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CHAPITRE VI I.

De la Conclufion, & du Bouquet fpirituel.

En l'on doit terminer la Méditation

par trois Actes qui demandent beaucoup d'humilité. Le premier eft de remercier Dieu de la reconnoiffance qu'il nous a donnée de fa miféricorde, ou d'une autre de ces perfections, & de toutes les faintes affections & refolutions que fa grace a opérées en nous.

Le second est d'offrir à fa Divine Majefté toute la gloire qui peut lui revenir de fa miféricorde, ou d'une autre de fes perfections, lui préfentant encore toutes nos affections & réfolutions en union des vertus de Jefus-Chrift fon Fils & des mérites de fa mort.

Le troifieme doit être une humble priere, par laquelle nous demandons à Dieu la grace de participer aux mé rites de fon Fils, l'efprit de ses vertus & principalement la fidélité à nos réfolutions dont nous devons reconnoître que l'exécution dépend de fa fainte béné diction. Priez en même-temps pour l'Eglife

, pour vos Pasteurs, vos parens, amis, & autres perfonnes, par l'interceffion de Notre-Dame, des Anges & des Saints; & finiffez par dire le Pater & l'Ave, qui font

les prieres communes & nécessaires à tous les Fideles.

Au tefte, vous fçavez ce que je vous ai dit du Bouquet fpirituel de la Méditation, & voici encore une fois ce que j'en penfe. Ceux qui fe font promenés le matin dans un beau Jardin, n'en fortent pas bien fa tisfaits, s'ils n'en prennent quelques Acurs pour avoir le plaifir de les fentir le refte du four: C'est ainsi qu'il faut recueillir le fruit de votre Méditation, en vous formant une idée de deux ou trois chofes qui vous auront plus frapé l'efprit & plus touché le cœur, pour les repaffer de temps en temps dans le cours de la journée, & pour vous foutenir dans vos bons propos. C'est ce que l'on fait au lieu même où l'on a médité, en fe promenant un peu de temps, ou autrement avec une douce attention.

CHAPITRE VII I. Avis très utiles fur la pratique de la Méditation.

IL faut, Philothée, que durant le jour

vous teniez vos bonnes réfolutions fi préfentes à votre efprit & à votre cœur, que vous ne manquiez pas de les pratiquer dans l'occafion; Car c'eft-là le fruit de l'Oraifon mentale, & fans cela nonfeulement elle ne fert de rien, mais fou

vent elle nuit beaucoup. Il est vrai, la fréquente Méditation des vertus fans la pratique nous enfle l'efprit & le cœur, & nous fait croire infenfiblement que nous fommes tels que nous avons réfolu d'être Certainement cela feroit ainfi, fi nos réfolutions avoient de la force & de la folidité; mais parce qu'elles en manquent, elles font toujours vaines; & parce qu'elles font fans effet, elles font toujours dangereufes. Il faut donc tâcher par toutes fortes de moyens de les mettre en pratique ; l'on doit même en chercher les occasions & les petites auffi-bien que les grandes: Par exemple, fi j'ai réfolu de gagner par douceur l'efprit des perfonnes qui m'offenfent, je les chercherai ce jour-là pour les faluer d'un certain air d'estime & d'amitié; & fi je ne puis pas les rencontrer, du moins j'en parlerai avantageufement, & je prierai Dieu pour elles.

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Mais en fortant de l'Oraison, prenez garde de ne donner à votre cœur cune agitation violente; car en s'épanchant dans ce mouvement, il perdroit ce baume célefte, qu'il a reçu dans la Méditation Je veux dire qu'il faut un peu demeurer dans le filence, fi vous le pouvez, & retenant l'idée & le goût de vos bonnes affections, faire paffer doucement votre cœur de l'Oraifon aux affaires. Imaginez-vous un homme qui

a

reçu dans un beau vafe de porcelaine quelque liqueur de grand prix pour l'emporter chez lui: Voyez-le marcher pas à pas fans regarder derriere foi, ni à cô té, mais toujours devant foi, de peur de faire un faux pas, ou de heurter quel que pierre & s'il s'arrête même quelquefois, c'eft pour voir fi le mouvement de ce vafe ne lui fait rien perdre de fa précieufe liqueur. Conduifez-vous de la forte après votre Méditation: Ne vous laiffez pas diftraire & diffiper tout-d'uncoup: mais regardez avec une simple & tranquille attention, le chemin que vous avez à tenir : S'il fe préfente une perfonne à qui vous deviez parler, c'eft une néceffité, il faut s'y accommoder; mais ayez de l'attention fur votre cœur, de peur qu'il ne perde la précieufe fuavité dont le Saint-Efprit l'arempli dans l'oraison.

Il faut même vous accoutumer à paffer de l'Oraifon à toutes les actions que votre profeffion exige de vous, bien qu'elles vous paroiffent fort éloignées des fentimens & des réfolutions de votre Méditation. Ainfi un Avocat doit fçavoir paffer de la Méditation au Barreau; un Marchand, au Trafic; une Femme, au foin de fon Domestique, avec tant de douceur & de tranquillité, que l'efprit n'en fouffre aucun trouble Car puifque l'un & l'autre font également de la volonté de Dieu, il faut paffer de l'un à l'autre, avec une entiere

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égalité de dévotion, & de foumiffion à la volonté de Dieu.

Il arrivera quelquefois, qu'après avoir fait la préparation de votre Méditation, Votre ame fentira une douce émotion, qui la transportera tout-d'un-coup en Dieu: Alors, Philothée, laiffez toute cette mé.. thode que je vous ai donnée: Car bien que l'exercice de l'entendement doive précéder celui de la volonté, cependant fi le Saint Efprit opere en vous par fes impreffions fur votre volonté ces faintes affections, que les confidérations de la Méditation y doivent exciter, n'allez plus chercher dans votre efprit ce que vous avez déjà dans le cœur. Enfin c'est une regle générale, qu'il faut toujours ouvrir le cœur aux affections qui y naiffent bien loin de les imprimer, ou de les y retenir captives, en quelque temps que ce foit, foit avant les confidérations, foit après. Vous devez encore fuivre cette regle pour tous les Actes de Religion qui entrent dans la Méditation, comme l'action de graces, l'oblation de foi-même, & la priere; pourvû que vous leur conferviez toujours leur place naturelle dans la conclufion de la Méditation. A l'égard des réfolutions qui font les déterminations des affections, l'ordre naturel eft de ne les faire qu'enfuite des affections, & furla fin de la Méditation, parce qu'ayant à nous y représenter plufieurs objets par

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