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AN 6.

CHAPITRE XII.

La Porte déclare la guerre à la France.

CETTE négociation aurait aisément réussi

avant le combat d'Aboukir; mais la destruction de la flotte française donnait aux sollicitations des agens anglais et russes un nouveau degré d'énergie. La cour de Russie avait rassemblé sur les plages de la mer Noire, les forces les plus redoutables; les Anglais, de leur côté, menaçaient d'assiéger les châteaux des Dardanelles, hors d'état de faire une longue défense. Le grand-visir temporisait, soit qu'il eût connaissance du véritable motif de l'expédition française, ou qu'il voulût se donner le tems d'acquérir des renseignemens à ce sujet. Les ministres de Londres et de Pétersbourg déclarèrent alors qu'ils ne donnaient au grand - seigneur que vingt-quatre heures pour se décider à la guerre contre la France ou à la guerre contre la Grande-Bretagne et la Russie.

On apprit bientôt que le sultan Selim III, après avoir disgracié le grand-visir et quelques autres de ses ministres, accusés d'avoir trahi les intérêts de l'empire, déclarait la guerre à la France.

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Ceux qui connaissaient à fond la politique du 1798. divan, ses ressources, ses craintes et la nature de ses relations avec les puissances européennes, éprouvèrent une bien plus grande surprise, lorsqu'on sut que ce gouvernement était entraîné si loin de ses mesures, qu'il ouvrait aux flottes russes, construites sur la mer Noire, le port de Constantinople pour pénétrer dans l'Archipel, sans calculer les dangers que courait l'empire ottoman par cette imprudente concession.

Toutes les bouches de la renommée parlaient alors de la nouvelle coalition formée par les anglais contre la France. On ne connaissait à Paris ni les moyens de cette ligue, ni même quels étaient les monarques dont les armées allaient marcher sur le Rhin, ou contre les nouvelles républiques d'Italie. On savait seulement que la cour de Londres étroitement unie avec celle de Pétersbourg, employait les ressorts de la politique pour briser le congrès de Rastadt, pour entraîner l'empereur dans une nouvelle guerre, pour forcer les rois de Suède, de Danemarck, de Naples, de Sardaigne et sur-tout le roi de Prusse d'y prendre une part active.

On disait assez publiquement que le ministre du czar Paul I.", à la cour de Berlin, pressant le roi de Prusse d'employer ses forces à rétablir en France le gouvernement monar

chique, Frédéric-Auguste III lui avait ré

pondu avec humeur, que la cour de Péters- AN 6. bourg poussait toute l'Europe à faire la guerre, et ne la faisait pas elle-même; ce que les diplomates anglais interprétaient comme une assurance que ce prince entrerait dans la coalition, lorsque la cour de Russie aurait fourni les armées qu'elle promettait vainement depuis plusieurs années.

L'impuissance des Ottomans était si bien démontrée, qu'il est difficile de penser que le cabinet de Saint-James comptât sérieusement sur les secours militaires qu'il tirerait de la Romanie. Mais dans la Caramanie, la Natolie et la Sourie, les Turcs pouvaient trouver des forces capables de troubler Bonaparte dans sa conquête. D'ailleurs, la rupture entre Constantinople et Paris ruinait le commerce des provinces méridionales de France..Le principal avantage que retiraient les Anglais de leur nouvelle alliance, regardait la Russie. Cette puissance ne pouvant plus objecter le prétexte de garder ses frontières, allait se voir forcée de tenir ses engagemens, et d'envoyer ses armées en Allemagne.

1798.

CHAPITRE XIII.

Le roi des Deux-Siciles déclare la guerre à la

France.

CES

Es

Ces vraisemblances se changèrent en certitude, lorsque les armées napolitaines marchèrent sur Rome.

Depuis que les vaisseaux de l'amiral Nelson couvraient la mer Thyrénienne, la cour de Naples, malgré son traité de paix avec la France, favorisait ouvertement les opérations britanniques. Il était facile aux ministres anglais de faire entendre aux ministres de Ferdinand IV, que, si les Français ne paraissaient pas s'apercevoir de cette partialité, ce ménagement leur était dicté par des circonstances qui tenaient à l'approvisionnement de l'île de Malte; mais que le tems de la vengeance arriverait tôt ou tard, et que le seul moyen de s'y soustraire, était de le prévenir. D'ailleurs, on observait au roi des Deux-Siciles qu'ayant conclu une alliance défensive avec l'empereur qui lui promettait un secours de soixante mille hommes contre toute puissance qui attaquerait ses Etats, il s'exposerait à peu de dangers, et se ménagerait une ample moisson

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de gloire, en se déclarant le vengeur

du раре,

et en se montrant aux Italiens comme l'exter- AN 6. minateur qui devait renvoyer les Français au

delà des Alpes.

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On lui offrait tout l'or nécessaire pour son expédition, des munitions de guerre les étoffes pour habiller ses soldats, et des subsistances pour les nourrir. Cependant, avant de se mettre en campagne, il voulut être assuré du secours des Russes. Ayant appris qu'ils étaient en route, et ayant reçu un général allemand pour commander ses troupes, il se crut en mesure d'attaquer les Français dans le patrimoine de S. Pierre, sans calculer les obstacles attachés à la marche d'une grande armée qui, dans la rude saison de l'hiver, doit franchir cinq cents lieues par des chemins' presque impraticables ; il fut écrasé avant que cette armée pût le secourir.

CHAPITRE XIV.

Le roi de Sardaigne abandonne ses Etats de terre ferme à la France, et se retire à Cagliari.

ES.

Les mêmes négociations agitaient les cours de Florence et de Turin. Les dispositions du grand duc Ferdinand à l'égard de la France furent toujours subordonnées à celles du chef

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