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née républicaine, malgré le déplaisir que cette fête donnait à la faction patricienne. An 5. Tous les bâtimens français qui se trouvaient dans le port, l'annoncèrent dès le matin par des salves d'artillerie qui furent répétées à midi et au coucher du soleil. Le pavillon tricolor et ceux des puissances amies de la France flottaient sur tous les navires. Le peuple en foule se portait dans les appartemens et dans les jardins du ministre français, décorés d'emblêmes et de trophées. Les orchestres exécutaient tour-à-tour des airs de danses, des marches guerrières et des chansons patriotiques. On y chanta l'hymne italienne composée à Milan.

Del despotico potere

Ite al foco iniqui editti,

Son nell' huomo i primi dritti
Egualianga e libertà.

Dès lors une fermentation, dont la force augmentait progressivement, annonçait une révolution prochaine ; et les obstacles qu'y formait le gouvernement ne pouvaient avoir d'autre effet que de l'ensanglanter.

L'insurrection s'annonça, dans les derniers jours de floréal, sous la forme d'une émeute populaire. Douze mille ouvriers, ayant à leur tête Philippe Doria, après avoir enfoncé les prisons et rendu à la liberté les prisonniers

1797.

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qui n'étaient pas détenus pour crime capital, s'étaient rendus maîtres des principaux postes de la ville, et demandaient à grands cris l'abolition du gouvernement patricial et le rétablissement de la démocratie. Les riches bourgeois, enfermés dans leurs maisons attendaient l'événement pour se décider; et la plupart des nobles, cédant à leur destinée, abandonnaient la ville, lorsque le petit conseil crut éloigner la catastrophe ou lui donner une autre impulsion, en armant d'autres ouvriers, auxquels ils croyait pouvoir se fier, et les réunissant à quelques corps de troupes restés fidèles à la seigneurie.

Cette politique eut d'abord quelque succès; mais les deux partis populaires finirent bientôt par se réunir. Alors le gouvernement se trouvait dans le plus grand danger. En vain il multipliait les proclamations pour engager les insurgés à rentrer dans l'ordre, en promettant que la seigneurie rendrait au peuple toute la justice qu'il avait droit d'attendre. Le tumulte augmentait de jour en jour. L'Etat était en proie à tous les fléaux de l'anarchie. On pillait, au nom du peuple, les maisons des nobles les plus riches. Le désordre devenait si alarmant, que la famille du ministre français Faypoult avait abandonné la ville, et que cet ambassadeur se disposait à la suivre.

Les nobles et les populaires avaient envoyé

des députés à Bonaparte, pour l'engager à soutenir leurs prétentions. Mais dans le tems An 5. qu'on parlementait, l'insurrection était devenue générale. Le peuple, souverain de fait, prouvait qu'il était souverain de droit, en représentant le premier article du traité entre Charles - Quint et André Doria dans lequel l'empereur reconnaissait que le peuple de Gênes avait le droit de choisir le gouvernement qui lui convenait et de le changer à son gré.

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Près de trois mille individus, soupçonnés d'attachement au parti des nobles, avaient été incarcérés depuis le premier jusqu'au 10 prairial. Le peuple était Maître du Mole, et menaçait d'enfoncer les portes du palais qui renfermait les archives de la république. Le grand conseil assemblé le 12 prairial, obéissant aux lois de la nécessité, déclara, après une assez longue délibération, que le gouvernement était dissous; et, ayant nommé quatre nobles et quatre populaires pour diriger la république jusqu'à l'établissement d'un nouvel ordre de choses, il abdiqua l'autorité que lui donnaient les anciennes lois.

Au milieu de la fermentation qui régnait dans les esprits, le poste que le grand conseil offrait aux huit nouveaux éphores, était si périlleux, qu'ils n'osèrent pas l'accepter. Le pouvoir resta dans les mains d'une admi

nistration provisoire, créée par les populaires. 1797. Elle enjoignit, le 15, à tous les nobles sortis du territoire de Gênes depuis le commencement des troubles, d'y rentrer dans deux jours, sous peine de séquestration de leurs propriétés. Les habitans des deux rivières furent invités par ceux de Gênes, à nommer des députés avec des pouvoirs suffisans pour poser les bases d'une nouvelle organisation sociale. On forma des gardes nationales sous le nom de légions liguriennes; et, tandis que les représentans de toutes les communes qui formaient l'Etat de Gênes, travaillaient à la confection d'un nouveau code constitutionnel, toutes les parties de l'administration étaient régies sur le modèle du gouvernement français.

La nouvelle constitution fut proclamée en fructidor ses bases étaient celles de la constitution française. Le corps législatif était partagé en deux sections, le conseil des soixante et le conseil des anciens. Le gouvernement fut confié à un directoire composé de cinq magistrats suprêmes. Les premiers directeurs furent Louis Corveto, Nicola Littardi, Augustin Maglione, Ambroise Molfino et Paul Gosta.

AN 5.

CHAPITRE XVII.

Préludes de la journée du 18 fructidor. Manifeste du prétendant au tróne de France.

ON a
N a vu précédemment que l'indulgence
envers les chefs de la conspiration royale
avait produit les plus fâcheux effets. Les fau-
teurs de l'ancien régime attribuaient ouver-
tement cette indulgence à la prépondérance
de leur parti, entraînant le directoire lui-
même à des ménagemens nécessités par la
force des choses. Les émigrés rentraient en
France par milliers; et répandant quelque
argent, les uns parvenaient à faire substituer
leurs noms à la place de ceux des défenseurs
de la patrie, sur les registres des administra-
tions militaires ; d'autres, à se faire inscrire
dans les matricules des inspecteurs des char-
rois: et, munis de certificats constatant cette
inscription, ils obtenaient aisément leur ra-
diation de la liste des émigrés.

Rentrés dans leurs propriétés, non-sculement dans l'intérieur de leurs maisons et en présence de leurs domestiques, ils se donnaient respectivement les titres procrits par les lois, ils affectaient un profond mépris

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