Images de page
PDF
ePub

Ce temps qui si rapidement
Trompe la jeunesse volage.

Vous cultivez l'esprit charmant
Que vous a donné la nature;
Les réflexions, la lecture,
En font le solide aliment,

Le bon usage, et
et la

parure.

S'occuper, c'est savoir jouir:
L'oisiveté pèse et tourmente.
L'ame est un feu qu'il faut nourrir,
Et qui s'éteint s'il ne s'augmente.

NOTE.

Jeu à la mode à la cour. (Édit. de 1757.)

XX.

A MADAME DU BOCAGE'.

1748.

Milton, dont vous suivez les traces,
Vous prête ses transports divins:
Ève est la mère des humains,
Et vous êtes celle des Graces.

[blocks in formation]

La raison la plus indomptable?
Vous lui donnez tout votre esprit;
Adam était bien pardonnable.

Ève le rendit criminel,

Et vous méritez des louanges;
Ève séduisit un mortel,

Et vous auriez séduit les anges.

Sa faute a perdu l'univers :
Elle ne doit plus nous déplaire;
Et son erreur nous devient chère
Dès
que nous lui devons vos vers.

Eve, par sa coquetterie,
Nous a fermé le paradis;

L'Amour, les Graces, le Génie,

Nous l'ont rouvert par vos écrits.

NOTE.

1 Ces stances furent adressées par madame Denis à madame Du Bocage, qui lui avait envoyé son poëme du Paradis terrestre. (Édition de Kehl.)

XXI.

SUR LE LOUVRE.

1749.

Monument imparfait de ce siècle vanté

Qui sur tous les beaux arts a fondé sa mémoire,
Vous verrai-je toujours, en attestant sa gloire,
Faire un juste reproche à sa postérité?

Faut-il

Et

que l'on s'indigne alors qu'on vous admire, que les nations qui veulent nous braver,

Fières de nos défauts, soient en droit de nous dire Que nous commençons tout pour ne rien achever?

Sous quels débris honteux, sous quel amas rustique
On laisse ensevelis ces chefs-d'œuvre divins!
Quel barbare a mêlé la bassesse gothique
A toute la grandeur des Grecs et des Romains?

Louvre, palais pompeux dont la France s'honore,
Sois digne de ce roi, ton maître et ton appui;
Embellis les climats que sa vertu décore,
Et dans tout ton éclat montre-toi comme lui.

XXII.

A M. LE MARQUIS DES ISSARTS,

AMBASSADEUR DE FRANCE A DRESDE,

Qui lui avait envoyé une tragédie composée par une princesse de Saxe, sœur de la dauphine.

A Paris, le 19 février 1750.

Quels talents divers elle allie!
Comme elle charme tour-à-tour
Tantôt les dieux de ce séjour,
Et tantôt ceux de l'Italie!

Rome, la première cité,
Et Paris, au moins la seconde,
Ont dit dans leur rivalité :
Son esprit, comme sa beauté,
Est de tous les pays du monde.

On dit qu'autrefois de Saba
Certaine reine un peu savante
Devers Salomon voyagea,

Et s'en retourna fort contente.

Mais s'il était un Salomon,
Je sais ce que ferait le sage:

Il ferait à Dresde un voyage,
Et viendrait y prendre leçon.

Mais, retenu par les merveilles
Qui soumettent à leurs appas
Le cœur, les yeux, et les oreilles,
Le sage ne reviendrait pas.

XXIII.

IMPROMPTU

FAIT A UN SOUPER DANS UNE COUR D'ALLEMAGNÉ.

Il faut penser, sans quoi l'homme devient,
Malgré son ame, un vrai cheval de somme:
Il faut aimer, c'est ce qui nous soutient;
Sans rien aimer il est triste d'être homme.

Il faut avoir douce société

De gens savants, instruits sans suffisance,

Et de plaisirs grande variété,

Sans quoi les jours sont plus longs qu'on ne pense.

Il faut avoir un ami qu'en tout temps,

Pour son bonheur, on écoute, on consulte,

« PrécédentContinuer »