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France était de protéger l'indépendance de la république par des mesures fermes et vigou- AN 6. reuses. Elle laissa échapper l'occasion d'attacher à jamais les provinces unies à ses intérêts par le double lien de la reconnaissance et du besoin. L'Angleterre profitą de cette faute pour conclure avec les états généraux son nouveau traité de commerce, dont les dispositions la rendaient maitresse de tous les ports de la domination batave sur l'Océan. Get état eût été entiérement soumis au pouvoir stadhoudérien, sans l'imprudence du Stadhouder lui-même, qui se jeta dans la coalition, contre les intérêts des états généraux.

Les victoires des armées françaises ont rompu les nœuds qui unissaient la Hollande à l'Angleterre. La république batave aura désormais des intérêts communs avec l'Empire français. Si l'imprudente adhésion du Stadhou der à la ligue des rois, livra le territoire batave à l'effort des armes françaises; si sa révolution intérieure fut achetée par les plus fâcheux sacrifices, la France seule peut rendre aux Hollandais une partie des avantages que la guerre leur a enlevés ; et la même main, en assurant leur indépendance, peut seule arrêter l'Angleterre dans ses usurpations.

Les mêmes événemens qui avaient conduit les Français victorieux dans Amsterdam, les ont rendus arbitres de la liberté helvétique. Les

bons Suisses ont vu fondre sur eux des mal1797. heurs que la majorité d'entreux n'avaient pas provoqués. Le gouvernement français doit ménager dans ces montagnes des hommes aigris par le malheur, ulcérés par la persécution, s'il veut les rassurer par la justice de ses principes; il ne rencontrera dans sa marche que des obstacles à vaincre, que des fautes à réparer; mais en profitant des vexations que les Russes et les Autrichiens y ont commises, et qui sont peut-être parvenues à effacer celles des agens français, les nœuds qui attachaient l'Helvétie à la France, se renoueront plus fortement que jamais. Laissons à l'Helvétie le soin de régler ses destins, sans exercer sur elle une influence incommode. Qu'elle soit libre à sa manière, et, sous prétexte d'établir chez les Suisses des principes régénérateurs, ne cherchons pas inutilement à les courber à notre joug.

CHAPITRE IX.

De l'Espagne et du Portugal.

J'AI parlé de la situation politique et relative

ΑΙ

de l'Espagne dans plusieurs endroits de cet ouvrage. Je ne répéterai pas ce qu'on a dit mille fois de la dépopulation de ce beau pays,

de la paresse et de l'ignorance de ses habitans, et de sa nullité politique.

Le règne de Charles III a prouvé qu'avec une bonne administration, l'Espagne pouvait parvenir rapidement à une grande prospérité. Ce prince enleva Minorque aux Anglais, se fit céder la Louisiane par la France, et dégagea le commerce d'Amérique d'une multitude d'entraves, ouvrit de nouvelles routes à celui de l'Inde, et créa en faveur des Espagnols celui du Levant qu'ils négligeaient. Les Anglais et les Français virent d'un œil jaloux les vaisseaux espagnols voguer sur les mers de la Grèce. Mais déprisant l'industrie castillane, ils ignoraient peut-être combien il leur imporles Ottomans ne s'accoutumassent pas aux superbes draps d'Espagne. La cherté de ces draps s'oppose, il est vrai, à ce qu'il en soit fait un grand débit dans le port de Constantinople. Cependant, si les Espagnols parviennent à fabriquer des qualités inférieures et d'un usage plus général, ils porteront un coup funeste au commerce de France et d'Angleterre.

tait

que

Charles IV, réuni aux coalisés, avait vu ses flottes dans Toulon, et ses armées aux portes de Perpignan. Non-seulement il a fait la paix avec la France; mais il s'est allié avec elle, poussé à cette mesure autant par les procédés insultans des Anglais, que par l'embarras de ses finances. La conquête du Portugal aurait

AN 6.

pu devenir la suite de cette alliance, si, dans 1797. l'état de fermentation ou se trouve l'Espagne, la cour n'eût craint que le mélange des soldats français avec les soldats espagnols ne produisît urie explosion capable de renverser le gouver

nement.

La nature a destiné le Portugal à devenir province de l'Espagne.Louis XIV,dans un tems où la France était perpétuellement en guerre avec la branche de la maison d'Autriche qui régnait en Espagne, plaça, en 1640, le duc de Bragance sur le trône de Lisbonne ; il força la cour de Madrid à reconnaître ce monarque. Alors le Portugal était étroitement attaché à la France.

Mais, lorsqu'un petit - fils du monarque français monta sur le trône d'Espagne, le Portugal vit dans les cours de Madrid et de Paris des ennemis redoutables. Ce gouvernement se lia avec les cours de Londres et de Vienne aussi étroitement qu'il avait été lié avec la France. La cour de Londres profita des terreurs des Portugais, pour conclure avec eux trois traités de commerce; ils rendirent le Portugal dépendant de l'Angleterre.

Tous les établissemens de commerce de quelque importance sont dirigés à Lisbonne par des Anglais. Les mines du Brésil sont devenues le domaine de l'industrie anglaise. Le marquis de Pombal avait tenté vainement

de soustraire le commerce de sa patrie à la domination britannique. Il ne parvint qu'à ob- An 6. tenir de la cour de Londres quelques adoucissemens au style impérieux dans lequel cette cour dictait des lois aux Portugais. La dernière guerre contre l'Espagne fit encore mieux sentir aux Portugais le besoin qu'ils avaient des Anglais. Les liens qui attachaient Lisbonne à Londres, se resserrèrent et se resserrent tous les jours.

D'ailleurs, le Portugal ne fournit au commerce extérieur qu'un petit nombre d'objets d'échange, précisément ceux dont les Anglais ont le plus de besoin. Ce sont des vins, des sels, des fruits. La consommation qu'en font les Anglais, balance en partie le prix des objets que le Portugal tire d'Angleterre.

La France pourrait exporter en Portugal les mêmes objets d'échange; mais comme elle surabonde en vins, en sels et même en fruits, presque les seules marchandises que les Portugais peuvent exporter, il s'ensuivrait que la balance du commerce pencherait si fort en faveur de la France, qu'en moins de vingt ans elle absorberait tout l'or du Portugal et du Brésil. Ces considérations, jointes à quelques autres qui tiennent à la position, topographique du Portugal, prouvent de quelle importance il serait pour la France de rendre à l'Espagne un pays sans la possession duquel elle ne par

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