fur la néceffité que chacun en peut avoirfelon fa complexion, pour s'occuper utilement durant le jour : & parce que la fainte Ecriture, l'exemple des Saints,.. & la raison avec l'expérience nous font connoître que les premieres heures du jour en font la meilleure partie, & la plus utile; je pourrois dire même, parce que Notre-Seigneur eft appellé le Soleil levant, & fa fainte Mere, l'aurore: Je pense que c'eft une pratique louable de régler i bien l'heure du coucher, que P'on puiffe fe lever de bon matin. Certainement, c'est le temps le plus doux à l'efprit, le plus libre, & le plus favora ble aux exercices de piété, & au defir que l'on peut avoir de bien conferver fa fanté. Les oifeaux ne nous excitentils pas de grand matin à quitter le fommeil, & à chanter les louanges de Dieu ?

Balaam monté fur fon âneffe, alloit trouver le Roi Balaac: Et comme il n'avoit pas une intention bien droite un Ange l'attendit en chemin avec une épée pour le tuer. Cette pauvre bête qui vit l'Ange, s'arrêta par trois fois, quelques efforts que fit le Prophête à grands coups de bâton pour la faire avancer: Jufqu'à ce qu'enfin s'étant abattue fous lui à la troifieme fois, ellelui parla par un miracle bien extraordimaire, pour lui faire ce reproche : Que

Vous ai-je fait ? Et pourquoi me frapez-vous ainfi jufqu'à trois fois ? EnTuite le Seigneur ayant ouvert les yeux de Balaam, ce Prophête apperçut l'Ange qui lui dit : Pourquoi as-tu battu ton âneffe? Si elle ne fe fût détournée de devant moi, je t'eufe tué, & T'euffe épargnée. Alors Balaam dit à l'Ange J'ai péché, car je ne fçavois pas que vous vous oppofaffiez à mon voyage. Voyez vous Philothée, Balaam étoit la caufe de tout le mal, & il s'en prenoit à fon âneffe qui n'y avoit nulle part Et c'eft de la forte que nous en ufons fouvent dans nos affaires. Une femme voit fon mari ou fon enfant malade, & elle court au jeune, à la haire, à la difcipline, comme fit David dans une pareille occafion Hélas, chere amie! Vous faites com-me: Balaam, qui battoit fon âneffe ; vous affligez votre corps, quoiqu'il ne foit pas la caufe de la colere de Dieu qui a la main levée fur vous. Allez à la fource du mal, corrigez le cœur qui eft idolâtre de ce mari & de cet enfant que vous avez laiffé le maître de fes mauvaises inclinations; & que votre orgueil n'a élevé que pour la vanité. Un homme commet fouvent un péché d'impureté ; & auffi-tôt fa. confcience lui perce, le cœur par des re proches intérieurs qu'elle lui fais 2:9 M.G

:

craindre, comme des traits de la colere de Dieu; fur cela, revenant à foi: Ah! chair rebelle, dit-il, corps déloyal, tu m'as trahi? Et il décharge fon indignation fur fa chair par l'ufage immodéré des aufterités. Oh, pauvre ame! Si ta chair pouvoit parler comme l'âneffe de Balaam, elle te diroit pourquoi mefrapes-tu, miférable ? C'eft contre toi que Dieu s'arme de colere; c'est toi qui es la criminelle : Pourquoi me conduis tu à de mauvaises converfations? Pourquoi appliques-tu mes yeux & mes fens, à des objets deshonnêtes ? Pourquoi me troubles tu par de fales. imaginations? Formes de bonnes penfées, & je n'aurai pas de mauvais fentimens fréquentes des perfonnes qui ayent de la pudeur; & la paffion ne s'allumera pas en moi. Hélas! Tu me jette dans le feu & tu ne veux pas que je brûle; tu me remplis les yeux de fumée, & tu ne veux pas qu'ils s'enflamment. Or, Philothée, Dieu vous dit en ce temps-là: Brifez vos cœurs de douleur, mortifiez-les, faites-leur porter la pénitence qu'ils méritent; c'eft principa lement contr'eux que je fuis irrité. Certes, pour guérir la demangeaifon, il n'eft pas fi néceffaire de fe baigner, que de purifier le fang: Et à l'égard de nos vices, quoiqu'il foit bon de mortifier la chair, il eft fur-tour néceffaire de purifier le cœur.

Mais la regle univerfelle que je vous donne, eft de n'entreprendre jamais d'auf... térités corporelles, fans l'avis de votre Directeur.

CHAPITRE XXIV.

Des Converfations & de la Solitude.

R

Echercher les converfations, & les fuir, ce font deux extrémités blâmables dans la dévotion, qui doit ré gler les devoirs de la vie civile: La fuite marque de la fierté, & le mépris. du prochain ; & la recherche porte beaucoup d'oifiyeté & d'inutilité. Il faut aimer le prochain comme foi-même. Pourmontrer qu'on l'aime il ne faut pas fuir fa compagnie; & pour témoigner qu'on s'aime foi-même, il faut fe plaire avec foi-même, on y eft: Or, on y eft quand on eft feul. Pensez à vousmême, dit faint Bernard, & puis aux autres. S'il n'y a donc rien qui vous oblige à faire des vifites, ou à en rece voir chez vous, demeurez avec vousmême & vous entretenez avec votre cœur Mais fi quelque jufte raifon vous oblige à ces devoirs, allez au nom de Dieu, & voyez votre prochain de bon cil, & de bon cœur:

L'on appelle mauvaise converfaion

celle où il entre une mauvaise intention, ou bien une mauvaise liaison de perfonnes indifcrettes, libres & diffolues: Et il faut abfolument s'en éloigner comme les abeilles s'éloignent d'un amas de frêlons & de taons: Car fi l'haleine & la falive de : ceux qui ont été mordus d'un chien enragé,. eft fort dangereufe, principalement aux. enfans & aux perfonnes d'une complexion délicate. Le commerce de ces perfonnes vicieufes n'eft pas moins à craindre, fur-tout pour ceux dont la vertu eft encore tendre, foible & délicate.

Il y a des converfations qui font inutiles. à toute autre chose, qu'à foulager agréablement l'efprit fatigué des occupations fé. rieufes: Et comme l'on ne doit pas s'en faire un amufement d'oifiveté, l'on peut auffi y donner le temps néceffaire à une hon nête récréation.

Il est d'autres converfations qui ne font que d'honnêteté, telles que celles des vifites réciproques, & de certaines affemblées, où l'on fe trouve pour fairehonneur à fon prochain? Or il ne faut ni s'acquitter de ces devoirs avec une crainte inquiète & fuperftitieufe de man- . quer aux plus petites chofes ; ni les mé-prifer, ou les négliger par incivilité. Mais vous devez y fatisfaire avec un foin raifonnable, tâchant d'éviter également la rufticité & la légereté...

Je n'ai donc plus qu'à vous parler