufcino, Aqua calidæ, Pyrenæum. Ces eaux chaudes qu'il place entre la Tour de Rouffillon, qu'on voit encore à un quart de lieue de Perpignan & le fommet des Pyrénées ne peuvent être que les Bains d'Arles. Au lieu de cette ftation,les Tables de Peutinger & celles de l'Itinéraire d'Antonin mettent le Bourg de Ceret, qui n'en eft éloigné que d'une lieue. M. de Tournefort rapporte dans fon Voyage du Levant, qu'il a vu des Soldats manger des poules cuites dans le réfervoir que les Romains ont fait bâtir & vouter magnifiquement: c'est tout ce que j'ai pu trouver où il foit fait mention de ces Bains.

V.

Expériences du Barométre faites au Canigou & fur quelques Montagnes des Corbieres.

La Montagne du Canigou où nous avons fait nos Expériences, eft la plus élevée de celles qui font aux environs de Perpignan, elle paffe même pour la plus élevée des Pyrénées; fa hauteur a été déterminée par des opérations géométriques, de 1441 toifes au-deffus du niveau de la mer, dont elle n'eft éloignée que de 10 à 12 lieues. Cette Montagne & toutes celles qui l'environnent font bien différentes de celles d'Auvergne dont le fommet eft couvert d'excellens pâturages: celles-ci font au contraire ftériles, pierreuses & très-peu herbées; elles font auffi bien moins arrofées par les pluyes & les brouillards, & les fources qui en fortent font en bien plus petit nombre: l'air qu'on refpire au fommet du Canigou eft très-fec & très-pur, & ce fommet eft ordinairement beaucoup plus élevé que les brouillards & les nuages qui s'arrêtent aux deux tiers de la Montagne. Il s'en faut bien

que la refpiration foit gênée fur ces hauteurs, comme le prétendent quelques Phyficiens; la mienne au contraire n'a jamais été fi libre que dans le tems que j'y ai demeuré, & j'ai vu des Paftres qui avoient paffé l'Eté avec leurs troupeaux au Clos du Canigou,qui eft élevé de plus de 1200 toises, dont la fanté paroiffoit très-bonne & la constitution très-vigoureuse.

Ce qu'on appelle le Clos du Canigou eft une espéce de Pré au milieu duquel eft un petit lac formé par l'eau des neiges qui ne fçauroit avoir dans cet endroit aucun écoulement; à l'extrémité de ce Pré s'élevent les deux pointes du Canigou; & dans l'intervalle qu'elles laiffent entr'elles, on voit un grand amas de neiges qui s'y confervent pendant l'Eté comme dans une glaciere; nous y vîmes quelques animaux fauvages de la grandeur & de la figure d'un daim, qui s'enfuirent au premier bruit avec beaucoup de vîtesse.

Nous nous fommes fervis pour faire nos Expériences de Barométres tels que ceux que nous avons employés au Puy de Dome & au Mont-d'Or : nous en avions de différens diamétres depuis une demi-ligne jufqu'à deux lignes & demie, & leur longueur étoit de 38 à 40 pouces. Nous avons eu cer avantage que tandis que M. Caffini & moi faifions nos Expériences en différentes ftations du Canigou, M. l'Abbé de la Caille en faifoit de correfpondantes à Canet au bord de la

mer.

Nous partîmes le 25 de Septembre de Perpignan & nous arrivâmes le lendemain à Villefranche, petite Ville au pied du Canigou; nous y trouvâmes le Mercure dans un gros Ba

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pouces. lignes. 26 7 1/1

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Nous montâmes enfuite à l'Abbaye de S. Martin où nous couchâmes, & le lendemain matin à fix heures nous trouvâmes la hauteur du Mercure dans le gros tuyau de 24 10 0 dans le tuyau capillaire.

24 7 1/2/2

Nous montâmes enfuite pendant neuf heures & après avoir paffé par le fommet le moins élevé du Canigou, nous fumes obligés de nous arrêter & de passer la nuit au Clos: enfin le

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