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le dernier jour qui juge tous les autres Nous ne pouvons donc jamais dire qu'un homine foit méchant fans danger de: mentir, & tout ce que nous pouvons dire s'il faut en parler, c'eft qu'il fit une telle action mauvaise, que fa vie fut méchante en tel temps, actuellement il fait mal : Mais on ne peut tirer nulle conféquence d'hier à aujourd'hui, ni d'aujourd'hui au jour d'hier & moins encore du jour préfent au lendemain. Il faut accorder toute cette délicateffe de confcience, avec la : prudence qui eft néceffaire pour fe garan. tir d'une autre extrémité, où fe jettent ceux qui, pour éviter la médifance, don nent des louanges au vice. Si donc une perfonne eft fujette à médire, ne dités pas en l'excufant, qu'elle eft libre, franche & fincere: Si une autre paroît manifef tement vaine, n'allez pas dire qu'elle a le cœur noble, & les manieres propres, N'appellez les privautés dangereufes des fimplicités & des naïvetés d'une ame innocente: Ne donnez pas à la défobéif fance le nom de zele, ni à l'arrogance celui de générofité, ni à la volupté ce.. lui d'amitié. Non, Philothée, il ne faut pas en fuyant la médifance favorifer les autres vices, ni les flatter, ni les entrete nir; mais l'on doit dire rondement & franchement qu'un vice eft un vice, & blâmer ce qui est blâmable; ce fera indu bitablement glorifier Dieu, pourvu qu'ana

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bferve les conditions fuivantes.

Premierement, l'on ne doit blâmer les vices du prochain que par la raison de l'utilité, ou de celui qui en parle,. ou de ceux à qui on parle. L'on racon te devant les jeunes perfonnes les familiarités indifcrettes & dangereufes de tels & telles, la diffolution d'un tel ou d'une telle en paroles, ou en beaucoup de manieres contraires à la pudicité: He bien, fi je ne blâme pas avec liberté cette conduite, & que je la veuille excufer, ces ames tendres qui écoutent cela, prendroient occafion de s'en permettre autant. Il eft donc de leur utilité, que je blâme fur le champ ce que l'on en dit A moins que je ne remette ce bon office à un temps plus convenable & à une occafion où la réputation de ces perfonnes en fouffrira moins.

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Il faut en fecond lieu que j'aie quel. que obligation de parler; comme fi j'étois. des premiers de la compagnie, & que mon filence dût paffer pour une appro bation Que fi je fuis des moins confide rables, je ne dois pas entreprendre de rien cenfurer; mais je dois avoir une grande jufteffe en mes paroles, pour ne dire que ce qu'il faut. Par exemple, s'il. s'agit de quelque familiarité entre deux jeunes perfonnes: O Dieu, Philothée!) Je dois tenir la balance bien jufte, & ne tien y mettre qui diminue, ou exagére:

le fait. Si done il n'y a dans la chofe qu'une foible apparence, ou qu'une fimple imprudence, je ne dirai rien de plus; s'il n'y a ni imprudence, ni apparence, & que l'on n'y voie rien, finon quelque. prétexte de médifance qu'un efprit malicieux a pû en tirer ou je n'en dirai rien du tout, ou je dirai cela même. La fainte Ecriture compare fouvent la langue à un rafoir, & avec raison. Car je dois être fur mes gardes quand je juge mon prochain comme l'eft un habile Chirur gien, qui fait une incifion entre les nerfs & les tendons..

Enfin quand on blâme le vice, il faut épargner la perfonne le plus qu'on peut. Il eft vrai que l'on peut parler libre-ment des pécheurs reconnus publiquement pour tels,, & diffamés: Mais ce: doit être avec efprit de charité & de com. paffion, & non pas avec arrogance ou préfomption, ni par aucune joie que l'on en aie car ce dernier fentiment n'est le propre que d'un cœur bas & lâche. Entre tous ceux-là j'excepte les ennemis déclarés der Dieu & de fon Eglife, puifqu'il faut les décrier autant que l'on peut, comme les chefs des Hérétiques & des Schifmatiques, & de tous les partis : C'est une charité que de crier au loup, quand il eft entre les brebis, quelque part qu'il foit.

Chacun fe donne la liberté de cenfuer les Princes, & de médire des Na

tions entierés, felon la diverfité des inclinations dont on eft prévenu: Philo thee ne faites pas cette faute; parce qu'outre l'offenfe de Dieu, elle vous pourfoit fufciter, mille fortes de querelles.. Quand vous entendez mal parler du prochain, tâchez de rendre douteux, ce que : l'on en dit, fi vous pouvez le faire juftement, du moins excufez fon intention:: Si cela ne fe peut encore témoignez qu'il vous fait compaffion. Ecartez le difcours, penfant pour vous-même, & faifant penfer à la compagnie, que ceux qui ne tombent pas en faute, en font unique. ment obligés à la grace de Dieu. Rappellez le médifant à lui-même par quelque douce maniere; & dites librement ce que vous connoiffez de bon, dans la per fonne que l'on offense.

CHAPITRE XXX.. Quelques autres Avis touchant les Difcours..

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Ue votre langage foit fincere doux, naturel, & fidele. Gardezvous des duplicités, des artifices, & de toutes fortes de diffimulations. Car bien qu'il ne foit pas bon de dire toujours ce qui eft vrai cependant il n'eft Jamais permis de bleffer la vérité. Ac

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coutumez-vous à ne jamais mentir nz de propos délibéré, ni par excuse, ni autrement, vous fouvenant que Dieu eft le Dieu de vérité. Si donc quelque menfon ge vous échappe par mégarde, & que vous puiffiez réparer votre faute fur le champ par quelque explication, ou d'une autre maniere, n'y manquez pas. Une excu fe véritable a bien plus de grace & de force pour fe juftifier, qu'un menfonge étudié.

Bien que l'on puiffe quelquefois dif crettement & prudemment déguifer & couvrir la vérité par quelque artifice de paroles l'on ne peut pourtant pratiquer cela, que dans les chofes importantes, quand la gloire & le fervice de Dieu le demandent manifeftement: Hors de-là. les artifices font dangereux; d'autant que comme dit P'Ecriture facrée, le Saint Efprit n'habite point en un efprit diffi mulé & double. Il n'y eut jamais de fineffe meilleure & plus fouhaitable que la fimplicité : La prudence mondaine avec tous ces artifices, eft le caractere des enfans du fiecle ; mais les enfans » de Dieu marchent fans détours, & ont le cœur fans aucuns replis; Qu marche fimplement, dit le Sage, marcheavec confiance. Le menfonge, la duplicité, la diffimulation, feront toujours les traits naturels d'un efprit bas & foible.

Saint Auguftin avoit dit au quatrieme Livre de fes Confeffions, que fon:

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