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difficile; que plût à Dieu qu'il fut per mis de fe venger. Ah! Que ce pauvre homme, tout hors de péché qu'il eft, a le cœur embarrallë de l'affection au péché & qu'il eft femblable aux Ifraëlites dont j'ai parlé. Il faut dire la mê me chofe de cette femme, qui ayant détesté les mauvaises amours, prend un refte de plaifir à de vaines affiduités, & des démonftrations trop vives d'eftime, & d'amitié. Hélas que ces pénitents, & fes pénitentes font dans un grand danger de leur falut.

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O Philothée, puifque vous aspirez fincérement à la dévotion non-feulement vous devez quitter le péché ; mais Vous devez encore purifier votre cœur de toutes les affections qui en ont été les caufes " ou qui en font les effets : Car outre le danger de la rechûte, il vous en refteroit une langueur d'ame, & une pefanteur d'efprit, qui font, comme je vous l'ai dit, incompatibles avec la vie dévote. Je compare ces ames qui après avoir quitté le péché, font fi languiffantes & fi péfantes dans le fervice de Dieu, aux perfonnes qui ont les pâles couleurs Elles ne font pas abfolument mialades; mais l'on peut dire que leur air, leurs manieres, & toutes leurs actions font bien malades; elles mangent fans goût; elles rient fans joie; elles dorment fans repos ; & elles fe traînent plu

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tôt qu'elles ne marchent. C'eft de cette forte que ces, ames dans leurs exercices, qui ne font pas fort à compter, ni pour le nombre, ni pour le mérite, font le bien avec tant de dégoût & de laffitude d'efprit, qu'elles leur font perdre tout le luftre & toute la grace que la ferveur donne aux actions de piété.

CHAPITRE VI I I. Comment l'on peut parvenir à ce fecond degré de pureté d'Ame.

TL faut pour cela fe former une vive & faut tout le mal que porte le

péché, afin que par la componction du cœur, elle nous excite à une forte & profonde contrition. Quelque foible que foit la contrition, pourvu qu'elle foit veritable, elle fuffit pour purifier notre ame du péché, fur-tout quand elle eft foutenue de la vertu des Sacremens Mais fi elle est véhémente & pénétrante, clle va jufqu'à purifier le cœur de toutes les mauvaifes affections qui dépendent du péché. Remarquez ces exemples: Si nous ne haïffons un homme que foiblement, il n'y a gueres que fa préfence qui nous faffe de la peine, & nous nous contentons de la fuir: Mais fi nous le haïffons mortellement & violemment, nous ne nous en tenons pas à cette répugnance de cœur, & à cette fuite;

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l'horreur que nous en avons fe répand juf que fur fes alliés, fes parens & fes amis dont nous ne pouvons fouffrir la converfation: fon portrait même nous bleffe les yeux & le cœur, & généralement tout ce qui a quelque rapport à lui nous déplaît. Ainfi quand le pénitent n'eft que légerement touché de la haine de fes péchés, & n'en a qu'une foible contrition mais très-réelle, il ne laiffe pas de fe déterminer de bonne foi à ne plus pécher : Mais quand fa haine eft bien vive, & fa douleur bien profonde, il détefte tout enfemble & efficacement le péché, toutes les habitudes, & tout ce qui lui peut fervir d'attrait & d'occafion. Il faut donc, Philothée, donner à la douleur de vos péchés toute la force & l'étendue que vous. pourrez, afin qu'elle s'étende aux moindres circonftances du péché : C'est ainfi que la Madeleine, dès le premier moment de fa converfion, perdit tellement le goût de fes plaifirs, qu'elle n'en retint pas même l'idée : C'eft ainfi que David proteftoit, qu'il haifoit le péché, les voies

les fentiers du péché: C'est en cela que confifte ce renouvellement de l'ame, comparé par le même Prophete au renouvellement de l'Aigle.

Mais pour peindre vivement cette idée de la malice du péché, & en concevoir une vraie douleur; il faut vous appliquer à bien faire les Méditations fuivantes,

dont l'ufage détruira dans votre cœur, par la grace de Dieu, tout le péché jufqu'à fes racines. C'eft à ce deffein que je vous les ai préparées, felon la méthode que j'ai jugé la meilleure Vous les ferez l'une après l'autre, en fuivant l'ordre que je leur ai donné, & n'en prenant qu'une pour chaque jour: Je vous confeille, fi cela eft faifable, que ce foit le matin, parce que c'eft le temps le plus propre aux fonctions de l'efprit: Après cela vous en repafferez ce que vous pourrez en vous-même durant le jour; & fi votre efprit n'eft pas encore fait à la Méditation, ayez recours pour vous la faciliter à la feconde Partie de cet Ouvrage.

CHAPITRE

IX.

Méditation fur la Création de l'Homme.

I.

PREPARATION.

1. Mettez-vous en la présence de Dieu. 2. Suppliez-le qu'il vous infpire.

CONSIDÉRATI O N.

Onfidérez qu'il n'y a que tant d'années que vous n'étiez pas au monde, & que votre être n'étoit pas un vrai néant : Où étions-nous, ô mon ame, en ce temps-là ? Le monde avoit déjà

fubfifté durant une longue fuite de fiecles: Et il n'étoit rien de tout ce que nous fommes.

2. Penfez que Dieu vous a tiré de ce néant pour vous faire ce que vous êtes, fans que vous lui fuffiez néceffaire & par la feule raifon de fa bonté.

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3. Formez-vous une noble idée de l'être. que Dieu vous a donné: Car il eft le premier & le plus parfait de tous les êtres de ce monde vifible, il eft créé pour une vie & une félicité éternelle, & capable de s'unir parfaitement à la divine Majesté.

AFFECTIONS ET RÉSOLUTIONS.

1. Humiliez-vous profondément devant Dieu, dites comme le Pfalmiite: O mon ame, fcache que le Seigneur eft ton Dieu, &que c'est lui qui t'a faite, & que tu ne t'es pas faite toi-même: 0 Dieu, je fuis l'ouvrage de vos mains. O Seigneur, toute ma fubftance n'eft en votre préfence qu'un vrai néant, & qui fuis-je moi pour que vous ayez voulu me faire ce bien? Hélas mon ame! Tu étois abîmée dans cet ancien néant, & tu y ferois encore, si Dieu ne t'en avoit tirée.

2. Rendez grace à Dieu. O mon Créa-: teur ! Vous dont la bonté égale l'infinie grandeur, que je vous fuis redevable, pour m'avoir fait par votre miféricorde tout ce que je fuis! Que ferai-je pour

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