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faute de connaître l'esprit de notre temps qu'une foule de talents distingués tombent continuellement dans l'exagération la plus burlesque; c'est faute de se rendre compte à soi-même de ce qu'on vaut, de ce qu'on veut et de ce qu'on peut, qu'on croit tout pouvoir, qu'on veut plus qu'on ne peut, et que finalement on ne vaut rien. Toute imitation du passé n'est que parodie et niaiserie; on a pu autrefois faire de belles choses sans simplicité; aujourd'hui ce n'est plus possible. Pour en finir comme nous avons commencé, nous citerons ici un dernier exemple.

Un homme veut se tuer; ce n'est ni un amoureux ni un joueur, ni un hypocondriaque; c'est un honnête homme qu'un malheur accable, et qui s'indigne de son destin; cet homme raisonne faiblement, si vous voulez, mais il a, par hasard, une grande âme, et malgré lui, sans qu'il sache pourquoi, cette âme inquiète se demande de quelle manière elle va partir.

A présent, de quel temps est cet homme? Marcus Othon, qui avait vécu comme Néron, mourut comme Caton, parce qu'il était Romain; après avoir dormi d'un profond sommeil, le lendemain de sa défaite, il prit deux épées, les regarda longtemps, et choisit la mieux affilée: « Montre-toi aux soldats, dit-il à son affranchi, si tu ne veux qu'ils te tuent, pensant que tu m'aurais aidé à me donner la mort. » L'affranchi sortit de la chambre, Othon se tue roide, appuyé contre le mur, disant qu'un empereur devait mourir debout. Voilà une vraie

mort romaine et antique. Supposez-la d'hier, que vous en lisez le récit dans le journal du soir, que le héros est un agent de change ruiné, voilà un parfait ridicule.

Mais cet agent de change ruiné a rassemblé tout ce qu'il possède encore, et un placement sur une compa-. gnie bien connue assure, dans le cas où il viendrait à mourir, une somme considérable à sa famille. Il prend le prétexte d'un voyage en Suisse, fait ses préparatifs avec calme, calcule ses chances, compte ses enfants, embrasse sa femme, et part. Un mois après, le journal du soir annonce que le pied lui a glissé, et qu'il est tombé dans un précipice des Alpes. Voilà une vraie mort de notre temps; mais pensez combien elle est simple!

Agréez, etc.

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t'en là;

MARIANI, soul,

Maintenant que te voilà belle, ma chère basse, vail faut que je me couche. Je t'ai joliment frottée, ma grosse! Comme tu reluis! Tu es bien contente. Cette poussière te rendait honteuse.

Il sort sa flûte.

Petite, petite, tu vieillis. Ah! Dieu du ciel, moi aussi... Que de lumières il y a là-bas! Hélas! il est minuit. C'est maintenant que la richesse s'éveille, et que

la pauvreté s'endort. Bah! toute cette musique à copier sera finie demain. Le diable soit de la plume qui a fait un pâté sur cette page!

Il ferme la fenêtre.

Triste ou gai, pourquoi le serais-je? Vivre sans inquiétude et sans espérance, est-ce être heureux ou malheureux? Ah! pauvre lit, tu sens le tombeau. Pauvres murs, les rayons du soleil ne vous aiment guère; vous êtes si noirs! Allons, serrons tout ceci. La médiocrité est une triste chose. Il est certain que je dîne, que je vais et viens ici et là, comme un renard dans une ménagerie; mais il n'est pas prouvé que cela s'appelle vivre. Ainsi pourtant l'âge arrive, et la mort... A quoi vais-je rêver!

Il m'a semblé tout à coup que j'entendais courir. Qui est-ce qui crie? Ma foi, on se sauve; on s'arrête par instants; il se fait quelque méchant coup de main

dans ce quartier.

On frappe.

. Qui est là?

Une voix, en dehors.

Ouvrez, ouvrez, qui que vous soyez.

Entrent Julie, masquée, et l'abbé Fiorasanta,

L'ABBÉ.

Fermez la porte! la porte! ouf! je suis plus mort

que vif.

Julie s'assoit.

MARIANI.

En quoi puis-je vous servir, monsieur?

L'ABBÉ.

Vous vous mourez, belle Julie. Cette fuite précipitée, mon idole, m'afflige autant que vous. Je serai chassé des États du pape!

Pourquoi cela?

MARIANI.

L'ABBÉ.

Silence, mon cher monsieur! paix! paix! voilà un bruit d'armes et de chevaux. Ah Dicu! nous sommes suivis! Dieu nous sauve! Monsieur, n'y a-t-il pas une seconde issue dans cette maison?

MARIANI.

Oui; voilà la porte de mon caveau qui donne sur la campagne.

L'ABBÉ.

Y pensez-vous ? En rase campagne! O ciel! ceux qui ont juré ma mort sont à cheval. Ah! c'est fini; voilà la fin de tout; c'est mon heure dernière.

MARIANI.

Si, en frappant à cette porte, vous n'avez voulu demander que l'hospitalité, monsieur l'abbé, je puis me retirer, et la décence même m'en fait un devoir.

L'ABBÉ.

Ah! monsieur, si vous pouviez nous sauver d'une manière ou d'une autre, mon oncle le cardinal vous récompenserait.

MARIANI.

Parlez, dites un mot, que puis-je faire?

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