ÉPITRE CC. A L'IMPERATRICE DE RUSSIE, CATHERINE II. 1771. Élève d'Apollon, de Thémis, et de Mars, Prête à ma faible voix des sons mélodieux; A mon feu qui s'éteint rends sa clarté première: Ses visirs, ses divans, son mufti, ses fetfa. Le visir au bacha puisse arracher la vie, Et qu'un heureux sultan, dans le sein du loisir, Ce code en mon esprit fait naître des scrupules. Puissent les dieux sur-tout, si ces dieux éternels Rends-lui son nom, ses dieux, ses talents, et ses lois. Changeait en chiens barbets les compagnons d'Ulysse. Tu changeras les Grecs en guerriers généreux; Ce n'est point le climat qui fait ce que nous sommes. Tu formes des héros... Ce sont les souverains De ses braves soldats dirige les exploits, Par les mains des beaux arts enrichit son empire, Si quelque chiaoux lui dit que sa hautesse Jamais de Mithridate il n'entendit parler. 1 NOTES DE L'ÉPITRE CC. Que d'un faquin châtré, etc. Le chiaoux bacha, qui est d'ordinaire un eunuque blanc, veut toujours prendre la main sur l'ambassadeur, quand il vient le complimenter. Quand le grand eunuque noir marche, il faut, si un ambassadeur se trouve sur son passage, qu'il s'arrête jusqu'à ce que tout le cortège de l'eunuque soit passé. Il en est à plus forte raison de même avec le grand-visir, les deux cadileskers, et le mufti; mais l'excès de l'insolence barbare est de faire enfermer au château des Sept-Tours les ambassadeurs des puissances auxquelles ils veulent faire la guerre. Le sultan Moustapha, avant de déclarer la guerre à la Russie, a commencé par mettre en prison le résident Obreskow, au mépris du droit des gens. (Édit. de 1771.) 2 aux champs de Marathon. On connaît assez les batailles de Marathon, de Platée, et de Salamine. La victoire de Marathon fut remportée par Miltiade et neuf autres chefs ses collègues, qui n'avaient que dix mille Athéniens contre cent mille hommes de pied et dix mille cavaliers, commandés par les généraux du roi de Perse, Darius. Cet évènement ressemble à la bataille de Poitiers; mais ce qui rend la victoire des Grecs plus étonnante, c'est qu'ils n'étaient point retranchés comme les Anglais l'étaient auprès de Poitiers, et qu'ils attaquèrent les ennemis. Au reste il n'est pas bien sûr que les Perses fussent au nombre de cent dix mille; il faut toujours rabattre de ces exagérations. La bataille de Salamine est un combat naval dans lequel Thémistocle défit la flotte de Xerxès, après que ce monarque eut réduit en cendres la ville d'Athènes. Cette journée est encore surprenante; les Athéniens, avant cette guerre, n'avaient jamais combattu sur mer. C'est à peu près ainsi que la petite flotte de l'impératrice Catherine II, sous le commandement du comte Alexis Orlof, a détruit entièrement la flotte ottomane, le 6 juin 1770. Le nom d'Orlof n'est pas si harmonieux que celui de Miltiade, mais doit aller de même à la postérité. La journée de Platée est semblable à celle de Marathon. Aristide et Pausanias, avec environ soixante mille Grecs, défirent entièrement une armée de cinq cent mille Perses, selon Diodore de Sicile: supposé qu'une armée de cinq cent mille hommes ait pu se mettre en ordre de bataille dans les défilés dont la Grèce est coupée. Mardonius, chef de l'armée persane, y fut tué: supposé qu'un Perse se soit jamais appelé Mardonius, ce qui est aussi ridicule que si on l'avait appelé Villars ou Turenne. Xerxès possédait les mêmes pays que Moustapha. Le comte de Romanzow a battu le grand-visir turc, comme Pausanias et Aristide battirent celui de Xerxès; mais il n'a pas eu à faire à cinq cent mille Turcs : nous sommes plus modestes aujourd'hui. (Ibid.) 3 Sont des fripons rampants, etc. Ceci ne doit pas s'entendre de tous les Grecs, mais de ceux qui n'ont pas secondé les Russes comme ils devaient. (Ibid.) |