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tre, damné comme Valmont, aurait cet œil dont l'éclair est comparable à une flèche aiguë.

Qu'en arriverait-il? L'un verrait les effets, l'autre apercevrait les causes. Celui-là ferait le texte, celui-ci les commentaires. Quelle plaisante histoire écrite de ces deux mains!

Mais le premier chapitre des Mémoires de ces chercheurs de vérité pourrait porter pour titre : Des influences. Quel abîme immense présente à l'esprit ce seul mot! A côté des faits habillés, la réalité se montrerait par ce moyen, s'il est possible; car, avant de trouver la vérité toute nue, que d'oripeaux il faut lui ôter! les parures dont elle se couvre avec coquetterie ou avec impudence, sont sept fois plus nombreuses que les bandes interminables qui cachent la momie à l'œil du

savant.

Les mobiles imperceptibles de tout ce qui se dit et ce qui se fait, voilà ce que rechercherait assidûment le rusé voyageur. Triste et plaisant travail! Il ne croirait à rien comme tous ceux qui savent quelque chose. Où l'histoire finit, il dirait: Commençons; mais qui sait quand il achèverait lui-même? Cependant les axiomes, ces ennemis jurés des maximes, ont quelquefois raison. Prenez dix doubles de soie, mettez-les sur une planche, tirez dessus un pistolet de combat à bout portant, la balle n'entamera pas plus les dix doubles qu'un coup pouce dans un oreiller. Oh! qu'il est décourageant de penser combien d'invulnérables n'ont été par ce

de

moyen que des porteurs de douillette! Sans compter l'influence du magnétisme, celle des hommes sur les animaux, des femmes sur les hommes, de la lune sur les femmes, du soleil sur la lune, quels anneaux infinis se déroulent de toutes parts dans la création! Plus petits, mais aussi bizarres, ils se retrouveraient dans la société, cette création secondaire, à l'œil de l'observa

teur.

Voilà une question qu'on a posée si les 27, 28, 29 juillet dernier, il avait fait une pluie battante ou un verglas terrible, que serait-il arrivé? les attroupements auraient-ils eu lieu? les amorces auraient-elles pris feu? les oisifs auraient-ils couru par la ville et se seraient-ils mêlés aux braves que le nombre encourage toujours, quelle que soit la cause qui les entraîne? les hommes résolus, se voyant ainsi tout seuls, et se comptant, n'auraient-ils pas senti l'amour de la liberté et le dévouement à la patrie défaillir? les passants... y auraitil eu des passants? O Charles X, peut-être si ta funeste et dernière détermination t'était venue pendant le dégel, peut-être aujourd'hui Louis-Antoine de France ne frapperait pas sur ses bottes molles à l'écuyère, en disant «Il n'y a qu'en Angleterre qu'on fasse des bottes pareilles*. » Mais les rudes chaleurs d'août, qui faisaient mûrir la vengeance publique, échauffèrent sans doute la royale colère; et voilà comment on est conduit au fatalisme.

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A quelles influences obéissent toutes les puissances qui depuis une année ont gouverné l'Europe? Ici la Russie, ce grand empire valétudinaire, qui ne s'en appuie pas moins, parce qu'il s'appuie d'un côté sur la mer de l'Archipel et de l'autre côté sur la grande muraille; là l'Angleterre, cette terre d'égoïstes; la France, cette terre parfois trop généreuse, et tant d'autres, au nombre desquelles comptera peut-être la Pologne, qui jadis se trouva mangée tout entière, lorsque M. de Metternich rapiéça la Sainte-Alliance avec les lambeaux du système continental, et du manteau de César fit un habit d'Arlequin.

Maintenant les cardinaux sont en travail d'un pape : Dieu veuille qu'ils ne l'attendent pas si longtemps que les saints-simoniens une papesse!

Le conclave s'empourpre; les partis s'organisent; celui-là est bien puissant et le plus capable de s'enfler; mais la nièce du cardinal *** se penche un beau soir sur le rabat de l'Éminence écarlate; elle lui dit à l'oreille : « Qui devinera? »

La vérité seule se connaît elle-même; les influences secrètes se révèlent les unes aux autres dans le silence de la nuit; Manfred et Lara, ces deux chefs-d'œuvre de la mélancolie humaine, existeraient-ils si le descendant des Byron n'avait pas reçu en héritage le pied bot et la pairie? Il est cruel de sentir que Don Juan boite comme Méphistophélès.

Il a été plaisant jadis de dire que les rois se laissaient

peut

gouverner comme les enfants; cela le redeviendra être à force d'être usé. L'inspiration poétique, cette étincelle tant recherchée, se trouve la plupart du temps dans une bouteille bien cachetée. Goethe buvait du vin du Rhin; Byron du rhum; Hoffmann du punch; M. de Buffon mettait des gants blancs; Shakspeare menait une vie de Falstaff; il appartenait au seul Bonaparte de se réconforter avec des' haricots à l'huile.

Mille réflexions semblables nous portent à croire que le chapitre des influences pourrait être curieux; une année vient de mourir, on peut lui faire son procès, que de choses elle a vues! que de choses elle peut faire croire! Mais on s'attend à tout, depuis qu'on a trouvé un bonnet de coton sur la statue du vainqueur de Waterloo.

Si par la suite le sujet que nous indiquons est traité, ce peu de lignes pourra servir de préface à une série d'observations qui porteraient ce titre : Revue fantastique.

Lund, 10 janvier 1831.

III

REVUE FANTASTIQUE

DE L'INDIFFÉRENCE EN MATIÈRES PUBLIQUES

ET PRIVÉES.

On ne saurait se dissimuler qu'un Parisien qui arrive en province, et qui trouve que toutes les femmes ont des maris ou des amants, n'est pas plus cruellement désappointé qu'un écrivain qui s'aperçoit, en prenant sa plume, que tous les sujets ont été traités, et, comme on dit, que tout a été fait. Nous croyons donc nous rendre utiles en indiquant ici un titre convenable qui pourrait figurer sur un tome in-8°.

II y a de jeunes Werther qui lisent tout un roman dans un regard; il doit y avoir de vieux roués qui lisent tout un volume dans un titre; que diraient-ils de celui-ci ?

Il faut nous dépêcher de proclamer d'abord qu'aucune mauvaise intention ne se mêle à ces mots d'indifférence publique ou particulière; et encore, contre l'usage de cette douce obscurité que le romantisme importa d'Allemagne, nous allons de notre mieux nous expliquer.

Lorsqu'un événement quelconque se manifeste, il ne saurait produire que trois effets; c'est-à-dire que sur trois hommes, il peut y en avoir un qui dise : « J'en

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