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de l'efprit & par les defirs du cœur. Ainfi toute fenfation que l'on fe permet fur un objet deshonnête, & avec efprit de deshonnêteté, eft véritablement une impudicité; jufques-là que l'Apôtre difoit aux premiers Chrétiens: Mes Freres, que la fornication ne fe nomme pas même entre vous. Les abeilles non-feulement ne touchent pas à un cadavre pourri; mais fuient encore la mauvaise vapeur qui en exhale. Obfervez, je vous prie, ce que la fainte Ecriture nous dit de l'Epoufe des Cantiques, tout y eft mystérieux ; la myrte diftille de fes mains & vous fçavez que cette liqueur préserve de la corruption: fes levres font bandées d'un ruban vermeil ; & cela nous apprend que la pudeur rougit des paroles tant foit peu malhonnêtes: Ses yeux font comparés aux yeux de la colombe, à caufe de leur netteté : Elle a des pendans d'oreilles qui font d'or ; & ce précieux métal nous marque la pureté: Son nez eft comparé à un cedre du Liban, dont l'odeur eft exquife & le bois incorruptible. Que veut dire tout cela? Telle doit être l'ame dévote, chaste, rette, pure & honnête en tous les fens extérieurs.

A ce propos je veux vous apprendre un mot bien remarquable, que Jean Caffien, un ancien Pere, affure être forti de la bouche de faint Bafile, qui parlant

de foi-même, dit un jour avec beaucoup d'humilité: Je ne fçaice que font les femmes, cependant je ne fuis pas Vierge. Certes la chafteté fe peut perdre en autant de manieres, qu'il y a de fortes d'impudicités, lefquelles à proportion qu'elles font grandes ou petites, l'affoibliffent ou la bleffent dangereufement, ou la font entiérement périr. Il y a de certaines libertés indifcrettes, badines & fenfuelles, qui, à proprement parler, ne violent pas la chafteté; mais qui l'affoibliffent, qui l'amolliffent, & quien terniffent l'éclat. Il y a d'autres libertés, non-feulement indifcrettes, mais vicieuses; non-feulement badines, mais deshonnêtes; non-feulement fenfuelles, mais charnelles, qui du moins bleffent mortellement la chafteté: Je dis du moins, parce qu'elle périt entiérement, fi cela va jufqu'au dernier effet du plaifir voluptueux. Alors la chafteté périt d'une maniere plus indigne que méchante, & plus malheureufe, que quand elle fe perd par la fornication, même par l'adultete & par l'incefte: Car quoique ces dernieres efpeces de la brutale volupté foient de grands péchés; les autres, comme dit Tertullien dans fon Livre de la Pudicité, font des monftres d'iniquité & de péché. Or Caffien ne croit pas, ni moi non plus, que faint Bafile ait voulu s'accufer d'un déré glement pareil, quand il dit qu'il n'étoit pas Vierge Et je crois avec raifon qu'il

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n'entendoit parler que des feules penfées voluptueufes, qui ne font que falir l'imagination, l'efprit & le cœur, dont la chafteté a toujours été fi chere aux ames géné reufes, qu'elles en ont été extrêmement alouses.

N'ayez jamais de commerce avec des perfonnes dont vous connoîtrez que les mœurs foient gâtées par la volupté; furtout quand l'impudence eft jointe à l'im pureté, ce qui arrive prefque toujours.

L'on prétend que les Boucs touchant feulement de la langue les Amandiers, qui font doux de leur efpece, en rendent le fruit amer: Et ces ames brutales, & infectes ne parlent gueres à perfonne,ni de même fexe, ni de fexe différent, qu'elles ne faffent un grand tort à la pudeur; femblables aux Bafilics, qui portent leurs venins dans leurs. yeux, & dans leur haleine.

Au contraire, faites une bonne liaison avec les perfonnes chaftes & vertueuses;occupez-vous fouvent de la lecture des livresfacrés, car la parole de Dieu eft chafte, & rend chafte ceux qui l'aiment. C'est pourquoi David la compare à cette pierre précieufe, qu'on appelle Topaze; & dont la propriété spéciale eft d'amortir l'ardeur de la concupifcence.

Tenez-vous toujours auprès de JefusChrift crucifié, foit fpirituellement par la méditation, foit réellement & corporellement par la fainte Communion. Vous fça

vez que ceux qui couchent fur l'herbe nom. mée Agnus Caftus, prennent infenfiblement des difpofitions favorables à la chafteté: Penfez donc,que repofant votre cœur fur notre Seigneur, qui eft véritablement l'Agneau immaculé, vous trouverez bientôt votre ame, votre cœur & vos sens entiérement purifiés de tous les plaifirs fenfuels.

CHAPITRE X 1 V.

De la pauvreté d'efprit dans la poffeffion des richeles.

B

Ienheureux font les pauvres efprit y parce que le Royaume des Cieux eft á à eux Malheureux donc font les riches d'efprit, parce que la mifere de l'enfer eft pour eux. Celui-là eft riche d'efprit qui à l'efprit dans fes richeffes, ou fes richeffes dans fon efprit. Et celui-là eft pauvre d'efprit, qui n'a nulles richeffes dans fon efprit, ni fon efprit dans les richeffes. Les Alcions fond leur nid d'une conftruction admirable: la forme en eft semblable à une pomme, & ils n'y laiffent qu'une très-petite ouverture par en haut, ils le placent fur le bord de la mer, & le font fi ferme & fi impénétrable, que quand elle vient fondre fur le rivage avec fes flots, il n'y peut entrer aucune goutte d'eau, parce qu'il tient toujours le deffus des vagues, dont il

prend le mouvement. Ainfi il demeure au inilieu de la mer, fur la mer, & maître de la mer. C'est l'image de votre cœur, Philothée, qui doit toujours être ouvert au Ciel, & toujours impénétrable à l'amour des biens périffables : Si vous êtes riche, confervez votre cœur dans un grand détachement de vos richeffes, & qu'il s'éleve toujours au-deffus d'elles, de forte qu'au milieu des richeffes it foit dans ces richeffes, & maître des richeffe. Non, ne permettez pas que cet efprit célefte fe plonge dans les biens terreftres: Et faites au contraire, que fupérieur à ce qu'ils ont de plus aimable, il s'éleve de plus en plus vers le Ciel.

Il y a bien de la différence entre avoir du poifon & être empoisonné: Ceux qui font la Pharmacie, ont prefque tous les poifons pour plufieurs bons ufages de leur art; & l'on ne peut pas dire pour cela qu'ils foient empoifonnés, puifqu'ils n'ont ces poisons que dans leurs cabinets. Auffi vous pouvez avoir des richeffes, fans que le poison qui leur eft naturel, aille jufqu'à votre cœur ; pourvû que vous les ayez feulement en votre maifon & non pas dans votre cœur. Etre riche en effet, & pauvre d'affection, c'eft le grand bonheur du Chrétien: car il tout enfemble les commodités des richeffes pour cette vie, & le mérite de la pauvreté

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