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quand il eft de quelque conféquence. Si j'ai au vifage quelque mal honteux & humiliant, j'en chercherai la guérifon; mais fans oublier l'abjection qui m'en eft revenue. Si j'ai fait une faute qui n'offenfe perfonne, je ne m'en excuferai pas Parce qu'encore que ce foit un défaut, il n'a pas d'autres fuites que le mépris qu'on a fait de moi, & que je ne m'en excuferois que pour me décharger de l'abjection qu'il m'a attirée, & c'est ce que l'humilité ne peut abfolument permettre. Mais fi j'ai offenfé ou fcandalife quelqu'un, foit par mégarde, foit par une mauvaise humeur je réparerai ma faute par une fincere excufe > parce que le mal que j'ai fait fibfifte encore & que la charité m'oblige à le détruire de mon mieux. Au refte, il arrive quelquefois, que notre prochain étant intéressé à notre réputation, la charité demande que nous tâchions d'éloigner l'abjection autant que nous pouvons: Mais en la détruifant ainfi aux yeux du monde pour éviter le fcandale, nous la devons conferver chèrement dans notre cœur, afin qu'il s'en édifie.

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Si après cela, Philothée lez fçavoir quelles font les meilleures abjections, je vous dirai que les plus falutaires à l'ame & les plus agréables à Dieu , font celles qui nous viennent

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fortuitement, ou qui ou qui fent attachés à notre état, parce qu'elles ne font pas de notre choix, mais de celui de Dieu, qui fcait mieux ce qu'il nous faut que nousmiêmes. S'il falloit en choifir quelquesunes, les plus grandes feroient les meil leures; & celles-là font eftimées les plus grandes, qui font les plus contraires à notre inclination, pourvû qu'elles foient conformes à votre vocation: Car afin de le dire une fois pour toutes, tre choix, c'est-à-dire notre propre volonté altere extrêmement toutes nos vertus, & en diminue beaucoup le mérite.

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Ah, qui nous fera la grace de pouvoir dire avec ce grand Roi: J'ai choifi de mener une vie abjecte en la maison de mon Dieu plutôt que de demeurer dans les palais des pécheurs? Nul ne le peut, Philothée, que celui qui pour nous glorifier été en fa vie & en fa mort l'opprobre des hommes, & l'abjection du peuple. Je vous ai dit beaucoup de chofes qui vous paroîtront dures dans la fpéculation: Mais croyez-moi vous les trouverez plus douces que le miel dans la pratique.

CHAPITRE VII.

De la maniere de conferver fa réputation avec efprit d'humilité.

L

A louange, l'honneur, & la gloire ne font pas le prix d'une vertu commune; mais d'une vertu rare & exce! lente: Quand nous louons une perfonne, nous voulons en donner de l'eftime aux autres; fi nous l'honorons nous-mêmes, cet honneur est une marque de l'eftime que nous en avons ; & la gloire n'eft autre chose qu'un certain éclat de réputation, qui revient de toutes les louanges qu'on lui donne, & de tous les honneurs qu'on lui rend: Semblable à la lumiere & à l'émail de plufieurs pierres précieuses qui forment tout enfemble une même couronne. Or l'humilité nous défendant tout amour, & toute eftime de notre propre excellence elle nous défend auffi la recherche de la louange, de l'honneur & de la gloire qui ne font dûes qu'à un mérite d'excellence & de diftinction. Cependant elle reçoit le confeil du Sage, qui nous avertit d'avoir foin de notre réputation : Parce que la réputation n'eft pas établie fur l'excellence d'une vertu ou perfection > mais feulement fur une certaine bonté

de mœurs & intégrité de vie : Et com. me l'humilité ne nous défend pas de croire que nous avons ce mérite commun & ordinaire, elle ne nous défend pas non plus l'amour., & le foin de notre réputation. Il eft vrai que l'humilité mépriferoit encore la réputation. fi elle n'étoit pas néceffaire à la charité : Mais parce qu'elle eft un des principaux fondemens de la fociété humaine, & que fans elle nous fommes nonfeulement inutiles au public, maist encore pernicieux par la raifon du fcandale qu'il en reçoit, la charité nous oblige à la defirer, & à la conferver & l'humilité fouffre nos defirs & nos foins.

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Ne peut-on pas dire que la bonne renommée eft à l'homme , ce que la verdure d'un beau feuillage eft à un arbre? En effet, quoique l'on n'eftime pas beaucoup les feuilles d'un arbre elles fervent cependant à l'embellir, & à conferver fes fruits, tandis qu'ils font encore tendres: De même la réputation n'eft pas un bien fort fouhaitable par elle-même; mais elle est l'ornement de notre vie & nous aide beaucoup à conferver nos vertus, & principalement celles qui font encore tendres & foibles Car l'obligation de foûtenir notre réputation, & d'être tels qu'on nous eftime, fait à une ame généreuse une douce violence, qui la détermine

bien

bien fortement. Confervons nos vertus, Philothée, parce qu'elles font agréables à Dieu, qui eft le grand & le fouverain objet de toutes nos actions. Mais comme ceux qui veulent conferver des fruits, ne se contentent pas de les confire, & qu'ils les mettent encore dans des vafes propres à cet ufage: Ainfi bien que l'amour divin foit le principal confervateur de nos vertus, nous pouvons encore faire fervir utilement à leur confervation l'amour de notre réputation.

Il ne faut pas pourtant que ce foit avec un certain efprit d'ardeur, & d'exactitude pointilleufe Car ceux qui font fi délicats, & fi fenfibles fur leur honneur, reffemblent à ces hommes qui prennent des médecines pour toutes fortes de petites incommodités & qui ruinent tout-à-fait leur fanté, force de la vouloir conferver: Oui, la trop grande délicateffe fur la confervation de la réputation, la fait perdre entiérement : Parce que cette fenfibilité trop vive rend un homme bizarre, mutin infupportable, & provoque contre lui la malignité des médifans. La diffimulation & le mépris d'une médifance ou d'une calomnie, eft ordinai rement un remede plus falutaire que le reffentiment, la conteftation & la vengeance: Le mépris diffipe tout; mais la colere donne un air de vrai-femblan

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