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du dehors de ces deux vertus. En effet combien y en a t'il qui n'en ont que le langage, l'air, & les manieres extérieures, & qui n'examinant pas bien leurs difpofitions intérieures, penient être humbles & débonnaires, & ne font rien moins? Et cela fe connoît, lorfque nonobftant cette humilité extérieure & cette douceur cérémonieuse, on les voit s'élever avec une chaleur & un orgueil incroyables, fur une lé gere injure qu'on leur aura faite, ou fur la moindre parole qu'on leur aura dite de tra

vers.

Quand l'humilité eft bien réelle, & la douceur fincere, elles font à l'ame un excellent préfervatif contre l'enflure d'efprit & l'ardeur du cœur, que les peines qu'on nous fait ont coûtume d'y exciter: Comme l'on dit que ceux qui ont été piqués ou mordus par une vipere, n'enflent jamais quand ils ont pris de ce préfervatif qu'on appelle vulgairement la grace de faint Paul. Mais fi ayant été piqués par la médifance qui a la langue de ferpent notre efprit s'enfle d'orgueil, & notre cœur s'enflamme: n'en doutons pas, c'est un figne évident que notre humilité & notre douceur ne font ni véritables ni finceres ; mais artificieuses & apparen

tes.

Le faint & illuftre Patriarche Jofeph, renvoyant fes freres d'Egypte en en la maifon de fon Pere, ne leur donna que

cet avis: Ne vous fâchez point en chemin. Je vous le dis auffi, Philothée cette vie n'eft qu'un voyage que nous avons à faire pour aller au Ciel : Ne nous fâchons donc point en chemin les uns contre les autres, marchons en la compagnie de nos freres avec un vrai efprit de paix & d'amitié. Mais je vous le dis univerfellement parlant, ne vous fâchez point du tout s'il eft poffible, & jamais pour quelque prétexte que ce foit, n'ouvrez votre cœur à la colere : Car, nous dit faint Jacques, la colere de l'homme n'opere point la juftice de Dieu. L'on doit s'oppofer au mal, &, corriger les mœurs de fes inférieurs. avec une fainte hardieffe, & avec beaucoup de fermeté, mais ajoutez, une égale douceur & tranquillité. Rien ne dompte davantage le feu d'un Eléphant irrité, que la vue d'un petit Agneau Et rien ne peut mieux rompre le coup d'un boulet de canon ? que la laine. La correction que fait la raison toute feule, eft toujours mieux reçue, que celle où la paffion entre avec la raifon Parce que l'homme fe laiffe aifément conduire par la raifon, à laquelle il eft naturellement affujetti; au lieu qu'il ne peut fouffrir qu'on le domine par paffion. Or c'eft de-là que quand la faifon veut fe fortifier par la paffion, elle fe rend odieufe: Et elle

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perd, ou du moins elle affoiblit fa propre autorité, en appellant à fon fecours la tyrannie de la paffion. Lorsque les Princes vifitent leurs Etats en temps de paix avec leur maifon, les peuples qui fe trouvent fort honorés de leur préfence, en font par tout éclater leur joie Mais quand ils y vont à la tête de leurs armées cette marche ne leur

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plaît gueres, quoique le bien public y foit intereffe, par la raifon que quelque bonne difcipline qu'ils faffent obferver à leurs troupes, il eft impoffible que plufieurs particuliers ne fouffrent beaucoup de la licence du Soldat. De même, quand la raifon exerce avec douceur les droits de fon autorité par quelque correction, ou par quelques châtimens, chacun l'approuve & l'aime, quelque exactitude de févérité qu'il y paroiffe: Mais quand la raifon y emploie l'indignation, le dépit & la co lere que faint Auguftin appelle fes foldats, elle fe fait plus craindre qu'aimer, & elle en demeure elle-même troublée & incommodée. Il vaut mieux, dit faint Auguftin, écrivant à Profuturus, fermer l'entrée du cœur à la colere quelque jufte qu'elle foit, que de l'y recevoir pour petite qu'elle foit: Parce qu'elle y jette de fi fortes, racines, qu'il eft très difficile de l'en arracher; femblable à une petite plante qui devient un

grand arbre. C'eft donc avec juftice que l'Apôtre nous défend de laiffer coucher le Soleil fur notre colere: Car elle fe change en haine durant la nuit, elle devient prefque implacable, & elle fe nourrit dans le cœur par beaucoup de faux raisonnemens, nul homme n'ayant jamais cru fa colere injufte.

La fcience de vivre fans colere eft donc meilleure, que celle de s'en fervir avec, fageffe, & avec modération: Et lorfque par quelque imperfection, ou par foibleffe, cette paffion a furpris no-> tre cœur ; il vaut mieux la réprimer promptement que de la ménager : Car pour peu qu'on lui donne de temps, elle fe rend maîtreffe de fa place, & fait comme le ferpent qui tire aifément tout fon corps, où il peut mettre la tête. Mais comment, direz-vous, la pourrai-je bien réprimer: Il faut, Philothée, qu'à la premiere atteinte que vous en reffentirez, vous ramassiez contr'elle toutes les forces votre ame, non pas d'une maniere brufque & impétueufe; mais douce & efficace Parce que comme l'on voit dans les Audiences du Barreau, que les Huiffiers font plus de bruit que ceux qu'ils veulent faire taire; il arrive auffi fort fouvent, que voulant réprimer avec impétuofité, nous nous troublons davantage; & le cœur ainfi troublé, ne peut plus être maître de lui-même.

de

Après ce doux effort, pratiquez le confeil que faint Auguftin donnoit dans fa vieilleffe au jeune Evêque Auxilius: Faites, difoit-il, ce qu'un homme doit faire; & fi dans quelque occafion vous avez fujet de dire comme David: Mes yeux font troublés du feu d'une grande colere; recourez promptement à Dieu & lui dites comme ce Prophête : Seigneur, ayez pitié de moi : afin qu'il étende fa main droite fur votre cœur pour y réprimer votre colere; je veux dire, qu'il faut invoquer le fecours de Dieu auffi-tör que nous nous fentons émus, en imitant ce que firent les Apôtres au milieu de la tempête Il commandera indubitablement à notre paffion de fe calmer, & il rendra la tranquillité à notre ame. Mais je vous avertis encore, qu'il faut faire cette priere avec une attention douce, & non pas avec un violent effort d'efprit: Et enfin c'est la maxime qu'on doit obferver dans tous les remedes › dont on peut user contre ce mal.

:

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envers

Dès-lors que vous vous appercevrez d'une faute que la colere vous aura fait commettre réparez-la promptement par quelque Acte de douceur, la perfonne à qui vous aurez fait fentie votre paffion: Car fi c'eft une précaution falutaire contre le menfonge que de le détracter fur le champ; c'eft un fouverain remede contre la colere que de

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