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Qui ne connaît la conduite de l'envoyé bri1795. tannique Fitz-Gerard, employant son influence auprès des cantons aristocratiques, pour les engager dans la première coalition ? Il leur disait, qu'être neutres avec les usurpateurs de la France, c'était reconnaître leur autorité, et presque insulter à l'Europe.

C'est par ce langage audacieux, c'est par des manœuvres plus ténébreuses et plus perfides, c'est par des suggestions pratiques couronnées du succès auprès du sénat de Berne, que le ministère anglais est parvenu à pousser vers des partis extrêmes des hommes qui n'y étaient que trop disposés ; et l'on ne saurait disconvenir que, si le gouvernement de France avait borné ses actes hostiles contre le seul sénat de Berne, il n'eût fait que punir la défection d'un corps dont les dispositions et la conduite le forçaient à se défier.

Le gouvernement tracassier d'Angleterre avait mis en œuvre tous les genres de séductions et d'intrigues pour forcer les Suisses à rompre la neutralité. Il n'en était pas venu à bout; mais ces manœuvres produisirent des dissentions intérieures, elles augmentèrent un ferment de haines que de fâcheux rapprochemens alimentaient. Les habitans de Palinza, de Riviera, de Bellinzona, de Lugano, de Locarno, de Mendris, de Val-Maggio, de Chiavenna, de la Valteline et de Bormio, qui

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avaient appartenu autrefois à la Lombardie,

paraissaient desirer de se réunir à la république AN 6. cisalpine.

CHAPITRE XX V.

Les habitans du pays de Vaud veulent s'ériger en canton indépendant des sénats de Berne et de Fribourg

Le pays de Vaud, situé entre le mont Jura,

le lac de Neuchâtel et celui de Genêve, se plaignait des vexations éprouvées de la part des gouvernemens de Berne et de Fribourg. Ce canton, le seul de l'Helvétie où le peuple parle français, après avoir fait long-tems partie de la Bourgogne trans-jurane, avait passé aux ducs de Zeringen, et ensuite aux ducs de Savoie. Ils le faisaient gouverner par un grand bailli avec lequel les Etats du pays partageaient l'administration, sur-tout le droit de régler les impôts et de les répartir entre les contribuables. Les ducs de Savoie ayant voulu inquiéter les Genevois au sujet de la religion, ils eurent recours aux cantons de Berne et de Fribourg, qui s'emparèrent du pays de Vaud en 1536 et en 1564. La ville de Lausanne appartenait à son évêque. Ils l'en

1798.

chassèrent, et établirent à la place du culte catholique, la religion protestante. La cour de Chambery fut obligée d'abandonner cette conquête aux Suisses, sous la condition expresse que le pays conserverait son ancienne constitution. La cour de France se rendit garante de ce traité.

Les habitans du pays de Vaud avaient vainement sollicité le droit de se gouverner par eux-mêmes, et de former un quatorzième canton helvétique. Les sénats de Fribourg et de Berne, les considérant comme des sujets qui leur appartenaient par le droit des armes, traitaient d'attentat contre l'autorité légitime ces réclamations d'un peuple qui prétendait s'être donné et n'avoir pas été conquis. La révolution française donnait une autre physionomie à ces prétentions réciproques. Les Bernois et les Fribourgeois continuaient à maintenir leur suprématie par la force des armes, lorsque, dans les premiers jours de l'an six le pays de Vaud eut recours à la république française, comme subrogée aux droits civils du duc de Savoie, depuis la réunion de cette province à la France du consentement de la cour de Turin.

A peine le bruit s'était répandu en Suisse que les bailliages du pays de Vaud demandaient au gouvernement de France les secours dont ils avaient besoin pour s'ériger en can

ton indépendant des sénats de Fribourg et de Berne, que, pour effrayer quelques habitans AN 6. de la contrée sur les suites de cette démarche, des émissaires insinuaient dans les villes et dans les campagnes que le sort de Genêve était destiné aux habitans de Moudon, de Lausanne, de Morat; que ces pays seraient détachés de l'Helvétie pour être incorporés à la France. Le gouvernement français fit démentir ces bruits par une proclamation.

Cependant, en conséquence des réclama tions adressées, par le pays de Vaud, au gouvernement français, le ministre de la république près les louables cantons helyétiques, avait reçu ordre de notifier aux sénats de Berne et de Fribourg, que les membres de ces régences répondraient personnellement de la sureté individuelle et des propriétés des habitans du pays de Vaud qui s'étaient adressés ou qui pourraient s'adresser dans la suite à la république française, pour obtenir, par sa médiation, le redressement des griefs qu'ils alléguaient.

Cette détermination était instante. Déjà le sénat de Berne avait ordonné des levées considérables de milice ; il enrôlait des émigrés, des réquisitionnaires, des déserteurs français, non-seulement pour comprimer par la force l'énergie des habitans du pays de Vaud, mais pour marcher contre les troupes françaises

VIII.

19

rassemblées dans quelques districts du Mont

1798. Terrible.

CHAPITRE XXV I.

Une armée française pénétre en Suisse.
Prise de Berne.

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UNE
NE division de l'armée d'Italie rentrait en
France par Carrouge, elle eut ordre de se
porter dans les départemens de l'Ain, du Jura
et du Doubs, pour observer les mouvemens
des troupes bernoises et fribourgeoises. Le
commandant de Carrouge fut prévenu, le 28
nivose, qu'une armée assez nombreuse, munie
d'un train d'artillerie, était partie de Berne,
et se dirigeait sur Lausanne. Ces troupes étaient
commandées par le colonel de Weiss, connu
par ses lumières, ses sentimens philosophi-
ques,
et qui, durant la guerre de 1793, avait
éloigné des montagnes de l'Helvétie, le fléau
de la guerre. Le colonel de Weiss avait établi
son quartier-général à Yverdun.

D'après les ordres du gouvernement fran-` çais, le général Ménard charge un de ses aides-de-camp de sommer le général de Weiss dans Yverdun, de laisser aux habitans de tous les bailliages du pays de Vaud, la liberté d'or

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