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fortune publique avec un cynisme inconce1798. vable, qu'un talisman dont ils se servaient

pour repousser toutes les attaques. Le corps législatif fut publiquement accusé, après la révolution du trente prairial an 7, par l'exdirecteur Merlin, d'avoir voulu proroger jusqu'à sept ans (1) les pouvoirs de ses membres, et jusqu'à dix ceux des hommes qui compo

le

(1) On sait qu'après le 18 fructidor, il se forma dans corps législatif uu parti très-puissant pour proroger jusqu'à sept ans le pouvoir de ses membres actuels, et jusqu'à dix ceux des hommes qui composaient le directoire. Si mes ex-collègues et moi avions eu l'ambition qu'on nous impute aujourd'hui, l'occasion était belle, et nous n'avions pas besoin de grands efforts pour la satisfaire, il ne s'agissait que de ne pas nous y refuser.

Cependant nous annonçâmes, chacun en particulier, à tous ceux qui nous en firent la proposition, que jamais nous ne nous prêterions à cet attentat contre la souveraineté du peuple. On insista, nous fûmes inébranlables. Enfin la réunion du pavillon de Flore ( c'est ainsi qu'on appelait le nombreux congrès des amis de la prorogation) prit le parti de nous députer ceux des membres qui avaient le plus approfondi et médité ce projet; et le représentant du peuple Regnier, qui les avait constamment combattus, fut chargé de les accompagner comme témoin.

Une longue conférence s'établit entre la députation et le directoire; la députation s'épuisa en discours et en raisonnemens pour prouver au directoire qu'il avait le plus grand tort de ne pas donner les mains à un arrangement qui lui était à lui-même si avantageux. Le direo

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saient le directoire. Cette inculpation de la nature la plus grave fut insérée dans une Ax 6.

lettre imprimée, adressée par Merlin au conseil des cinq cents lui-même. On n'y fit aucune réponse.

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Les deux conseils ayant montré une entière soumission aux volontés du directoire exécutif, en n'admettant dans leur sein, malgré le vœu du peuple, que ceux des nouveaux députés qui lui étaient agréables, se donnèrent bientôt à eux-mêmes le prix de leur lâche condescendance. C'était le temps où la dissipation des deniers publics était devenue si générale, qu'on eût dit qu'il existait un projet formé de dissoudre le corps social par l'anéantissement absolu des finances. Les deux. conseils, bravant l'opinion publique, la voix de l'honneur, et même celle de leur intérêt bien entendu, ne craignirent pas d'augmenter de plus d'un tiers le traitement que la constitution leur accordait. Cette loi, proposée au conseil des cinq cents, fut adoptée le même jour au conseil des anciens, qui donnèrent, dans cette occasion, la mesure de leur patriotisme.

Dans toute autre circonstance, l'entreprise

toire persista, et finit par déclarer que,

si une loi venait

à adopter cet arrangement, il en appelerait au peuple, et ne la ferait ni sceller ni publier. (Ph. Ant. Merlin, membre de l'institut national, au conseil des Cinq-cents).

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du corps législatif qui faisait envisager comme 1798. insuffisante l'indemnité dont s'étaient contentés

les constituans et les conventionnels, couverte du mépris public, n'eût été regardée que comme un de ces traits d'avarice, sur lesquels la prudence ferme les yeux; mais cette entreprise empruntait, de l'instant dans lequel elle était exécutée un caractère particulier de dérision amère, dont chacun paraissait profondément blessé.

Les impôts, multipliés à l'excès, écrasaient l'agriculture et l'industrie; cependant les rentiers et les fonctionnaires publics n'étaient pas payés; on ne venait que difficilement à bout de pourvoir à la solde des défenseurs de la patrie; ils manquaient souvent d'habits, et quelquefois de nourriture. Les magasins de la république étaient vides, ses arsenaux dégarnis. La misère montrait sa face hideuse dans les villes et dans les campagnes; au milieu des efforts immenses que faisaient toutes les classes de citoyens pour assurer le triomphe de la république, les représentans du peuple, témoins de la détresse du trésor national et de la désolation générale, augmentant leur traitement, lorsque chacun se privait exactement du nécessaire pour subvenir aux besoins de l'Etat, annonçaient sans ménagement, qu'étrangers au bien public, leur avantage particulier était le seul objet de leur sollicitude.

Dès ce moment, ils avaient perdu sans retour la confiance de leurs concitoyens on AN 6. voyait en eux des hommes avilis, vendus à ceux qui les paieraient le plus chérement, conduits par le seul desir des richesses. Chacun appelait par ses vœux une nouvelle révolution, dont les effets missent un terme au systême de pillage auquel la France était abandonnée.

CHAPITRE II.

Expédition maritime.

J'ai déjà observé combien les expéditions en

Italie et en Suisse contrastaient d'une manière frappante avec les assurances données perpétuellement dans Rastadt par les plénipotentiaires français Jean Debry, Roberjot et Bonnier, que la nation française, respectant les droits et les usages de chaque peuple, desirait une paix dont les clauses assurassent le bonheur de toute l'Europe. Les négociations languissaient. Bientôt un armement d'une formidable importance, donnant une nouvelle direction à la politique européenne, opéra la dissolution du congrès après dix-huit mois d'une vaine représentation.

Les préparatifs militaires continuaient en 1798. France avec la même ardeur sur les côtes de

l'Océan et de la Méditerranée. Bonaparte, chargé d'une mission secrète, était parti de Paris vers les premiers jours de mai. Les uns le croyaient destiné à rendre quelque activité au congrès de Rastadt, et à terminer enfin une paix si évidemment attendue et si vainement desirée ; d'autres assuraient que marchant sur les traces de Guillaume le conquérant, allait tenter d'envahir la Grande-Bretagne. Les papiers publics faisaient valoir plusieurs circonstances morales dont le concours (1) favo

(1) Lettre de Thomas Payne, sur l'invasion.

il

L'extrait suivant d'une lettre curieuse, qui a été publiée dans la Gazette de Philadelphie, le 6 mars dernier, annonce que, sous le directoire exécutif, on avait formé le plan d'une descente en Angleterre.

« Le plan originairement conçu était de construire mille chaloupes, de soixante pieds de long, sur seize de large, tirant deux pieds d'eau, et chacune devant porter un canon de 24 ou de 56, et une pièce de campagne. Chaque chaloupe devait porter cent hommes, faisant en tout cent mille, et devait être manœuvrée par vingt ou vingt-cinq rames de chaque côté. Bonaparte était nommé pour commander l'expédition; et d'après une convention entre lui et moi, je devais l'accompagner, attendu que le but de l'expédition était de fournir au peuple anglais l'occasion de se choisir un gouvernement, et par-là d'amener la paix.

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» Comme l'expédition pouvait avoir lieu à volonté, soit

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