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Qui puisse rendre à notre ame en tumulte
Les maux moins vifs et les plaisirs plus grands.

Il faut, le soir, un souper délectable,
Où l'on soit libre, où l'on goûte à propos
Les mets exquis, les bons vins, les bons mots;
Et sans être ivre il faut sortir de table.

Il faut, la nuit, tenir entre deux draps
Le tendre objet que votre cœur adore,
Le caresser, s'endormir dans ses bras,
Et le matin recommencer encore'.

Mes chers amis, avouez que voilà
De quoi passer une assez douce vie :
Or, dès l'instant que j'aimai ma Sylvie,
Sans trop chercher j'ai trouvé tout cela.

VARIANTE.

Il faut, la nuit, dire tout ce qu'on sent
Au tendre objet que votre cœur adore;
Se réveiller pour en redire autant,
Se rendormir pour y songer encore.

XXIV.

AU ROI DE PRUSSE.

corps;

La mère de la Mort, la Vieillesse pesante,
A de son bras d'airain courbé mon faible
Et des maux qu'elle entraîne une suite effrayante
De mon ame immortelle attaque les ressorts.

Je brave tes assauts, redoutable Vieillesse;
Je vis auprès d'un sage, et je
et je ne te crains pas:
Il te prêtera plus d'appas

Que le plaisir trompeur n'en donne à la jeunesse.

Coulez, mes derniers jours, sans trouble, sans terreur '; Coulez près d'un héros dont le mâle génie

2

Vous fait goûter en paix le songe de la vie,

Et dépouille la Mort de ce qu'elle a d'horreur.

Ma raison qu'il éclaire en est plus intrépide;
Mes

pas par lui guidés en sont plus affermis:
Un mortel que Pallas couvre de son égide
Ne craint point les dieux ennemis.

O philosophe roi 3, que ma carrière est belle!
J'irai de Sans-Souci, par des chemins de fleurs,
Aux champs élysiens parler à Marc-Aurèle

Du plus grand de ses successeurs.

A Salluste jaloux je lirai votre histoire;

A Lycurgue vos lois, à Virgile vos vers; J'étonnerai 4 les morts, ils ne pourront me croire: Nul d'eux n'a rassemblé tant de talents divers.

Mais, lorsque j'aurai vu les ombres immortelles,
N'allez pas après moi confirmer mes récits.
Vivez, rendez heureux ceux qui vous sont soumis,
Et n'allez
que fort tard auprès de vos modèles.

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QUI LUI AVAIT ÉCRIT ÊTRE ACCOUCHÉ DE SIX JUMEAUX '.

1751.

Par le cerveau le souverain des dieux,
Selon ma Bible, accoucha d'une fille:
Vos six jumeaux me sont plus précieux;
J'adorerai cette auguste famille.

On vous connaît à leur force, à leurs traits,
A leurs beautés, à leur noble harmonie;
Les élever, cultiver leur génie,

Qui le pourra? celui qui les a faits.

Ils sont tous nés pour instruire et pour plaire;
Ces six enfants sont frères des neuf Soeurs;
Et nous dirons comme chez nos docteurs:
« Le fils est Dieu, nous l'égalons au père. »

NOTE.

1 L'Art de la guerre, poëme en six chants. B.

XXVI.

AU MÊME.

1751.

Jadis l'amant de Madeleine

Changea l'eau claire en mauvais vin:
Vos eaux, par un art plus divin,
Deviennent les eaux d'Hippocrène.

J'en devrais boire un verre ou deux;
Car certaine humeur scorbutique,

mmm.

Qui n'est point du tout poétique,
Rend mon esprit très langoureux.

Roi, philosophe, auteur fameux,

Grand homme, et sur-tout homme aimable, Buvez, soyez toujours heureux,

Et je serai moins misérable.

XXVII.

AU MÊME.

1751.

Roi des beaux vers et des guerriers,
N'allez point à bride abattue;
Je crains qu'Apollon ne vous tue
En vous couronnant de lauriers.

Que votre Pégase s'arrête;
Souffrez de moi la vérité:

Votre estomac débilité

N'est pas digne de votre tête.

Les rois sont hommes comme nous.
L'homme machine est bien fragile.
Grand roi, l'estomac est pour vous
Ce qu'est le talon pour Achille.

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