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nommé Mornai; ils passèrent tous trois à Constantinople, et se firent circoncire chez le comte de Bonneval. Remarquez qu'aucun de ces folliculaires, de ces trompettes de scandale qui fatiguaient Paris de leurs brochures, n'a écrit contre cette apostasie; mais ils ont jeté feu et flamme contre les Bayle, les Montesquieu, les Diderot, les d'Alembert, les Helvétius, les Buffon, contre tous ceux qui ont éclairé le monde. (Édit. de 1757 et 1775.)

6 La strophe qui suit, et que l'auteur a supprimée, terminait l'ode:

Raphaël, Rubens, Michel-Ange,

Sous les pieds du divin archange,
Ont montré le diable abattu;
Et, par un heureux artifice,
Massillon peint l'horreur du vice
Pour mieux embellir la vertu.

ODE X.

SUR LA MORT DE L'EMPEREUR

CHARLES VIL

1740.

Il tombe pour jamais ce cèdre dont la tête
Défia si long-temps les vents et la tempête,

Et dont les grands rameaux ombrageaient tant d'états.
En un instant frappée,

Sa racine est coupée
Par la faux du trépas.

Voilà ce roi des rois et ses grandeurs suprêmes:
La mort a déchiré ses trente diadèmes,

D'un front chargé d'ennuis dangereux ornement.
O race auguste et fière,

Un reste de poussière

Est ton seul monument.

Son nom même est détruit, le tombeau le dévore;
Et si le faible bruit s'en fait entendre encore,
On dira quelquefois, Il régnait, il n'est plus.
Éloges funéraires

De tant de rois vulgaires
Dans la foule perdus.

Ah! s'il avait lui-même, en ces plaines fumantes Qu'Eugène ensanglanta de ses mains triomphantes, Conduit de ses Germains les nombreux armements, Et raffermi l'Empire,

De qui la gloire expire

Sous les fiers Ottomans!

S'il n'avait pas langui dans sa ville alarmée,
Redoutable en sa cour aux chefs de son armée,
Punissant ses guerriers par lui-même avilis;
S'il eût été terrible
Au sultan invincible,
Et non pas à Wallis?!

Ou si, plus sage encore, et détournant la guerre,
Il eût par ses bienfaits ramené sur la terre

Les beaux jours, les vertus, l'abondance, et les arts,
Et cette paix profonde

Que sut donner au monde

Le second des Césars!

La Renommée alors, en étendant ses ailes,
Eût répandu sur lui les clartés immortelles
Qui de la nuit du temps percent les profondeurs;
Et son nom respectable

Eût été plus durable

Que ceux de ses vainqueurs.

Je ne profane point les dons de l'harmonie:
Le sévère Apollon défend à mon génie

De verser, en bravant et les moeurs et les lois,

Le fiel de la satire

Sur la tombe où respire

La majesté des rois.

Mais, ô Vérité sainte! ô juste Renommée!

Amour du genre humain dont mon ame enflammée

Reçoit avidement les ordres éternels!

Dictez à la mémoire

Les leçons de la gloire

Pour le bien des mortels.

Rois, la Mort vous appelle au tribunal auguste
Où vous êtes pesés aux balances du juste.
Votre siècle est témoin; le juge est l'avenir:
Demi-dieux mis en poudre,

Lui seul peut vous absoudre,
Lui seul peut vous punir.

NOTES DE L'ODE X.

L'empereur Charles VI avait conclu, peu de temps avant sa mort, une paix désavantageuse avec les Turcs: il punit ses généraux qui n'avaient été que malheureux, quelques officiers qui avaient rendu des places qu'ils étaient chargés de défendre, et fit faire le procès aux plénipotentiaires qui avaient signé cette paix. Sa mort les sauva. On a prétendu qu'ils avaient reçu des ordres secrets de la grande duchesse, depuis impératrice-reine. Il est du moins certain qu'ils l'avaient servie. Il était aisé de prévoir la mort prochaine de l'empereur, l'orage qui allait s'élever contre sa fille, et la nécessité de s'assurer de la paix avec les Turcs, beaucoup moins politiques, mais souvent plus fidèles observateurs des traités, que les princes chrétiens. (Note des éditeurs de Kehl.)

2 Le comte de Wallis avait perdu, le 21 juillet 1739, la bataille de Croska. B.

ODE XI.

AU ROI DE PRUSSE,

SUR SON AVENEMENT AU TRÔNE.

1740.

Est-ce aujourd'hui le jour le plus beau de ma vie 1?
Ne me trompé-je point dans un espoir si doux?
Vous régnez. Est-il vrai que la philosophie
Va régner avec vous?

Fayez loin de son trône, imposteurs fanatiques,
Vils tyrans des esprits, sombres persécuteurs,
Vous dont l'ame implacable et les mains frénétiques
Ont tramé tant d'horreurs.

Quoi! je t'entends encore, absurde Calomnie!
C'est toi, monstre inhumain, c'est toi qui poursuivis
Et Descartes, et Bayle, et ce puissant génie 2
Successeur de Leibnitz.

Tu prenais sur l'autel un glaive qu'on révère
Pour frapper saintement les plus sages humains.
Mon roi va te percer du fer que le vulgaire
Adorait dans tes mains.

Il te frappe, tu meurs; il venge notre injure;

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