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vertus, & les plus grandes qualités d'un homme qui les enfle de fon orgueil, & de fa vanité, n'ont que la fimple apparence du bien, fans aucune folidité. L'on a raifon de comparer les honneurs au faffran, qui fe fortifie, & qui vient plus abondamment quand il a été foulé aux pieds. Une perfonne qui eft fiere de fa beauté en perd la gloire : & celle qui la néglige lui donne plus d'agrément. La fcience deshonore, dès qu'elle nous en. Ale l'efprit; elle dégénere en une ridicule pédnaterie. Quand le Paon veut fe donner le plaifir de voir fes belles plu mes il fe hériffe tout le corps : & en découvre ce qui eft le plus difforme & le plus hideux.

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Si nous fommes pointilleux pour des préféances, pour des rangs & des titres outre que nous aurons le chagrin de faire examiner nos qualités, & de les voir contestées, nous les rendrons encore méprifables: Car comme il n'y a rien de plus beau que l'honneur quand on le reçoit comme un présent; il n'y a rien auffi de plus honteux quand on l'exige comme un droit. Il eft femblable à une belle fleur, qu'il ne faut ni cueillir, ni toucher,' à moins qu'on ne la veuille Alétrir. L'on dit que la Mandragore jette de loin une odeur fort douce; mais que ceux qui veulent la fentir de près & long-temps, font

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frapés d'une vapeur maligne, laquelle leur caufe un affoupiffement fort dan gereux. C'est ainsi que l'honneur fait une` douce impreffion fur le cœur de ceux qui le reçoivent comme il fe préfente, fans em-preffement ni attachement; mais à l'égard de ceux qui s'empreffent à le chercher, & qui s'y attachent, il en fort une fuméema. ligne, laquelle leur porte à la tête, leur fait perdre l'efprit & les rend méprifa bles.

L'amour & la recherche de la vertu commencent à nous rendre vertueux a Mais la paffion & l'empreffement pour la gloire commencent à nous faire mé prifer. Les grandes ames ne s'amufent pas à toutes ces bagatelles de préféan ce, de rang, de falut: Eiles fe font des occupations nobles; & cela ne convient qu'à de petits efprits qui n'ont rien de bon à faire. Comme celui qui peut faire un riche commerce de perles, ne fe charge pas de coquilles : Celui auffi qui s'attache à la pratique des vertus, n'a point d'empreffement pour ces mar ques d'honneur. J'avoue que chacun peut conferver & tenir fon rang, fans bleffer l'humilité, pourvû que ce foir fans affectation, & fans conteftation Car comme ceux qui viennent du Pe rou dans des vaiffeaux chargés d'or & d'argent, apportent encore des Singes & des Perroquets, parce que la dés

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penfe non plus que la charge n'en eft pas grande ainfi ceux qui s'appliquent à la vertu, peuvent encore recevoir les honneurs qui leur font dûs, pourvû qu'il n'en coûte pas beaucoup de foin ni d'attention, & que les inquiétudes qui y font ordinairement attachées, n'accablent pas l'ame de leur poids. Remarquez cependant que je ne parle pas ici, ni des dignités publiques, ni des droits particuliers, dont la confervation ou la perte peuvent avoir de grandes fuites. En un mot, c'eft à chacun de conferver ce qui lui appartient:Mais avec un jufte tempérament entre l'intérêt, & la charité entre les regles de la prudence, & les mefures d'honnêteté.

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CHAPITRE V.

De l'humilité plus parfaite & intérieure. Vous defirez, Philothée, que je vous faffe entrer plus avant dans la pratique de l'humilité ; je vous en loue, & je vais vous fatisfaire : Car en ce que je viens de dire, il y a prefque plus de fageffe, que d'humilité.

L'on voit bien des perfonnes qui ne veulent jamais faire d'attention aux graces particulieres que Dieu leur fait, de peur que

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leur cœur furpris d'une vaine complaifance, ne lui en dérobe la gloire, c'eft une, fauffe crainte & une véritable erreur. Car puifque la confidération des bienfaits de. Dieu nous porte efficacement à l'aimer comme l'enseigne le Docteur Angélique; plus nous le connoîtrons, plus nous l'aimerons Mais parce que notre cœur eft plus fenfible aux graces particulieres qu'aux bienfaits généraux: C'eft fur ces graces mêmes que nous devons faire plus. de réflexion.

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Rien ne peut nous humilier davantage en la présence de la miféricorde de. Dieu, que la multitude de fes graces » & la multitude de nos péchés, en la préfence de fa juftice: Confidérons. donc attentivement ce qu'il a fait pour nous, & ce que nous avons fait contre Jui; puifque nous recherchons nos péchés en détail, examinons auffi en détail les graces que Dieu nous a faites: Et pour lors il ne faut pas craindre que cette vue nous enfle l'efprit, pourvû que nous penfions bien, que ce ques nous avons de bon, n'eft pas de nous : Hélas! les mulets. ne font-ils pas toujours des bêtes lourdes & infectes; quoi.. qu'ils foient chargés de meubles, précieux & parfumés du Prince: Qua vons-nous de bon, que nous n'ayons pas reçu ? Et fi nous l'avons reçu pourquo nous en glorifier? Au contraire la vives HS

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confidération des graces de Dieu nous doit rendre humbles, puifque la connoiffance d'un bienfait en produit naturellement la reconnoiffance: Mais fi cette vue Aatte notre cœur de quelque vaine complaifance, le remede infaillible à ce mal eft le fouvenir de nos ingratitudes, de nos imperfections & de nos miferes. Oui, fi nous confiderons ce que nous avons fait, quand Dieu n'a pas été avec nous nous con noîtrons bien que ce que nous faifons, quand il eft avec nous, n'eft pas de notre façon ni de notre fonds: Veritablement nous jouirons du bien qu'il a mis en nous & même nous nous en réjouirons, parce que nous le poffé. dons; mais nous en glorifions Dieu feul, parce qu'il en eft l'Auteur. C'est de-là que la fainte Vierge publie que Dieu a opéré en elle de très-grandes. chofes ; & elle ne le publie que pour s'en humilier tout enfemble & pour l'en glorifier: Mon ame, dit-elle, glorifie le Seigneur, parce qu'il a opéré de grandes chofes en moi.

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Nous difons fouvent que nous ne fommes rien, que nous fommes la mifere même & comme le difoit faint Paul, l'ordure du monde : Mais nous ferions bien marris que l'on nous prît au mot, & que les autres parlaffent ainfi de nous. Au contraire nous fuyons

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