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tiones quæ procedunt ab aliqua potentia, causantur ab ea secun« dum rationem sui objecti. Objectum autem voluntatis est finis et « bonum; unde oportet quod omnes actiones humanæ propter « finem sint (1). » Non-seulement l'homme ne peut rien faire sans se proposer une fin; mais toutes ses affections, tous ses désirs, toutes ses démarches se rapportent nécessairement à une fin dernière. « Necesse est quod omnia quæ homo appetit, appetat propter « ultimum finem (2).

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42. En morale, on entend par fin le but qu'on se propose dans ses actions, le bien auquel on tend et qu'on désire d'obtenir. C'est toujours sous l'idée d'un bien réel ou apparent qu'une fin nous fait agir.

On distingue d'abord la fin qui est intrinsèque, et la fin qui est extrinsèque à l'acte. La première est celle à laquelle l'acte se rapporte de lui-même, indépendamment de la volonté de celui qui agit: tel est, dans l'aumône, le soulagement de celui qui la reçoit. La fin extrinsèque est celle qui dépend du choix de notre volonté. Ainsi, dans l'aumône, outre le soulagement du pauvre, qui est inhérent à l'acte, il peut arriver qu'on se propose une fin différente, bonne ou mauvaise, comme de satisfaire à la justice de Dieu, ou de s'attirer les louanges des hommes.

43. La fin extrinsèque, dont il s'agit principalement, est ou prochaine, ou éloignée, ou dernière. La fin prochaine est ainsi appelée, parce qu'on l'a prochainement en vue dans ses actes. La fin éloignée est celle à laquelle on tend par le moyen de la fin prochaine. La fin dernière est celle à laquelle notre volonté s'arrête, sans aller plus loin. On étudie, par exemple, pour se mettre en état d'être élevé au sacerdoce, avec le désir de pouvoir travailler au salut des âmes, afin d'arriver plus sûrement au salut éternel. Le sacerdoce est la fin prochaine des études; le salut des âmes en est la fin éloignée; le bonheur éternel en est la fin dernière.

44. Nous devons rapporter toutes nos actions à Dieu, comme à notre fin dernière. Soit que vous mangiez, dit l'Apôtre, soit que vous buviez, soit que vous fassiez autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu : « Sive manducatis, sive bibitis, sive aliud quid « facitis, omnia in gloriam Dei facite (3). » Ce qui doit s'entendre d'un précepte, d'une loi proprement dite, et non d'un conseil. « Quidam dicunt quod hoc est consilium; sed hoc non est verum. »

(1) S. Thomas, Sum. part. 1. 2. quæst. 1. art. 1.—(2) Ibid., art. 6.— (3) Corinth, c, 10. v. 31,

Ainsi s'explique saint Thomas (1); et l'interprétation qu'il nous donne des paroles de saint Paul est conforme à la doctrine des Pères de l'Église (2).

45. Le précepte de l'Apôtre est affirmatif et négatif. Comme négatif, il défend tout ce qui est contraire à la loi divine; on ne peut offrir à Dieu ce qu'il condamne. Comme affirmatif, il nous prescrit de rapporter toutes nos actions à Dieu, toutes, sans exception. Mais on peut les lui rapporter de différentes manières. En effet, on distingue ici le rapport actuel, le rapport virtuel, le rapport implicite, et le rapport habituel ou interprétatif. Le rapport est actuel, lorsque par un acte exprès de la volonté on offre ses actions à Dieu; il est virtuel, lorsque, après avoir offert à Dieu une action en particulier ou toutes ses actions en général, on agit en vertu de cette première intention; tandis que celle-ci n'a point été révoquée ni par un acte subséquent, ni par un trop grand laps de temps. Il y a rapport implicite d'une action à Dieu, lorsque la volonté se porte à cette action, uniquement parce qu'elle est bonne, sans y mêler aucune circonstance, aucune fin qui en puisse vicier la nature. Le rapport habituel ou interprétatif consiste dans la disposition où l'on est de rapporter ses actions à Dieu, sans qu'il y ait de la part de la volonté aucune intention ni actuelle, ni virtuelle, ni même implicite.

46. Or, une action peut être moralement bonne, quoiqu'on ne la rapporte pas à Dieu d'une manière explicite. L'intention actuelle n'est pas nécessaire pour accomplir le précepte dont il s'agit; car l'obligation de rapporter en détail et d'une manière expresse toutes ses actions au Créateur demanderait une contention d'esprit dont l'homme, quoique aidé de la grâce, n'est point capable. Il suffit donc de les lui rapporter virtuellement. « Non oportet, dit saint << Thomas, ut semper aliquis cogitet de ultimo fine, quandocumque aliquid appetit vel operatur; sed virtus primæ intentionis, quæ << est respectu ultimi finis, manet in quolibet appetitu cujuscumque rei, etiamsi de ultimo fine actu non cogitetur, sicut non oportet quod qui vadit per viam in quolibet passu cogitet de fine (3). Saint Alphonse parle dans le même sens ; voici ce qu'il dit : « Non requiritur actualis relatio omnium sive verborum sive operum in « bonum honestum ; quod esset importabile pondus, et res sexcen<< tis implexa scrupulis; sed sufficit relatio virtualis; unde quamvis

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(1) In Epist. ad Colossenses. —(2) Célestin I. Epist. 1. S. Maxime, homil. 2. de gratia; S. Ambroise, in Luc. lib. n. no 84. — (3) Sum. part. 1. 2. quæst. 1. art. 6.

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aliquis accedens ad mensam non cogitat de conservatione vitæ .sed solum de cibi delectatione, ut ait Gonet, non propterea pec«< cat, quia talem delectationem, saltem virtualiter, vult propter «< conservationem vitæ ; sicque non inordinate illam appetit (1). »

47. Nous pensons même que l'intention implicite est suffisante pour la moralité d'un acte qui est bon de sa nature. Car l'action que l'on fait uniquement parce qu'elle est honnête, parce qu'elle est conforme à l'ordre, se rapporte elle-même à Dieu, comme étant la source de tout bien, de toute bonté, de toute justice, lorsque d'ailleurs cette action n'est viciée par aucune circonstance étrangère à sa nature. Ainsi, honorer ses père et mère par un motif de piété filiale; courir avec empressement, par un motif de compassion, au secours d'un homme qui est en danger; exercer l'hospitalité; remplir les engagements qu'on a contractés en matière de justice; ce sont autant d'actions qui, sans être rapportées formellement à Dieu, s'y rapportent néanmoins d'elles-mêmes, d'une manière implicite (2).

Il n'en est pas de même de l'intention qui n'est qu'habituelle ou interprétative. «Non sufficit omnino habitualis ordinatio actus in « Deum,» dit saint Thomas (3). S'il semble dire ailleurs le contraire, c'est qu'il confond quelquefois l'intention habituelle avec l'intention virtuelle ou implicite, comme le fait remarquer Sylvius (4).

48. Il est certain qu'il peut y avoir des actions moralement bonnes sous tous les rapports, sans qu'elles soient faites par le motif de la charité parfaite. Suivant le concile de Trente, la contritior. imparfaite qu'on appelle attrition, parce qu'elle est communément conçue par la considération de la turpitude du péché, ou par la crainte des peines de l'enfer, lorsqu'elle exclut l'affection au péché et qu'elle est accompagnée de l'espérance du pardon, est un don de Dieu, un mouvement de l'Esprit-Saint qui dispose le pénitent à la justification (5). Cette attrition est certainement bonne, même d'une bonté surnaturelle; cependant elle a un tout autre motif que celui de la charité. Telle est d'ailleurs la doctrine du saint-siége, reçue dans toute l'Église (6).

49. Indépendamment de tout motif suggéré par la foi, il y a certainement des actions moralement bonnes. Un païen, par exemple, qui n'a jamais entendu parler de Jésus-Christ, l'auteur et le

(1) De Act. hum. no 44.— (2) Conférences d'Angers, sur les Actes humains, conf. 5. quest. 2. —(3) In 2. dist. 40. quæst. 1. art. 5. - (4) Part. 1. 2. quæst. 1. art. 6. - (5) Sess. xiv. cap. 4. — (6) Constit. de S. Pie V, de Grégoire XIII et d'Urbain VIII, contre les erreurs de Baïus.

Ainsi s'explique saint Thomas (1); et l'interprétation qu'il nous donne des paroles de saint Paul est conforme à la doctrine des Pères de l'Église (2).

45. Le précepte de l'Apôtre est affirmatif et négatif. Comme négatif, il défend tout ce qui est contraire à la loi divine; on ne peut offrir à Dieu ce qu'il condamne. Comme affirmatif, il nous prescrit de rapporter toutes nos actions à Dieu, toutes, sans exception. Mais on peut les lui rapporter de différentes manières. En effet, on distingue ici le rapport actuel, le rapport virtuel, le rapport implicite, et le rapport habituel ou interprétatif. Le rapport est actuel, lorsque par un acte exprès de la volonté on offre ses actions à Dieu; il est virtuel, lorsque, après avoir offert à Dieu une action en particulier ou toutes ses actions en général, on agit en vertu de cette première intention; tandis que celle-ci n'a point été révoquée ni par un acte subséquent, ni par un trop grand laps de temps. Il y a rapport implicite d'une action à Dieu, lorsque la volonté se porte à cette action, uniquement parce qu'elle est bonne, sans y mêler aucune circonstance, aucune fin qui en puisse vicier la nature. Le rapport habituel ou interprétatif consiste dans la disposition où l'on est de rapporter ses actions à Dieu, sans qu'il y ait de la part de la volonté aucune intention ni actuelle, ni virtuelle, ni même implicite.

46. Or, une action peut être moralement bonne, quoiqu'on ne la rapporte pas à Dieu d'une manière explicite. L'intention actuelle n'est pas nécessaire pour accomplir le précepte dont il s'agit; car l'obligation de rapporter en détail et d'une manière expresse toutes ses actions au Créateur demanderait une contention d'esprit dont l'homme, quoique aidé de la grâce, n'est point capable. Il suffit donc de les lui rapporter virtuellement. « Non oportet, dit saint «< Thomas, ut semper aliquis cogitet de ultimo fine, quandocumque aliquid appetit vel operatur; sed virtus primæ intentionis, quæ << est respectu ultimi finis, manet in quolibet appetitu cujuscumque rei, etiamsi de ultimo fine actu non cogitetur, sicut non oportet quod qui vadit per viam in quolibet passu cogitet de fine (3). » Saint Alphonse parle dans le même sens ; voici ce qu'il dit : « Non requiritur actualis relatio omnium sive verborum sive operum in « bonum honestum ; quod esset importabile pondus, et res sexcen<< tis implexa scrupulis; sed sufficit relatio virtualis; unde quamvis

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(1) In Epist. ad Colossenses. — (2) Célestin I. Epist. 1. S. Maxime, homil. 2. de gratia ; S. Ambroise, in Luc. lib. n. no 84. — (3) Sum. part. 1. 2. quæst. 1. art. 6.

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aliquis accedens ad mensam non cogitat de conservatione vitæ, sed solum de cibi delectatione, ut ait Gonet, non propterea pec«< cat, quia talem delectationem, saltem virtualiter, vult propter « conservationem vitæ ; sicque non inordinate illam appetit (1). » 47. Nous pensons même que l'intention implicite est suffisante pour la moralité d'un acte qui est bon de sa nature. Car l'action que l'on fait uniquement parce qu'elle est honnête, parce qu'elle est conforme à l'ordre, se rapporte elle-même à Dieu, comme étant la source de tout bien, de toute bonté, de toute justice, lorsque d'ailleurs cette action n'est viciée par aucune circonstance étrangère à sa nature. Ainsi, honorer ses père et mère par un motif de piété filiale; courir avec empressement, par un motif de compassion, au secours d'un homme qui est en danger; exercer l'hospitalité; remplir les engagements qu'on a contractés en matière de justice; ce sont autant d'actions qui, sans être rapportées formellement à Dieu, s'y rapportent néanmoins d'elles-mêmes, d'une manière implicite (2).

Il n'en est pas de même de l'intention qui n'est qu'habituelle ou interprétative. «Non sufficit omnino habitualis ordinatio actus in « Deum,» dit saint Thomas (3). S'il semble dire ailleurs le contraire, c'est qu'il confond quelquefois l'intention habituelle avec l'intention virtuelle ou implicite, comme le fait remarquer Sylvius (4).

48. Il est certain qu'il peut y avoir des actions moralement bonnes sous tous les rapports, sans qu'elles soient faites par le motif de la charité parfaite. Suivant le concile de Trente, la contritior. imparfaite qu'on appelle attrition, parce qu'elle est communément conçue par la considération de la turpitude du péché, ou par la crainte des peines de l'enfer, lorsqu'elle exclut l'affection au péché et qu'elle est accompagnée de l'espérance du pardon, est un don de Dieu, un mouvement de l'Esprit-Saint qui dispose le pénitent à la justification (5). Cette attrition est certainement bonne, même d'une bonté surnaturelle; cependant elle a un tout autre motif que celui de la charité. Telle est d'ailleurs la doctrine du saint-siége, reçue dans toute l'Église (6).

49. Indépendamment de tout motif suggéré par la foi, il y a certainement des actions moralement bonnes. Un païen, par exemple, qui n'a jamais entendu parler de Jésus-Christ, l'auteur et le

(1) De Act. hum. no 44.— (2) Conférences d'Angers, sur les Actes humains, conf. 5. quest. 2. ·(3) In 2. dist. 40. quæst. 1. art. 5. (4) Part. 1. 2. quæst.

1. art. 6. (5) Sess. XIV. cap. 4. (6) Constit. de $. Pie V, de Grégoire XIII et d'Urbain VIII, contre les erreurs de Baïus.

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