nation plus fufceptible des mauvaises impreffions. C'est pourquoi S.Augustin admiroit en fon cher Alipius cette admirable pureté d'ame, qui l'avoit entierement affranchi des fentimens, & même des fouvenirs de tous fes déréglemens paffés. En effet chacun fçait bien qu'il eft facile de conferver long-temps les fruits qui font encore en leur entier : Mais pour peu qu'ils ayent été flétris ou entamés l'unique moyen de les bien garder, c'eft de les confire au fucre ou au miel. Je dis auffi que l'on a plufieurs moyens de conferver avec fureté la chafteté, tandis qu'elle a toute fon intégrité: Mais quand elle l'a une fois perdue, rien ne peut plus la conferver qu'une folide dévotion, dont j'ai fouvent comparé la douceur avec celle du miel.

Dans l'état de la virginité, la chafteté demande une grande fimplicité d'ame & une grande délicateffe de confcience, pour éloigner toutes fortes de pensées curieufes, & pour s'élever au-deffus de tous les plaifirs fenfuels, par un mépris abfolu & entier de tout ce que l'homme a de commun avec les bêtes, & qu'elles ont même plus que lui. Que jamais donc ces ames pures ne doutent en aucune maniere, que la chafteté ne leur foit incomparablement meilleure, que tout ce qui eft incomparable avec fa perfection: Car , comme dit faint Jérôme le démon ne pouvant fouffrir cette fa

lutaire ignorance du plaifir, tâche du moins d'en exciter le defir dans ces ames, & leur en donne pour cela des idées fi attirantes, quoique très fauffes, qu'elles en demeurent fort troublées : Parce qu'el les fe laiffent imprudemment aller, ajoute ce faint Pere, à eftimer ce qu'elles ignorent. C'est ainfi que tant de jeunes gens furpris par une fauffe & folle eftime des plaifirs voluptueux & par une curiofité fenfuelle & inquiéte, s'y livrent avec la perte entiere de leurs intérêts temporels & éternels; femblables à des papillons, qui s'imaginant que la flame eft auffi douce qu'elle leur paroît belle, vont étourdiment s'y brûler.

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A l'égard de l'état du Mariage; c'est une erreur vulgaire, & très-grande, de penfer que la chafteté n'y foit pas néceflaire Car elle l'eft abfolument, & même beaucoup; non pas pour s'y priver des droits de la foi conjugale; mais pour fe contenir dans leurs bornes. Or comme l'obfervation de ce Commandement: Fâchez-vous, & ne péchez point, porte plus de difficulté que la pratique de celui-ci: Ne vous fâchez point; par la raison qu'il eft plus ailé d'éviter la colere que de la régler: De même il eft plus facile de fe priver de tous les plaifirs de la chair, que de les modérer. I eft vrai que la licence du Mariage fanctifié par la grace de Jelus

Chrift, peut beaucoup fervir à étaindre la paflion naturelle: Mais l'infirmité de plufieurs perfonnes qui s'en fervent, le font paffer aifément de la permiffion à l'ufurpation, & de l'ufage à l'abus. Et comme l'on voit beaucoup de riches s'accommoder injuftement du bien de leur prochain, non pas par indigence, mais par avarice: l'on voit auffi beaucoup de perfonnes mariées, qui pouvant & devant fixer leur cœur à un objet légitime, s'emportent encore à des plaifirs étrangers, par une incontinence carenée. Il est toujours dangereux de prendre des médicamens violens, parce que fi l'on en prend plus qu'il ne faut ou qu'ils ne foient pas bien préparés, la fanté en fouffre beaucoup Le mariage a été inftitué & fanctifié en partie pour fervir de remede à la cupidité naturelle : Et fi on doit dire que ce remede eft falutaire, on peut dire qu'il eft violent, & par conféquent dangereux, fi l'on s'en fert fans modération, & fans les précautions néceffaires de la piété chrétienne.

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J'ajoute que la variété des affaires de la vie & des longues maladies, féparent fouvent deux perfonnes que l'amour conjugal a unies: C'eft pourquoi cet état a befoin d'une double chafteré, de l'une pour s'abstenir de tout plaifir dans les temps d'abfence, & de l'autre, pour fe modérer dans les temps de préfence. Sain

te Catherine de Sienne vit entre les dam nés plufieurs ames exceffivement tourmentées pour avoir profané la fainteté du mariage: Non pas précisément par la raifon de l'énormité de leurs péchés puifque les meurtres & les blafphêmes font plus énormes: mais par cette raison, que ceux qui les commettent, ne s'en font aucun fcrupule; & que par conséquent ils y perféverent durant toute leur vie.

Vous voyez donc combien la chafteté eft néceffaire à tous les états. Cherchez la paix : foit avec tous, dit l'Apôtre, la Sainteté fans laquelle perfonne ne verra Dieu : Or remarquez que par la fainteté, il entend la chafteté felon l'obfervation de faint Jérôme, & de faint Chryfoftôme. Non, Philothée, perfonne ne verra Dieu fans la chafteté; perfonne n'habitera en fes faints Tabernacles, qu'il n'ait le cœur pur; & comme dit le Sauveur même, les chiens & les impudiques en feront bannis. Auffi bienheureux font, nous a-t'il dit, ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu.

CHAPITRE XIII.

Avis pour conferver la chafteté. Yez toujours une grande attention fur vous ? pour éloigner promptement tout ce qui peut porter

A

quelque attrait à la volupté: Car c'eft un mal qui fe prend infenfiblement, & qui par de petits commencemens fait de grands progrès. En un mot, il eft plus aifé de le fuir, que de le guérir.

Le chalteté elt ce trefor, que faint Paul dit que nous poffedons dans des vafes bien fragiles: Et véritablement elle tient beaucoup de la fragilité de ces vafes, qui pour peu qu'ils fe heurtent les uns contre les autres, courint rifque de fe caffer. L'eau la plus fraîche, que l'on veut conferver dans un vafe,y perd bien-tôt fa fraîcheur, fi quelque animal y a tant foit peu touché. Ne perinettez donc jamais, Philothée, & défendez-vous à vous même-tout ce badinage extérieur des mains, également contraire à la modeftie chrétienne, & au respect que l'on doit à la qualité, ou à la vertu d'une perfonne. Car bien que peut-être on puif. fe abfolument conferver un cœur chafte parmi ces actions, qui viennent plutôt de légereté que de malice, qui ne font pas ordinaires; cependant la chafteté en reçoit toujours quelque mauvaife atteinte. Au refte vous jugez affez que je ne parle pas de ces attouchemens malhonnêtes qui ruinent entierement la chafteté.

La chafteré dépend du cœur comme de fon origine, & fa pratique extérieure confifte à régler & à purifier les fens : C'eft pourquoi elle fe perd par tous les fens extérieurs, comme par les pensées