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l'athée? Ce qu'elles prouvent? ce que prouve une voix discordante dans un vaste concert. On la fait taire ou elle revient à l'unisson, et, sans elle ou avec elle, le concert continue. Ce qu'elles peuvent? ce que peut le faible trait, décoché en passant par l'Arabe fugitif, contre la pyramide du désert. L'Arabe disparaît, et la pyramide demeure.

A son tour, que nous veut la philosophie rationaliste avec son dieu de fabrique humaine, son dieu soliveau, son dieu néant? Être de raison ou plutôt de déraison, dieu impersonnel, sourd, muet, indifférent aux œuvres et aux besoins de ses créatures; produit variable de la pensée individuelle: non, tel n'est pas, tel ne fut à aucune époque et sous aucun climat, le Dieu du genre humain. Son histoire en témoigne. «Jamais, dit un homme qui la connut à fond, jamais les nations ne tombèrent si bas dans le culte des idoles, qu'elles aient perdu la connaissance, plus ou moins explicite, d'un seul vrai Dieu, Créateur de toutes choses (1). »

Le dogme de l'unité de Dieu n'est pas vrai seulement parce qu'il a autant de témoins qu'il y a d'astres dans le firmament et de brins d'herbe sur la terre, il est encore vrai parce qu'il est nécessaire. Ce qu'est le soleil dans le monde physique, Dieu l'est à tous égards, et plus encore, dans le monde moral. Qu'au lieu de continuer à verser sur le globe ses torrents de lumière et de chaleur, le soleil vienne tout à coup à s'éteindre : imaginez ce que devient la nature. A l'instant, la végé– tation s'arrête; les fleuves et les mers deviennent des

(1) Gentes non usque adeo ad falsos deos esse delapsas, ut opinionem amitterent unius veri Dei, ex quo est omnis qualiscumque natura. S. Aug., contra Faust., lib. XX, n. 19; Id., Lactant., De er

rore.

plaines de glace; la terre se durcit comme le rocher; tous les animaux malfaisants, que la lumière enchaîne dans leurs antres ténébreux, sortent de leurs repaires et s'appellent au carnage; le trouble et l'épouvante s'emparent de l'homme; partout règne la confusion, le désespoir, la mort: quelques jours suffisent pour ramener le monde au chaos.

Que Dieu, soleil nécessaire des intelligences, vienne à disparaître. Aussitôt la vie morale s'éteint. Toutes les notions du bien et du mal s'effacent; l'erreur et la vérité, le juste et l'injuste, se confondent dans le droit du plus fort. Au milieu de ces ténèbres, toutes les hideuses cupidités, assoupies dans le cœur de l'homme, se réveil lent, et, sans crainte comme sans remords, se disputent les lambeaux mutilés des fortunes, des cités et des empires; la guerre est partout, la guerre de tous contre tous, et le monde n'est plus qu'une caverne de voleurs et d'assassins.

Ce spectacle, l'œil de l'homme ne l'a jamais vu, pas plus qu'il n'a vu l'univers sans l'astre qui le vivifie. Mais ce qu'il a vu, c'est un monde où, semblable au soleil voilé par d'épais nuages, l'idée de Dieu ne jetait plus qu'une lueur incertaine. Au travers des ténèbres dans lesquelles ils s'étaient volontairement ensevelis, les peuples païens n'apercevaient qu'indistinctement l'unité incommunicable de la divine essence. Parce que le flambeau qui devait la diriger vacillait au vent des passions, des intérêts et des opinions, leur marche intellectuelle et morale fut tour à tour chancelante, absurde, rétrograde : les dieux égaraient l'homme.

Des tâtonnements éternels sur les questions les plus importantes et les plus simples, des superstitions grossières et cruelles, des systèmes creux ou immoraux,

condamnèrent le genre humain au bagne, vingt fois séculaire, de l'idolâtrie. Là, gisent encore enchaînées les nations modernes, éloignées des zones bénies sur lesquelles rayonne de tout son éclat le dogme tutélaire de l'unité divine. Il n'en peut être autrement entre l'homme et le mal, il n'y a qu'une barrière, Dieu; Dieu connu, Dieu respecté. Otez Dieu, l'homme, sans frein et sans règle, devient une bête féroce, qui descend avec délices jusqu'aux combats de gladiateurs et aux festins de chair humaine.

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Par la raison contraire, veut-on empêcher l'homme de tomber dans l'abîme de la dégradation et du malheur? S'il y est enseveli, veut-on l'en retirer et le conduire au plus haut degré de lumière, de vertu et de félicité? Trêve de discours, trêve de combinaisons et de systèmes un mot suffit. Dites au grand malade il y a un Dieu; lève-toi et marche en sa présence. Que genre humain prenne ce mot au sérieux, en sorte que le dogme souverain de l'unité divine pèse de tout son poids sur les esprits et sur les volontés, et le malade est guéri. Dieu règne; et l'homme est éclairé de la seule lumière qui ne soit pas trompeuse; il est vertueux de la seule vertu qui ne soit pas un masque; il est heureux du seul bonheur qui ne soit pas une déception; il est libre de la seule liberté qui ne soit ni une honte, ni un crime, ni un mensonge (1). Nous le répétons, avec ce seul mot Il y a un Dieu, le monde sera guéri; sinon,

non.

Un jour ce mot fut dit sur le genre humain, gangrené de paganisme, dit partout, dit avec une autorité souveraine; et le grand Lazare se leva de sa couche doulou

(1) Ambula coram me et esto perfectus. Gen., xvii, 1.

reuse, et il couvrit de ses baisers brûlants la main qui l'avait sauvé. Philosophes, politiques, sénat, aréopage, vous tous qui vous donniez, qui vous donnez encore pour les guérisseurs des nations, cette main ne fut pas la vôtre; elle ne la sera jamais. Chaque jour encore, ce mot souverain est prononcé en Europe sur quelque âme malade; dans les îles lointaines de l'Océanie sur quelque peuplade anthropophage; et, de près comme au loin, il produit sous nos yeux le miraculeux effet qu'il produisit il y a dix-huit cents ans. Telle est, constatée par la raison et par l'histoire, la puissance salutaire, par conséquent la vérité du dogme de l'unité de Dieu.

Mais qu'est-ce que Dieu ? Dieu, c'est le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit, trois personnes distinctes dans une seule et même divinité. En d'autres termes, Dieu c'est la Trinité; il ne peut être autre chose. Interrogé sur ce qu'il est, Dieu lui-même a répondu : Je suis Celui qui suis; je suis l'Être, l'Être absolu, l'Être sans qualification (1). Or l'être absolu possède nécessairement tout ce qui constitue l'être, et il le possède dans toute sa perfection. Trois choses constituent l'être la mesure, le nombre, le poids (2). Dans les êtres matériels, la mesure, c'est le fond ou la substance; le nombre, c'est la figure qui modifie la substance; le poids, c'est le lien qui unit la substance à la figure, et entre elles toutes les parties de l'être. Cherchez dans toute la nature, du cèdre au brin d'herbe, de l'éléphant à la mite, de la montagne au grain de sable, vous ne trouverez pas un seul être qui ne réunisse ces trois choses.

(1) Ego sum qui sum. Exod., ш, 14.

(2) Omnia in mensura, et numero, et pondere disposuisti. Sap., II, 21.

Elles sont tellement essentielles, qu'une de moins, l'être ne peut exister, ni même se concevoir. Ainsi, ôtez la substance, qu'avez-vous? le néant; la figure? le néant; le lien? le néant (1).

La mesure, le nombre et le poids ne sont dans les créatures que parce que Dieu les y a mis. Dieu ne les y a mis que parce qu'il les possède, c'est-à-dire parce qu'il est lui-même mesure, nombre et poids (2). Comme nous l'avons vu du dogme de l'unité de Dieu, la Trinité a donc autant de témoins qu'il y a dans l'univers de créatures inanimées, d'astres au firmament, d'atomes dans l'air et de brins d'herbe sur la terre: c'est la pensée des plus grands génies.

« Dans toutes les créatures, dit saint Augustin, apparaît le vestige de la Trinité. Chaque ouvrage du divin artisan présente trois choses: l'unité, la beauté, l'ordre. Tout être est un, comme la nature des corps et l'essence des âmes. Cette unité revêt une forme quelconque, comme les figures ou les qualités des corps, les doctrines ou les talents des âmes. Cette unité et cette forme ont entre elles des rapports et sont dans un ordre quelconque. Ainsi, dans les corps, la pesanteur et la position; dans les âmes, l'amour et le plaisir. Dès lors, puisqu'il est impossible de ne pas entrevoir le Créateur dans le miroir des créatures, nous sommes conduits à connaître la Trinité, dont chaque créature présente un vestige plus ou moins éclatant. En effet, dans cette su

(1) Mensura omni rei modum præfigit, et numerus omni rei speciem præbet, et pondus omnem rem ad quietem et stabilitatem trahit. S. Aug., De Gen. ad Litt., lib. IV, c. 111.

(2) Hæc tria: modus, species et ordo, tanquam generalia bona sunt in rebus a Deo factis. Et ita hæc tria ubi magna sunt, magna bona sunt; ubi parva, parva bona sunt; ubi nulla, nullum bonum est. S. Aug., Lib. de natur. boni, c. III.

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