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fouffre patiemment ces plaintes, à moins, qu'on le plaigne d'un mal qu'il n'a pas, car alors il en défabuse modeltement les autres : ainfi il conferve la tranquillité de fon ame entre la vérité & la patience; déclarant ingénuement fon mal, & ne fe plaignant point.

Dans les contradictions que la dévotion. vous attirera (car elles ne vous manqueront pas) fouvenez- vous de cette comparaifon de Jefus Chrift: Les douleurs de l'enfantement caufent bien des douleurs à une pauvre mere: Mais dès qu'elle voit fon enfant, elle les oublie, & la joie d'avoir mis un homme au monde, diffipe toute fa trifteffe. He bien! Philothée, vous voulez abfolument travailler, comme dit l'Apôtre, à former Jefus Chrift dans votre cœur & en vos œuvres, par un amour fincere de fa doctrine, & par une parfaite imitation de fa vie: Il vous en coûtera quelques douleurs, n'en doutez pas ; mais elles pafferont, & la présence de Jefus, qui vivra en vous, remplira votre ame d'une joie ineffable, que perfonne ne vous ravira jamais.

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Quand vous ferez malade offrez vos douleurs, votre langueur, & toutes vos peines à Jefus-Chrift, le fuppliant de les recevoir en union des mérites de fa Paffion. Souvenez-vous fur-tout du fiel qu'il prit pour l'amour de vous, & obéiffant au Médecin, prenez, & faites tout ce

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qu'il voudra pour l'amour de Dieu. Defirez la guérifon pour le fervir; mais ne refufez point de languir long-temps dans votre mal, pour lui obéir, & même dif pofez-vous à mourir, s'il le veur ainfi, pour aller jouir de fa glorieufe présence. Souvenez-vous, Philothée, que les abeilles viveut d'une nourriture fort amere, pendant qu'elles font leur miel ; & que jamais nous autres, nous ne pouvons mieux remplir notre cœur de cette fainte fuavité qui eft le fruit des vertus, que quand nous mangeons avec patience le pain amer des tribulations que Dieu nous envoie! Et plus elles font humiliantes, plus notre vertu en devient excellente & douce à no

tre cœur.

Penfez fouvent à Jefus crucifié ; confidérez-le couvert de plaies, accablé d'op probres & de douleurs, pénétré de trif teffe jufqu'au fond de l'ame, dans un dépouillement & un abandonnement univerfel, chargé de calomnies & de malédictions: alors vous avouerez que vos fouffrances ne font nullement comparables aux fiennes, ni en qualité, ni en quantité; & que jamais vous n'endurerez rien pour lui, qui approche tant foit peu de ce qu'il a fouffert pour vous.

Comparez-vous encore aux Martyrs, & fans aller fi loin, à tant de perfonnes qui fouffrent actuellement plus que vous & dites en béniffant Dieu : Hélas! Mes

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épines me paroiffent des rofes, & mes douleurs des confolations; quand je me compare à ceux qui fans fecours fans affiftance, fans foulagement, vivent dans une mort continuelle, accablés de douleur & de trifteffe.

CHAPITRE IV.

De l'Humilité dans la conduite extérieure.

LE Prophête Elifée dit à une pauvre

veuve, qu'elle empruntât de les voifins tous les vafes qu'elle pourroit, & que le peu d'huile qui lui reftoit dans fa maifon, couleroit toujours, tandis qu'elle en auroit à remplir. Cela nous apprend que Dieu demande des cœurs qui foient bien vuides pour y faire couler fa grace avec l'onction de fon efprit; c'eft, Philothée, de notre propre gloire, qu'il faut abfolument les bien vuider.

On dit qu'un certain oifeau que l'on nomme Crefferelle, a une vertu secrette dans fon cri & dans fon regard pour chaffer les oiseaux de proie, & l'on veut que ce foit la raifon de la fympathie, que les Pigeons & les Colombes ont pour cet oifeau. Nous pouvons dire auffi que l'humilité eft la terreur de fatan, le Roi de l'orgueil; qu'elle conferve en nous la présence du Saint-Efprit, & fes

dons, & que c'eft pour cela qu'elle a éré chérie par les Saints & par les Saintes comme elle a fait les délices du cœur de Jesus & de fa fainte Mere.

Nous appellons vaine gloire, celle que nous nous donnons, foit pour les chofes qui ne font point en nous, foit pour celLes qui étant en nous, ne font pas proprement à nous, ne viennent pas de nous; foit pour beaucoup d'autres qui étant en nous & à nous, ne méritent pas que nous nous en faffions honneur. La noblesse de la naiffance, la faveur des grands, & l'applaudiffement du peuple, tout cela eft hors de nous, dans nos ancêtres, ou dans l'eftime des autres hommes; pourquoi s'en glorifier? Il y a bien des gens à qui la richeffe & la parure des habits, l'éclat d'un brillant équipage, la propreté d'un ameublement; l'avantage d'avoir de bons chevaux donne de la fierté: Qu'est-ce qui ne voit pas en cela la folie des hommes ? Combien y en a-t'il qui s'entêteront d'une vaine complaifarce d'eux-mêmes pour avoir de beaux cheveux, de belles dents, ou de belles mains, quelque avantage pour un jeu, quelque agrément pour chanter, quelque difpofition à bien danfer; mais quelle baffèffe d'efprit & de cœur, que de vouloir établir leur honneur fur des chofes fi frivoles? Combien d'autres se font à leur efprit même un charme de leur

prétendue beauté ? Et combien encore, à qui un peu de fcience jointe à beaucoup de vanité, donne un tour fi ridicule parmi les autres hommes, dont ils veulent fe faire refpecter comme des maîtres, que le nom de Pédant est tout l'honneur qu'ils en reçoivent : En vérité tout cela eft bien fuperficiel, fort bas & très-impertinent. Cependant, Philothée, c'eft fur-tout cela que roule la vaine gloire. L'on connoît le vrai bien à la même épreuve que le vrai baume : L'on fait l'effai du baume en le diftillant dans de l'eau s'il va au fond, l'on juge qu'il eft pur, très-fin, & d'un grand prix ; au contraire, s'il furnage, l'on juge qu'il eft altéré ou contrefait. Voulez-vous donc fçavoir fi un homme eft véritablement fage, fçavant, noble, généreux; Examinez fi fes bonnes qualités font accompagnées d'humilité, de modef tie de foumiffion envers ceux qui font au-deffus de lui; fi cela eft, ce font de vrais biens: Mais fi vous y décou vrez de l'affectation à faire paroître ce qu'il croit avoir de bon, dites que cet homme n'eft qu'un homme fuperficiel; & que ces biens font d'autant moins réels en lui, qu'il affecte de les montrer. Les perles qui ont été conformées en une faifon de vents orageux ou de tonnerres, n'ont que l'écorce de perle fans aucune fubftance: Et toutes les.

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