ce à ce qu'on dit. Le Crocodile ne fait mal, dit-on, qu'à ceux qui le craignent: Et j'ajoûte que la médifance ne fait tort qu'à ceux qui s'en mettent en peine.

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Une crainte exceffive de perdre fa rẻputation, fait fentir aux autres grande défiance que l'on a de fon mé rite, ou de la vertu, qui en eft le fondement. Les Villes qui n'ont que des Ponts de bois fur de gros Fleuves craignent la ruine à toutes fortes de débordemens; mais là où les Ponts font de pierre, on ne craint que les inondations extraordinaires: Ceux auffi qui ont l'ame folidement chrétienne, méprifent ce flux de paroles, dont la médi fance remplit le monde ; mais ceux qui fe fentent foibles, s'inquiétent de tout ce qu'on leur dit. Indubitablement, Philothée, quiconque veut avoir une répu tation univerfelle, la perd univerfellement Et celui-là mérite auffi de perdre l'honneur qu'il veut recevoir de ces homme que le vice a deshonorés.

La réputation n'eft que comme une enfeigre, qui fait connoître où la vertu loge La vertu lui doit donc être préférée par-tout & en toutes chofes. C'est pourquoi fi l'on dit que vous êtes un hypocrite, parce que vous vivez chrétiennement , ou que vous êtes un lâche, parce que vous avez par

donné à votre prochain, l'injure qu'il vous a faite, méprifez tous ces jugemens : Car outre qu'ils ne viennent que de fortes gens, & toujours fort mepriiables par beaucoup d'endroits, il ne faudroit pas abandonner la vertu, pour conferver votre réputation. Les fruits des arbres vallent mieux que leurs feuilles ; Et nous devons préférer les biens intérieurs & fpirituels aux biens extérieurs. Oui, l'on peut être jaloux de fon honneur ; mais on n'en doit jamais être idolâtre : Et comme il ne faut rien faire qui bleffe les yeux des gens de bien; il ne faut pas chercher à plaire aux yeux des méchans. Le Pfalmifte dit, que la langue des médifans eft femblable à un rafoir bien affilé ; & nous pouvons com parer la bonne renommée à une belle chevelure, qui ayant été coupée, ou entiérement rafee, revient plus touffue & plus belle qu'elle n'étoit ; mais comme les cheveux que l'on a arrachés de la tête jufqu'à la racine, ne reviennent prefque jamais; je dis auffi que fi par une conduite déréglée & fcandaleuse nous détruifons notre réputation, il fera difficile de la rétablir Parce qu'elle aura été détruite jufqu'au fondement, qui eft cette probité de mœurs, laquelle tandis qu'elle fubfifte en nous, peut toujours nous

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rendre l'honneur que la médifance nous auroit ravi. Il faut quitter cette vaine converfation cette fociété inutile, cette amitié frivole, cet amusement de plaifir, fi la réputation en reçoit quelque atteinte; puifqu'elle vaut mieux que toutes ces fatisfactions humaines. Mais fi pour les Exercices de piété, pour l'avancement en la vie fpirituelle, pour l'application à mériter les biens étérnels, le monde murmure, & gronde, ou éclate même en médisances & en calomnies il faut laiffer, comme l'on dit abboyer les mâtins contre la Lune. Le rafoir de la médifance fervira à notre honneur, comme la ferpe à la vigne que l'on taille, & qui en porte plus de raifins.

Ayons toujours les yeux attachés fur Jefus crucifié; marchons dans les voies avec confiance & fimplicité; mais auffi avec prudence & difcrétion : Il fera le Protecteur de notre réputation : Et s'il permet qu'elle foit Aétrie , ou que

nous la perdions, ce ne fera que pour nous rendre plus d'honneur même aux yeux des hommes, ou pour nous perfectionner dans la fainte humilité dont je puis vous dire familierement, qu'une feule once vaut mieux que mille livres d'honneur. Si l'on nous blâme injuftement, oppofons la vérité à la calomnie, avec un efprit de paix : fi après cela la calomnie fubfifte encore,

tâchons de fubfifter dans notre humiliation En remettant ainfi notre honneur avec notre ame entre les mains de Dieu, c'est le conferver avec plus de fûreté. Servons donc notre divin Maître dans la bonne & dans la mauvaife renommée, à l'exemple de faint Paul, afin que nous puiffions dire avec David, quand le Seigneur voudra que nous foyons humiliés: O mon Dieu ! c'eft pour vous que j'ai Supporté cet opprobre, & la confufion qui a Couvert mon vifage.

Il y a cependant deux exceptions à faire ici : La premiere regarde de certains crimes fi atroces & fi infâmes, que perfonne n'en doit fouffrir le reproche, quand on peut s'en juftifier. La feconde, touche de certaines perfonnes, dont la réputa tion eft néceffaire à l'édification publique. Car en ces deux cas, il faut pourfuivre tranquillement la réparation du tort que l'on a reçu, c'eft le fentiment des Théologiens.

CHAPITRE VII I.

De la douceur envers le prochain, & des remedes contre la colere.

E faint Chrême dont l'Eglife fe fert, felon la tradition des Apôtres, four le Sacrement de Confirmation, & pour

plufieurs bénédictions, eft composée d'huile d'Olive & de baume, qui entre plufieurs autres chofes nous représente la douceur & l'humilité, deux vertus fi cheres au divin cœur de Jefus, & qu'il nous a recommandé fi expreffèment, en nous difant Apprenez de moi que je fuis doux & humble de coeur. Comme s'il avoit uniquement prétendu confacrer notre cœur à fon fervice & l'appliquer à l'imitation de fa vie par l'amour de ces deux vertus. L'humilité perfectionne l'homme dans fes devoirs envers Dieu, & la douceur la perfectionne dans les devoirs de la fociété humaine. Le baume qui prend le deffous parmi toutes les autres liqueurs, nous marque l'hu milité. L'huile d'olive, qui prend le deffus, nous repréfente la douceur, qui met l'homme au.deffus de toutes les peines, & qui excelle en toutes vertus ; parce qu'elle eft la fleur de la charité, laquelle, dit faint Bernard, n'a toute fa perfection, que quand elle joint la douceur à la patience.

Mais comprenez bien, Philothée ce que dit Jefus-Chrift, qu'il faut apprendre de lui, à être doux & humble de cœur, & que ce Chrême mystique doit être en notre cœur. Car c'est un des grands artifices de notre ennemi, que d'amufer plufieurs perfonnes