Images de page
PDF
ePub

CHAPITRE XVI

(SUITE DU PRÉCÉDENT.)

Continuation de l'histoire de la Pentecôte. Explication de chaque parole du texte sacré. Combien de fois, et de quelle manière le Saint-Esprit a été donné aux apôtres. Enseignement des Pères. Similitudes entre le Contraste avec la tour de Babel. — Ivresse Perpétuité et effets de cette mystérieuse ivresse

mont Sinaï et le mont Sion. et folie des apôtres.

et de cette sublime folie.

Quoi de plus doux pour des enfants que de contempler le berceau de leur mère ! continuons donc le récit détaillé de la naissance de l'Église. Restons au cénacle, notre maison maternelle, et écoutons le texte sacré.

Il ajoute « Et repleti sunt omnes Spiritu sancto: et ils furent tous remplis du Saint-Esprit. » Telle est la consommation du mystère créateur. Comme le Verbe en s'incarnant dans Marie, par l'opération du SaintEsprit, avait formé sa mère; de même, le Saint-Esprit s'incarne en quelque sorte aujourd'hui dans l'Église, pour former la mère des chrétiens. Étudions quelques traits de ce ravissant parallélisme.

Saint Augustin appelle le Saint-Esprit, le vicaire et le successeur du Verbe. Or, ajoutent les interprètes, comme le Verbe est descendu, le Saint-Esprit a voulu descendre pour achever son œuvre. De là vient que la descente du Saint-Esprit sur les apôtres ressemble à la

descente du Verbe dans le monde, c'est-à-dire à l'incarpation.

Quant à la substance. Comme la substance du Verbe descendit dans la chair, le Saint-Esprit descendit substantiellement sur les apôtres.

Quant au mode. Le mode de l'Incarnation fut l'union hypostatique; ainsi la personne ou l'hypostase du SaintEsprit s'unit aux apôtres d'une manière en quelque sorte semblable. Le Verbe fut dans la chair comme le feu dans le charbon, et, si les Pères le comparent à un charbon incandescent; de même le Saint-Esprit fut comme un feu résidant dans les apôtres.

Quant à la cause. La descente du Saint-Esprit, ainsi que l'Incarnation du Verbe, eut pour cause l'amour immense qui le portait, comme Dieu, à combler l'homme du plus immense bienfait, en se communiquant à lui de la manière la plus parfaite c'est-à-dire substantiellement et personnellement.

Quant aux propriétés. En Notre Seigneur, les propriétés de la nature humaine s'attribuent à Dieu et au Verbe ; en sorte qu'en vertu de la communication des idiomes, on peut dire que Dieu est né, et pareillement que l'homme est Dieu, tout-puissant, éternel. De même entre le Saint-Esprit et les apôtres, il existe une sorte de communication des idiomes, par laquelle les apôtres sont appelés saints, divins, spirituels, à cause de l'Esprit-Saint et divin qu'ils reçoivent. Pareillement le Saint-Esprit lui-même est appelé apostolique, prophétique, docteur, prédicateur, multilangue, parce qu'il a rendu tels les apôtres, dont les lèvres sont devenues. ses organes.

Quant aux fruits. En s'incarnant, la seconde personne de l'adorable Trinité nous a purifiés de nos péchés,

[ocr errors]

illuminés, comblés de toute sorte de grâces, perfectionnés, béatifiés et conduits à la gloire éternelle. En descendant sur le monde, la troisième personne a fait tout cela. Purification, illumination, perfection, béatification: nous lui devons tout (1).

Ici se présente une difficulté. Le texte sacré vient de nous dire qu'au jour de la Pentecôte, les apôtres furent remplis du Saint-Esprit : repleti sunt omnes Spiritu sancto. Sans cesse Notre-Seigneur leur promet cette immense faveur : «Si je ne m'en vais, le SaintEsprit ne viendra point en vous. Je vous enverrai un autre Paraclet. Lorsqu'il sera venu, il vous enseignera toute vérité. Dans peu de temps vous serez baptisés dans le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'était pas encore glorifié (2). ›

Mais quoi! jusqu'au jour de la Pentecôte les apôtres avaient-ils été privés du Saint-Esprit? S'ils l'avaient reçu, comment Notre-Seigneur peut-il le leur promettre? Reçoit-on ce que déjà on possède? Écoutons les Pères et les Docteurs. « Le Seigneur, répond saint Augustin, dit aux apôtres : Si vous m'aimez, gardez mes commandements; et je prierai mon père, et il vous donnera un autre consolateur. Manifestement ce consolateur est le Saint-Esprit, sans lequel on ne peut ni aimer Dieu ni garder ses commandements. Mais, s'ils ne l'avaient pas encore, comment pouvaient-ils aimer et accomplir les préceptes? Et, si déjà ils l'avaient, comment leur est-il promis? en attendant il leur est commandé d'aimer et de garder les commandements, afin de recevoir le Saint-Esprit.

(1) Corn. a Lap., in hunc locum.

(2) Joan., VII, 39; xiv, 16, 26, etc., etc.

le

« Les disciples avaient donc le Saint-Esprit que Seigneur leur promettait; car ils aimaient leur maître et observaient ses préceptes. Mais ils ne l'avaient pas encore comme le Seigneur le leur promettait. Ils l'avaient donc, et ils ne l'avaient pas; attendu qu'ils ne l'avaient pas autant qu'ils devaient l'avoir. Ils l'avaient intérieurement; ils devaient le recevoir extérieurement et avec éclat. C'était une nouvelle faveur du Saint-Esde leur manifester à eux-mêmes ce qu'ils pos

prit que

sédaient.

<< De cette immense faveur l'apôtre parle, lorsqu'il dit: Pour nous, nous n'avons pas reçu l'esprit de ce monde, mais l'Esprit de Dieu, afin que nous connaissions les dons que Dieu nous a faits (1). Que le Saint-Esprit soit donné avec plus ou moins d'abondance, la preuve en est dans la différence de la charité avec laquelle les hommes aiment Dieu et observent sa loi. D'ailleurs, s'il n'était pas plus abondamment dans l'un que dans l'autre, Élisée n'aurait pas dit à Élie que l'Esprit qui est en vous, soit double en moi. Le Seigneur a donc pu promettre aux apôtres ce qu'ils avaient déjà (2). »

Saint Grégoire de Nazianze parle comme saint Augustin. « Le Saint-Esprit, dit-il, a été donné trois fois aux apôtres, à des époques différentes et suivant la capacité de leur intelligence: avant la passion, après la résurrection et après l'ascension. Avant la passion, lorsqu'ils reçurent le pouvoir de chasser les démons, ce qui manifestement ne pouvait se faire que par la puissance du Saint-Esprit. Après la résurrection, lorsque le Seigneur souffla sur eux, en disant: Recevez le (1) I Corn., 11, 12.

(2) In Joan., Tract. 74, n. 1 et 2.

Saint-Esprit. Après l'ascension, lorsqu'ils furent tous remplis du Saint-Esprit : repleti sunt omnes Spiritu Sancto. La première fois d'une manière plus cachée et moins efficace; la seconde plus expressive; et la troisième plus complète, en ce sens que ce n'est pas seulement en acte, comme avant, mais par essence, si je puis m'exprimer ainsi, que le Saint-Esprit leur fut présent et conversa avec eux (1). »

La vérité théologique est, pour emprunter le langage d'un savant commentateur, que les apôtres, avant la Pentecôte, avaient reçu le Saint-Esprit substantiellement et personnellement, substantialiter et personaliter (2). Tel est l'enseignement des Pères et entre autres de saint Cyrille. Sur les paroles de Notre-Seigneur, Recevez le Saint-Esprit, il s'exprime en ces termes : << Par l'insufflation du Sauveur, les apôtres devinrent participants non pas seulement de la grâce du SaintEsprit, mais du Saint-Esprit lui-même. Si la grâce qui est donnée par le Saint-Esprit était séparée de la substance du Saint-Esprit, pourquoi ne pas dire ouvertement: Recevez la grâce par le ministère du Saint-Esprit (3)? » Une fois dans l'âme, le Saint-Esprit y répand sa grâce, sa charité, ses dons: comme le soleil une fois sur l'horizon répand dans le monde sa lumière, ses rayons et sa chaleur (4).

(1) Utpote qui non jam actu præsens sit ut prius, sed essentia, sic loquar, adsit, simulque versetur. Orat. in Pentecost.

(2) Corn. a Lap., in Act. apost., 11, 4.

(3) Non gratiæ sed ipsiusmet unius sancti Spiritus per illam Salvatoris insufflationem participes fuerunt apostoli Domini.... Sed si ab substantia Spiritus disjuncta esset quæ per ipsum datur gratia, cur non aperte dixit: Accipite gratiam per ministerium Spiritus sancti? Dialog., vn, p. 638. Voir Pétau, De dogmat. theolog., De Trinit., lib. VIII, c. v et vI.

(4) Sic est in anima sancta, ac proinde mox in ea suam gratiam,

« PrécédentContinuer »