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tout, le véritable objet d'une expédition qu'on 1798. supposait devoir coïncider avec les préparatifs d'une descente projetée sur les côtes de la Grande-Bretagne.

Dans cette supposition, l'armée navale aurait fait voile vers l'Espagne. Les troupes de débarquement ayant pris terre à Carthagène ou à Malaga, pouvaient traverser les plaines délicieuses de l'Andalousie, et ayant passé la Guadiana entre Mertola et Moura, elles pénétraient dans le cœur du Portugal, par la province d'Alentejo. Les Anglais étaient entiérement les arbitres du commerce portugais. Les mines du Brésil pouvaient être considérées comme le domaine de l'industrie anglaise. II était probable que la cour de Londres, redoutant cette diversion, multiplierait ses efforts pour en rendre le succès plus difficile. Il devait en résulter que, d'un côté, les côtes de la Grande-Bretagne, privées de défense, pouvaient être plus aisément attaquées; et de l'autre, que l'amiral Gervis, qui, avec une des plus redoutables armées navales qui fût sortie de la Manche, bloquait presque toutes les forces espagnoles dans le port de Cadix, forcé d'abandonner sa croisière pour porter du secours à Lisbonne, laisserait aux escadres castillanes la liberté de se réunir aux escadres françaises.

Pour arrêter cette combinaison, le contre

amiral. Nelson s'était détaché de la flotte de Gervis pour entrer dans le détroit de Gibraltar. AN 6. Dans le même tems, plusieurs escadres anglaises menaçaient les côtes de France depuis l'embouchure de l'Escaut jusqu'aux îles d'Ouessant. Une flotte nombreuse, paraissant devant Ostende le 30 floréal, mit à terre environ quatorze mille hommes, qui détruisirent une partie des écluses du Sas de Stikens; mais, attaqués bientôt par une colonne républicaine, ils se hâtèrent de se rembarquer, après avoir perdu deux mille hommes tués et faits prisonniers.

Dès que les Anglais furent instruits que la conquête de l'Egypte était l'objet de l'expédition de Bonaparte, ils n'eurent garde de troubler sa navigation.

Depuis 1793, la cour de Pétersbourg promettait à la coalition d'envoyer une armée de cent mille hommes sur les frontières de France. Le czar Paul I." était abandonné, moins par goût que par faiblesse, aux plans d'un ministère composé des créatures de l'Angleterre, qui lui représentaient la république française comme un monstre prêt à dévorer tous les rois; mais il ne pouvait éloigner de ses Etats des forces considérables, sans s'exposer à être attaqué à l'improviste par les Ottomans, qui avaient à venger les plus sanglantes injures. L'expédition des Français annullait cette inVIII.

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quiétude. Il devait infailliblement arriver que 1798. l'empire ottoman, attaqué par une nation à laquelle le divan n'avait jamais donné aucun sujet de plainte, contracterait une alliance offensive et défensive avec les Anglais, les Autrichiens et les Russes, ce qui forcerait la cour de Pétersbourg de fournir à l'empereur les secours qu'elle promettait toujours, et qu'elle n'envoyait jamais, quoiqu'elle eût donné un asyle dans la Courlande au prince qui prenait le titre de roi de France et à sa petite

cour.

Nelson avançait donc lentement. Cette lenteur donna le tems à l'expéditif Bonaparte d'enlever l'île de Malte; événement auquel sans doute les Anglais ne s'attendaient pas. L'escadre britannique, battue par un coup de vent, était entrée dans les ports de la Sicile, où lui furent prodigués tous les secours dont elle avait besoin. Nelson fut alors instruit de la prise de Malte. Il ne tenait qu'à lui d'attaquer la flotte française, lorsqu'elle paraîtrait sous voiles. Feignant d'avoir cette intention, il prend en Sicile des pilotes côtiers, se présente entre Sylla et Carybde, franchit le détroit de Messine; ce qu'avant lui aucune escadre, où se trouvaient des vaisseaux du premier rang, n'avait osé faire.

Mais lorsqu'il fut parvenu au cap de Sparvimento, au lieu de naviguer au sud pour

rencontrer la flotte française qui tenait, dit

on, quinze lieues en mer, il porta sur l'ile de AN 6. Candie, et arriva à la vue d'Alexandrie avant

les Français.

Il s'éloigne aussitôt pour ne pas troubler un débarquement qu'il lui était si intéressant de laisser exécuter. On a vu précédemment que les deux vaisseaux de construction vénitienne, le Causse et le Dubois, étaient entrés dans le vieux port d'Alexandrie, ce qui réduisait l'escadre à treize vaisseaux.

CHAPITRE IX.

Combat naval d'Aboukir.

NELSON

ELSON se présente de nouveau sur les côtes d'Egypte le 13 (1) thermidor. L'amiral Brueix avait embossé ses treize vaisseaux sur

(1) Détail du combat d'Aboukir; publié par Achard, lieutenant de vaisseau.

La vérité est une; un républicain ne peut ni ne doit la taire. Je la dirai, malgré l'intérêt qu'auraient certains hommes d'envelopper d'un voile épais le combat d'Aboukir, dont les résultats désastreux sont l'ouvrage de la lâcheté, de l'impéritie, ou de la trahison des chefs.

La flotte française, aux ordres des amiraux Brueix, Blanquet du Chaila, Villeneuve et de Crots, partit de

une ligne, à deux tiers de cable les uns des 1798. autres. Il couvrait l'embouchure du Nil auprès

que

Toulon le 30 floréal, et arriva le 13 thermidor devant Alexandrie. Sur l'avis qui fut donné l'escadre anglaise s'y était présentée deux jours auparavant, et qu'on avait insinué aux Turcs que les Français venaient dans l'intention de s'emparer de l'Egypte, l'amiral Brueix fit signal de se préparer au combat, et faisant embossure N. E. et S. O; première sottise, puisque la flotte française qui, d'après l'apparition des anglais, devait rester à la voile, mouilla sans ordre, contre toutes les règles de la tactique, de la prudence, en pleine mer, sur des rochers inconnus, aux risques de perdre ancres et cables.

Cependant la descente s'effectua, sans obstacles, à l'ouest d'Alexandrie, le 14 thermidor. Le 15, tous les bâtimens du convoi entrèrent dans le vieux port. Bonaparte témoigna à Brueix son desir que toute l'escadre y entrât. Ce dernier, qui cherchait l'occasion de se soustraire aux ordres de Bonaparte, ne voulant pas néanmoins heurter son opinion, fit mesurer l'entrée du port, et en fit sonder la profondeur. Ceux qui furent chargés de cette opération, rapportèrent que la passe du port, dans sa partie la plus étroite, était d'un demi-cable; qu'il y avait cinq brasses et demie d'eau de profondeur, et que le vaisseau l'Orient pouvait être mis à vingt-trois pieds de son tirant d'eau. Sur ce rapport, l'amiral convoqua les officiers commandans, pour décider s'il y avait possibilité de faire entrer l'escadre dans le vieux port. Comme le chef avait insinué la négative, elle prévalut. Les généraux, en provoquant cette décision, promettaient un grade supérieur à celui qui se chargerait de conduire l'escadre dans le vieux port, et Brueix rebuta ensuite celui qui voulut se charger de cette commission. On ne peut attribuer l'obstination des généraux de la

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