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que cette ouverture d'un cœur agité & échauffé le foulage auffi promptement,. que l'ouverture de la veine foulage un malade de la violence de fa fievre; & c'eft pour le cœur le meilleur de tous les remedes. Oui, dit le Roi S. Louis à fon fils, quand vous aurez quelque chofe fur le cœur, faites en auffi-tôt confidence à votre Confeffeur, ou à quelque bonne perfonne; car la confolation que vous en recevrez, vous aidera à porter doucement votre peine.

CHAPITRE XII.

De la Trifteffe.

LA tristesse, qui eft felon Dieu, dit S. Paul, opere la pénitence pour le falur, & la trifteffe du monde opere la mort. La trifteffe peut donc être bonne & mauvaife, felon les divers effets qu'elle ope-ré en nous: Mais elle y en opere plus de méchans que de bons; car il n'y en a que deux qui foient bons, à fçavoir la miféri corde & la pénitence; & il y en a fix fort méchans, à fçavoir, l'angoiffe, l'indigna-tion, la jaloufie, l'envie, l'impatience, & la mort; ce qui a fait dire au Sage que la trifteffe fait périr beaucoup de perJonnes, & ne porte aucune utilité. L'ennemi s'en fert pour tenter les

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bons, jufques dans leurs bonnes œuvres comme il tâche de porter les méchans à fe réjouir du mal qu'ils font. Et comme il ne peut procurer le mal, qu'en le. faifant trouver agréable, il ne peut auffi détourner du bien, qu'en le faifant paroître incommode. L'on peut dire même,. que tout livré qu'il eft, pour toute l'éternité à la trifteffe la plus défefpérée, il voudroit que tous les hommes fuffent trif tes comme lui.

La mauvaife trifteffe trouble l'ame,. l'inquiéte, infpire des craintes déréglées, dégoûte de l'Oraison, accable l'efprit d'un affoupiffement mortel, l'empêche de profiter des bons confeils, de juger fainement des chofes, de prendre aucune réfolution, ou d'avoir le courage & la force de rien exécuter. En un mot, elle fait fur les ames les mêmes impreffions, qu'un froid exceffif fait fur les corps, qui deviennent comme perclus & incapables

de tout mouvement.

Si jamais, Philothée, votre cœur eft atteint de cette mauvaise trifteffe, fervez-vous bien de ces regles: Quelqu'un de vous eft-il trifte, dit S. Jacques, qu'il prie. En effet, la Priere eft un fouverain remede, puifqu'elle éleve l'efprit à Dieu, qui eft notre joie & notre confolation. Mais employez dans votre Priere, ces paroles & ces affections. qui infpirent la confiance en Dieu &

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Ton amour: O Dieu de miféricorde : O Dieu infiniment bon! Mon Sauveur débonnaire ! O le Dieu de mon cœur, ma joie, mon espérance? O le cher Epoux de mon ame! O le bien-aimé de mon cœur. Combattez vivement ce que vous pouvez fentir d'inclination à la trifteffe, & bien qu'il vous femble que ce foit froi dement & lâchement, ne laiffez pas de le faire. Car l'ennemi qui prétend nous donner de l'indifférence & de la langueur pour les bonnes œuvres, ceffera de nousaffliger, d'autant plus qu'étant faites avec quelque répugnance, elles en valent mieux.

Soulagez vous par le chant de quelques Cantiques fpirituels: Ils ont fouvent fervi à rompre le cours des opérations du malin efprit; témoin Saül, que David par les doux accords de fa harpe, délivra plus d'une fois du Démon qui le poffédoit, ou qui l'obfédoit.

11 eft bon de s'occuper extérieurement & de diverfifier fes occupations, foit pour dérober l'ame aux objets qui l'attriftent foit pour purifier & échauffer le fang & les efprits, parce que la trifteffe eft une paffion d'une complexion froide & feche.

Faites de certaines actions de férveur bien que ce foit fans aucun goût, prenant entre vos bras votre crucifix, le ferrant fur votre poitrine, baifant les pieds & les mains du Sauveur, levant les

yeux & les mains au Ciel, élançant vo tre voix en Dieu par des paroles d'amour & de confiance, comme celles-ci: Mon bien-aimé eft à moi, & je fuis à lui. Mon. bien-aimé eft un bouquet de myrrhe fur mon coeur. Mes yeux s'épuisent à force de regarder d'où me viendra le fecours qui m'eft nécessaire, & de vous dire, Seigneur quand me confolerez-vous ? O. Jefus foyez-moi Jefus; vive Jefus, & mon ame vivra. Qui me féparera de l'amour de mon Dieu ?

L'ufage modéré de la difcipline eft bon contre la trifteffe, parce que cette peine extérieure impetre ordinairement la confolation extérieure & que l'ame fentant quelque douleur du dehors, eft moins attentive à celle du dedans : Mais la fréquente Communion eft excellente; car ce pain célefte fortifie le cœur, & réjouit l'efprit.

Découvrez à votre Directeur avec une humble fincérité votre trifteffe, & tout ce qui vous en revient de reffentimens & de mauvaises fuggeftions: Et cherchez le plus que vous pourrez les perfonnes fpirituelles. Enfin, réfignez-vous à la vo lonté de Dieu, vous préparant à fouffrir patiemment cette ennuyeufe trifteffe, comme une jufte punition de vos vaines joies; Et ne doutez pas que Dieu après avoir éprouvé votre cœur, ne vienne à fon fecours.

CHAPITRE XII I...

Des Confolations fpirituelles & fenfibles de l'ufage qu'il en faut faire.

Ieu ne fait fubfifter ce grand monde, que par de perpétuelles vi ciffitudes des jours & des nuits, des fai--fons qui fe fuccedent les unes aux autres & des différens temps, foit en pluie ou de féchereffe, foit d'un air doux & ferein, ou des vents & des orages, qui font que prefque jamais les jours ne fe ref femblent parfaitement. Admirable variété qui donne une grande beauté à tout: cet Univers! Il en eft de même de l'homme que les Anciens ont appellé un abrege du monde. Jamais il n'eft en un même état: Et sa vie s'écoule fur la terre comme les eaux d'un fleuve, dans une perpétuelle variété de mouvemens, qui l'élevent par de grandes efpérances, & puis qui l'abaiffent par la crainte, qui le pouf fent tantôt à droit par la confolation,.. & tantôt à gauche par l'affliction, deforte que jamais une feule de fes jour nées ni même une de fes heures, n'est entierement femblable à l'autre.

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C'est donc à nous de conferver parmi une fi grande inégalité d'évenemens & d'accidens, une continuelle & inalté ·R

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