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de la maison d'Autriche. Livourne était l'en1793. trepôt universel et presque exclusif des marchandises anglaises; elles se répandaient delà sur toutes les côtes de la Méditerranée, depuis Sarzane jusqu'à Constantinople; la neutralité consentie de cet Etat mettait le grand duc en position de faire à la France la guerre la plus cruelle, par les secours de tous les genres qu'il pouvait faire passer à l'empereur. On proposa au grand duc d'ouvrir le port de Livourne aux escadres des cours coalisées en continuant d'assurer le gouvernement français de son desir inaltérable d'entretenir une exacte neutralité, et en rejettant l'invasion de Livourne sur une force majeure, à laquelle il n'avait pu résister.

Il était plus difficile de déterminer le roi de Sardaigne à renouer les anciennes liaisons formées par son père avec les ennemis de la république française. Non-seulement ce prince avait toujours montré des intentions pacifiques, mais ses places de guerre, et même la citadelle de Turin, se trouvaient au pouvoir des Français. La moindre tergiversation de sa part, qui aurait été prouvée, le livrait sans défense avec toute sa famille à la vengeance du gouvernement français.

Cependant on osait assurer son premier ministre que, sans armées, sans places fortes, et se trouvant environné de bataillons républicains,

le roi sarde pouvait encore aspirer à la gloire d'exterminer les Français. Ses moyens étaient, An 6. disait-on, d'armer secrétement les Piémontais, d'exalter leur patriotisme par le moyen des pratiques religieuses jusqu'au plus effervescent enthousiasme, et de les engager d'assassiner partiellement les soldats français dispersés sans défiance au milieu d'eux. Il paraissait une lettre imprimée dans laquelle on supposait que le prince Pignatelli écrivait au ministre Prioca: « Les Napolitains, commandés par le général Mack, sonneront les premiers le tocsin de mort sur l'ennemi commun; et du sommet du Capitole, nous annoncerons à l'Italie, nous annoncerons à l'Europe que l'heure du réveil est sonnée. Alors, infortunés Piémontais, agitez les chaînes dont vous êtes étreints, pour en frapper vos oppresseurs. »

Les horreurs commises par les royalistes dans Naples après la retraite des Français, pourraient donner quelque vraisemblance à cette épître incandescente. Mais quel effet pouvait-elle avoir sur des hommes dont la conduite était perpétuellement observée, et sur une cour qui ne jouissait d'aucune puissance, dont la moindre démarche oblique pouvait être suivie du châtiment le plus terrible? J'ai entendu dire qu'il exista dans le Piémont un projet formé d'exterminer tous les Français dans les villes et dans les campagnes, et que ce projet

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s'exécutait partiellement. Toutes les histoires 1798. sont pleines des atrocités les plus extravagan

tes. En lisant l'histoire des hommes, on croit souvent avoir devant les yeux celle des tigres. Mais heureusement ces vastes conspirations contre l'espèce humaine, sont plus aisées à décrire qu'à exécuter.

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On répète tous les jours les crimes affreux des vêpres siciliennes et celui non moins affreux de la S.-Barthélemy; mais ces horribles attentats furent commis de vive force et non par des embûches secrètes. Ces embûches secrètes peuvent-elles être employées à faire périr une armée entière, disséminée dans une vaste province ? Le secret d'une telle entreprise qui doit se trouver dans une infinité de têtes, ne suffit-il pas pour déconcerter toute l'opération? Comment supposer qu'une cour, prisonnière dans sa capitale, aurait donné les mains à un complot d'une exécution physiquement impossible, et dont le simple soupçon l'aurait réduite aux dernières extrémités du malheur?

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Au surplus, soit que le gouvernement français fût prévenu des projets hostiles du roi de Sardaigne, ou seulement que l'occupation du Piémont étant une suite de ses nouveaux arrangemens, il ne cherchât qu'un prétexte pour colorer cette expoliation, Charles-Emmanuel, craignant d'être conduit prisonnier en France, fut obligé d'abandonner ses Etats avec sa fa

mille. Il obtint la liberté de se retirer en Sardaigne, après avoir signé, le 20 brumaire, AN 6. un acte dans lequel il abandonnait à la république française tous ses droits sur le Piémont, et il remettait aux Piémontais le serment d'obéissance qu'ils lui avaient prêté.

Dans le même tems, les plénipotentiaires français au congrès de Rastadt, Jean Debry, Roberjot et Bonnier, ayant protesté du ferme desir qu'avait le directoire de terminer la guerre, des efforts qu'il multipliait pour parvenir à ce salutaire but, et rejeté l'éloignement de la paix sur les lenteurs interminables de la députation germanique, déclaraient que leurs dernières notes étaient l'ultimatum du gouvernement français, et que si, dans le délai de six jours, à compter du 17 frimaire (7 décembre), la députation n'avait pas donné une réponse satisfaisante, leurs pouvoirs cessaient.

La prise d'armes du roi des Deux Siciles était connue dans Rastadt. Toutes les gazettes allemandes retentissaient de la marche de cent mille Russes à travers la Pologne. Ils ne pouvaient recommencer la guerre que de concert avec l'empereur. Cependant, la Germanie occidentale souffrait si horriblement du fléau de la guerre, les peuples qui habitaient les bords du Rhin soupiraient avec tant d'ardeur après la paix, que, quoique la cour de Vienne n'atVIII.

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tendît que l'arrivée des Russes pour recom1798. mencer les hostilités, la majorité de la députation germanique, après la séance la plus orageuse, déclara, par un conclusum du 19 frimaire (9 décembre ), qu'elle accédait à l'ultimatum de la légation française ; il n'était plus question que d'appliquer les principes précédemment reconnus des indemnités aux princes Allemands par la voie de la sécularisation des bénéfices princiers.

CHAPITRE XV.

Expédition du roi des Deux-Siciles.

LE peu de distance entre la terre du Labour

et la ville de Rome, avait permis au roi des Deux-Siciles de s'approcher des bords du Tibre avec rapidité. La faible garnison française qui se trouvait dans Rome, ne pouvant défendre cette grande ville, ouverte de tous côtés, contre les efforts d'une armée de plus de soixante mille combattans, s'était retirée pour prendre une position militaire dans laquelle l'armée française et romaine eût le tems de se rassembler pour attaquer les ennemis.

Mack s'empara de Rome sans résistance. Le roi des Deux-Siciles y fit son entrée le 6 fri

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