Images de page
PDF
ePub

baisent sa main comme celle d'un père ; ils nous font rougir nous-mêmes (1) ! »

Non moins beau et non moins suave se produit le fruit de douceur dans les îles de l'Océanie. « Je ne crois pas, écrit un de leurs apôtres, qu'il y ait sur la terre une paroisse qui, mieux que Futuna, retrace les mœurs de la primitive Église. Au lieu d'exciter les néophytes à la piété, nos confrères ont plutôt à les retenir et à modérer leur zèle. Qu'il est beau de voir ces vieux mangeurs d'hommes, devenus maintenant plus doux que des agneaux, se livrer d'eux-mêmes à des pénitences publiques, et conjurer les missionnaires de ne pas mettre de bornes à leurs austérités! Croirait-on que ces guerriers féroces, qui buvaient dans des crânes humains, sont disposés aujourd'hui à verser mille fois leur sang pour Dieu et pour les missionnaires (2) ! »

La Foi, Fides. Le défaut de douceur peut troubler la paix avec le prochain. L'irriter est une manière de le blesser et même de lui nuire : elle n'est pas la seule. La mauvaise foi dans les contrats, l'infidélité dans les relations sociales en est une seconde. Grâce au nouveau fruit du Saint-Esprit, le chrétien est à l'abri de ces actes odieux. La fraude, le mensonge, la duplicité, la trahison, lui font horreur. Expression adéquate de la vérité, sa parole est sainte: on peut y compter. Qu'à l'accomplir il y ait pour lui avantage ou désavantage, telle n'est jamais la question: il l'a donnée, il la tient. Comme cette noble franchise est devenue le fond de son caractère, son premier mouvement est de la supposer dans les autres croire à la tromperie lui répugne. Néanmoins dans cette belle âme, la simplicité de la co

:

(1) Annales, etc., n. 103, p. 493, an. 1845. (2) Ibid., etc., n. 120, p. 351, an. 1848.

lombe laisse intacte la prudence évangélique du serpent. En voici une preuve.

« Autrefois le peuple de Wallis était fourbe, voleur de profession, pirate et anthropophage; aujourd'hui, tant la grâce a été puissante pour changer les cœurs ! la douceur forme son caractère, la franchise lui semble naturelle, et il a le vol en horreur. Ici, on n'a plus besoin de serrures. Le missionnaire peut laisser fruits, vin, argent, effets, sous la main des naturels, sans crainte qu'ils y touchent. Heureux peuple d'avoir si bien goûté le don de Dieu (1) ! »

Quant à la prudence, le serpent, suivant la remarque de saint Jean Chrysostome, cherche avant tout à sauver sa tête; ainsi le chrétien sacrifie tout pour sauver sa foi, c'est-à-dire la parole qu'il a donnée à Dieu. Deux prêtres tong-kinois furent arrêtés par les pers écuteurs. Le mandarin tenait à leur prouver combien il gémissait d'accomplir envers eux une mission de rigueur: Si la conscience de ses prisonniers avait pu se prêter à quelque accommodement, il les eût avec joie rendus à l'affection de leurs troupeaux. Il ne craignit pas de s'en ouvrir au P. Lac.

<< Maître, lui dit-il, vous êtes encore jeune ; pourquoi vouloir sitôtmo urir? Croyez-moi, fermez les yeux et passez sur le crucifix, ou du moins marchez à côté. Si vous aimez mieux, mes gens vous traîneront dessus; laissez-les faire, et je porterai une sentence de pardon.» Le père répondit « Je n'y consentirai jamais; condamnez-moi plutôt à être coupé par morceaux.» Cette courageuse et loyale réponse lui valut la palme du martyre (2). »

(1) Annales, etc., n. 98, p. 44, an. 1845. (2) Ibid., etc., n. 85, p. 414, an. 1842.

Pour connaître par expérience tous les fruits divins, dont la douceur et la beauté font les délices du chrétien, il en reste trois à cueillir. Nous en parlerons dans le chapitre suivant.

CHAPITRE XXXIX

(FIN DU PRÉCÉDENT.)

La Modestie: exemple. La Continence : exemple.

[blocks in formation]

ple. A quoi les fruits du Saint-Esprit sont opposés.- OEuvres de la chair. Ce qu'est la chair. Pourquoi on dit ses œuvres et non ses fruits.

[ocr errors]

Opposition générale des œuvres de la chair aux fruits du Saint-Esprit. Opposition particulière. Nécessité sociale de toutes les opérations du Saint-Esprit.

Ne perdons pas de vue que le fruit est l'acte béatifiant le plus élevé et qui, par cela même, fait goûter à l'âme une suavité, un repos délicieux que le monde ne connaît pas et qui est un avant-goût des suavités éternelles. Grâce aux neuf premiers fruits, nous avons vu le chrétien vivant dans une douce paix avec Dieu, avec lui-même et avec le prochain. Pour jouir d'un repos absolu, il ne lui reste qu'à s'ordonner à l'égard de ce qui est au-dessous de lui. Aux trois derniers fruits il devra le complément de son bonheur.

La Modestie, Modestia. Ce fruit divin est l'ordre dans tout notre être extérieur. Rayonnement du calme intérieur, la modestie maintient nos yeux, nos lèvres, notre rire, nos mouvements, notre vêtement, toute notre personne, dans les justes limites tracées par la foi. Le Verbe incarné, conversant parmi les hommes, parlant, écoutant, agissant, devient le miroir dans lequel se regarde sans cesse le disciple du Saint-Esprit et le mo

dèle infiniment parfait dont il s'efforce de reproduire les traits en lui-même. Rien de plus aimable que cette divine modestie, et rien de plus éloquent. Aussi, l'Apôtre voulait que la modestie des chrétiens fût évidente comme la lumière et connue du monde entier (1). Pour lui, c'était un des meilleurs moyens d'appeler les infidèles à la foi, et les méchants à la vertu.

Mille exemples prouvent que l'Apôtre avait raison. Tout le monde connaît celui de saint François d'Assise. Arrivé dans une ville, le Séraphin de la terre dit à son compagnon: « Mon frère, nous allons prêcher. « Et ils sortirent ensemble, firent en silence le tour de la ville et rentrèrent dans leur logis. » Mais, frère François, ne m'avez-vous pas dit que nous allions prêcher? Nous voilà revenus sans avoir dit un seul mot: où est le sermon? Il est fait, répondit le saint. » Il avait raison, la vue de ces deux religieux si modestes était une prédication aussi persuasive que les plus beaux discours.

Depuis le moyen âge, la modestie n'a rien perdu de son empire. «Nos vierges chinoises, écrit un missionnaire, n'ont pas d'autre clôture que la prudence, ni d'autre voile que la modestie; elles n'en sont pas moins la consolation de l'Église et un sujet d'admiration pour les païens. Elles savent si bien inspirer l'amour de la sainte vertu, que souvent elles parviennent à susciter des émules et des modèles dans les rangs mêmes de l'infidélité. En voici un bel exemple: Une païenne ayant fait connaissance avec une de ces vierges chrétiennes, celle-ci lui dépeignit son bonheur avec des couleurs si vives, qu'elle fit naître dans le cœur de la jeune Chinoise les sentiments d'une sainte envie. Dieu exauça

(1) Modestia vestra nota sit omnibus hominibus. Philip., Iv, 5.

1

« PrécédentContinuer »