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Terre les poules volent, mais pefamrarement, & fort bas : le vol des *. aigles, des colombes, & des hirondelles elt vif, & élevé, prefque continuel; Ainli les pécheurs ne font que des hommes de terre, & rampent toujours fur la terre les juftes qui font encore imparfaits, s'élevent vers le Ciel par leurs bonnes œuvres ; mais rarement avec lenteur & une espece de pefanteur d'ame; il n'y a que les ames folidement dévotes, qui femblables aux aigles & aux colombes, s'élevent en Dieu, d'une maniere vive, fublime, & prefque infatigable. En un mot, la dévotion n'eft autre chofe qu'une certaine agilité & vivacité fpirituelle, par laquelle ou la charité opere en nous, ou nous-mêmes nous faisons avec la charité tout le bien dont nous fommes capables. C'eft à la charité de nous faire obferver univerfellement tous les Commandemens de Dieu: Et c'est à la dévotion de nous les faire obferver avec toute la diligence & toute la faveur poffibles. Celui donc qui n'obferve pas tous les Commandemens de Dieu, n'eft ni jufte ni dévot ; Car pour être jufte, il faut avoir la charité & pour être dévot, il faut avoir avec la charité une attention vive & prompte à faire tout le bien que l'on peut.

Et parce que la dévotion confifte effentiellement dans une excellente chari

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non feulement elle nous rend prompts, actifs, & diligens dans l'ob fervation de tous les Commandemens de Dieu; mais encore dans les bonnes œuvres, qui n'étant point commandées, ne font que de confeil ou d'une infpiration particuliere. Un homme qui ne fait que de relever d'une grande maladie, marche fort lentement, & feulement par néceffité De même un pécheur nouvellement converti ne marche dans la voie du falut, qu'avec une mauvaise lenteur & pefenteur d'ame, & par la feule néceffité qu'il y a d'obéir aux Commandemens de Dieu, jufqu'à ce qu'il ait bien pris l'efprit de piété. Alors comme un homme fain & robuste, non-feulement il marche dans la voie des Commandemens de Dieu, mais il court avec joie : Et même il entre avec un grand courage dans les chemins qui paroiffent impraticables aux autres hommes, & où la voix de Dieu l'appelle, foit par les confeils, foit par les infpirations de fa grace. Enfin la charité & la dévotion ne font pas plus différentes l'une de l'autre, que le feu l'eft de la flamme; puifque la charité qui eft le feu fpirituel de l'ame, etant fort enfammée, s'appelle dévotion. De forte que la dévotion n'ajoûte rien, pour ainfi parler, au feu de la charité, finon la Hamme qui rend la charité prompte, active, & diligente dans l'ob

fervation des Commandemens de Dieu, & dans la pratique des confeils & desnfpirations céleftes.

CHAPITRE II.

Des propriétés de l'excellence de la Dévotion.

Eux qui décourageoient les Ifraë lites d'entreprendre la conquête de la Terre de Promiffion, leur difoient que cette Terre confumoit fes habitans, c'eft-à-dire, que l'air y étoit fi méchant, que l'on ne pouvoit y vivre long-temps; & que les naturels du pays étoient des hommes monftrueux, qui dévoroient des autres hommes comme des fauterelles. C'eft de cette forte, Philothée, que le monde décrie tous les jours la fainte Dévotion, en publiant qu'elle rend l'efprit mélancolique, & l'humeur infupportable; & que pour en juger il n'y a qu'à voir l'air fâcheux, fombre & cha grin des perfonnes dévotes: Mais comme Jofué & Caleb qui étoient allés reconnoîrre la Terre promife, publioient par-tout que fa fertilité & fa beauté en rendoient le fejour heureux & délicieux de même tous les Saints animés du SaintEfprit & de la parole de JESUS CHRIST nous affurent que la vie dévote eft dou ce, aimable & heureuse.

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Le monde voit que les perfonnes déVotes jeûnent, prient, fouffrent avec patience les injures qu'on leur fait, fervent les malades donnent l'aumône, veillent, répriment leur colere, font violence à leurs paffions, fe privent des plaifirs fenfuels, & font beaucoup d'autres chofes qui font naturellement fort pénibles Mais le monde ne voit pas la dévotion du cœur, laquelle rend toutes ces actions agréables, douces & faciles! Confidérez les abeilles fur le thym, elles y trouvent un fuc fort amer; & en le fuçant même, elles le changent en miel; nous le confeffons donc ames mondaines > les perfonnes dévotes trouvent d'abord beaucoup d'amertume dans l'exercice de la mortification; mais bien-tôt elles la fentent toute changée par l'ufage en une charmante fuavité. Les Martyrs au milieu des feux, & fur les roues, ont cru être couchés fur les fleurs, & parfumés des odeurs les plus délicieufes, & fi l'efprit de piété at pû ainfi par fa douceur charmer les tourmens les plus cruels, & la mort même, que ne fait-il pas dans les exercices les plus laborieux de la vertu ? Ne peut-on point dire qu'il leur eit ce que le fucre elt aux fruits, dont il tempere la crudité lorfqu'ils ne font pas meurs; ou dont il corrige ce qui leur refte de malignité paturelle, quoiqu'ils foient en leur ma

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turité Il eft vrai, la dévotion affaifonne toutes choles avec beaucoup d'agré ment: Elle adoucit l'amertume des mortifications, & elle corrige la malignitédes confolations humaines: Elle foulage le chagrin du pauvre, & elle réprime l'empreffement du riche: Elle confole un efprit défolé dans l'oppreffion, & elle huinilie l'orgueil de la profpérité & de la faveur Elle charme l'ennui de la folitude, & elle donne du recueil lement à ceux qui font dans le commerce du monde: Elle eft à nos ames, tantôt ce que le feu eft en hyver, & tantôt ce que la rofée eft en Eté Elle fçait porter l'abondance, & fouffrir la pauvreté : Elle rend également utile l'honneur & le mépris Elle reçoit avec une même difpofition le plaifir & la douleur ; & elle nous remplit d'une admirable fuavité.

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Contemplez l'échelle de Jacob, car c'eft une fidele peinture de la vie dévote. Les deux côtés de cette échelle nous repréfentent l'Oraifon qui demande l'amour de Dieu, & l'ufage des Sacremens, qui nous le donne. Les échelons font les divers degrés de charité, par lefquels l'on va de vertu en vertu, foit en s'abaiffant jufqu'à fervir le prochain, & fouffrir fes foibleffes; foit en s'élevant par la contemplation jufqu'à l'u nion amoureufe de Dieu. Or confidérez, le vous prie, comme ces bienheureux

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