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culière, cette action dure dix ans. Ce temps ne court, dans le cas de la violence, que du jour où elle a cessé; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts; pour les actes passés par les femmés mariées non autorisées, du jour de la dissolution du mariage; à l'égard des actes faits par les interdits, du jour où l'interdiction est levée; et à l'égard des mineurs, du jour où ils ont atteint la majorité (1).

CHAPITRE IX.

De la Promesse.

781. Après avoir traité des contrats en général, nous allons parler des contrats en particulier, insistant davantage sur ceux qui ont un rapport plus direct avec la théologie morale. Nous commencerons par ce qui regarde la promesse.

La promesse est un contrat par lequel une personne s'oblige gra. tuitement à donner ou à faire une chose en faveur d'une autre personne. Mais une promesse ne devient parfaite et obligatoire que par l'acceptation de la personne en faveur de laquelle elle a été faite. Il ne faut pas confondre une promesse proprement dite avec ces protestations vagues et indéterminées par lesquelles une personne met ses biens, tout ce qu'elle possède, à la disposition d'une autre. Pour qu'il y ait promesse et obligation, il faut qu'il paraisse clairement, par les termes et la manière dont on s'exprime, eu égard surtout aux circonstances; que celui qui promet a l'intention de s'obliger; de sorte que celui à qui l'on fait la promesse puisse prudemment ý compter comme sur un engagement, et agir en conséquence; sans cela ce n'est plus qu'un simple discours, qu'un témoignage d'intérêt, qu'une résolution, qu'un projet, propositum, qui ne renferme pas d'obligation stricte.

782. Une vraie promesse étant une fois acceptée, si d'ailleurs elle réunit toutes les conditions requises pour la validité d'un contrat, devient obligatoire; et cette obligation est plus ou moins grave, suivant l'intention de celui qui l'a faite, et le plus ou moins

(1) Cod. civ. art. 1304.

d'importance de la chose qui en est l'objet. Nous disons suivan! l'intention; car la promesse est une loi particulière que chacun se fait, et qui n'a de force que celle qu'on veut bien lui donner. Si done on veut contracter un engagement de justice, il est sans difficulté que la promesse produit cette espèce d'obligation dès qu'elle est suivie de l'acceptation. Mais si on n'a pas voulu prendre un engagement aussi striet, l'obligation n'est point une obligation parfaite et rigoureuse, une obligation de justice, mais seulement une obligation d'honnêteté morale; comme aussi l'obligation ne sera que légère, sub levi, même en matière grave, si on n'a pas eu l'intention de s'obliger sub gravi.

783. Mais comment juger de l'intention de celui qui fait une promesse, lorsqu'il ne s'exprime pas clairement à cet égard? Nous l'avons dit on peut en juger par les circonstances. Ainsi, quand on rédige une promesse par lettre, qu'on prend part à une souscription en donnant sa signature, qu'on a recours à des témoins, ou qu'on confirme sa parole par écrit, ees formalités annoncent une obligation parfaite, stricte, une obligation de justice, plus ou moins grave, suivant la nature des choses qu'on promet. Si, au contraire, la promesse n'est que verbale, si elle se fait comme en passant, si elle n'est point confirmée par serment, ni revêtue d'aucune des circonstances qui peuvent lui donner de la gravité, il ne parait pas que celui qui l'a faite ait eu l'intention de se lier par une obligation de justice (1). Au reste, dans le doute, au sujet de l'obligation d'une promesse, on doit se prononcer en faveur de celui qui en est l'auteur: « Cæterum, in dubió, dit saint Alphonse de Li « guori, an quis voluerit se obligare ex justitia, vel ex fidelitate, << an graviter vel leviter, probabilissimum mihi dicenduin videtur « eum non esse obligatum nisi sub levi (2). » Nous ajouterons que, pour qu'il y ait péché mortel dans la violation d'une promesse, même strictement obligatoire, il faut une matière notablement plus considérable que pour un vol mortel (3).

784. L'obligation contractée par une promesse cesse par le changement qui survient, soit dans l'état des choses, soit dans la position des personnes, lorsque ce changement est tel que, s'il eût été prévu, il eût empêché de faire cette promesse. Par exemple, si on ne peut faire la chose promise sans faire fort au prochain, ou sans

(2) Lib.

(1) Conférences d'Angers, sur les Contrais, conf. 1. quest. 5, etc. III. n° 720.-Voyez Collet, de Promissione, art. 3. — (3) S. Alphonse, ibidem; Mgr Bouvier, etc.

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souffrir soi-même un dommage considérable, ou si la chose a été prohibée depuis par une loi, ou si elle est devenue moralement impossible ou inutile à celui à qui elle a été promise, alors la promesse n'oblige plus en conscience. Il en est de même pour le cas où la cause principale et déterminante, pour laquelle on a promis, vient à cesser : « Si non facit quod promisit, dit saint Thomas, tunc vi<< detur infideliter agere per quod animum mutat. Potest tamen « excusare ex duobus : uno modo, si promisit quod manifeste est illicitum; alio modo, si sunt mutatæ conditiones personarum et negotiorum. Ad hoc enim quod homo teneatur facere quod pro« misit, requiritur quod omnia immutata permaneant (1). » Dans les promesses gratuites qu'on fait à quelqu'un, tout est favorable du côté de celui qui veut les faire : elles ont toujours cette condition sous-entendue, que les choses demeureront dans le même état. Ainsi, lorsque, après avoir promis une somme d'argent à quelqu'un, on tombe soi-même dans la pauvreté; ou si on ne la lui a promise qu'à raison du besoin où il était, et qu'une succession inattendue a fait disparaître; ou à titre d'amitié, dont il rompt le premier les nœuds par une ingratitude manifeste : dans ces différents cas, il y a lieu de se refuser à l'exécution de sa promesse. De même, on a promis son cheval à quelqu'un pour faire un voyage; ce projet de voyage est rompu : la promesse tombe d'elle-même. On avait promis une chose pour être employée à un usage saint, honnête; on apprend que c'est à mauvaise intention qu'elle a été demandée, et qu'on se propose d'en faire un usage tout opposé on n'est plus tenu d'accomplir une semblable promesse.

785. Il en est de la promesse comme de toute autre convention; elle doit être licite dans son objet : toute promesse contraire aux bonnes mœurs est nulle, et ne peut produire aucun effet. Concluez de là que celui qui a promis une somme d'argent ou autre chose pour porter au crime ou à une chose défendue par les lois divines ou humaines, n'a contracté, ni devant Dieu ni devant les hommes, ni avant ni après le crime commis, aucune obligation de payer l'argent ou de faire la chose promise. En promettant quelque chose pour récompense du crime, on pèche; et l'on commet un nouveau péché, ou l'on favorise plus ou moins indirectement le désordre, en exécutant la promesse (2).

(1) Sum. part. 2. 2. quæst. 110. art. 3.- Conférences d'Angers, sur les Contrats, conf. I. (2) Ibidem. quest. 5. · Voyez, ci-dessus, le no 753.

CHAPITRE X.

Des Donations.

786. La donation, en général, se définit: un acte par lequel une personne dispose en faveur d'une autre, à titre gratuit, de la totalité ou d'une partie de ses biens. On distingue les donations entre-vifs et les donations testamentaires. Aujourd'hui on ne peut, en France, disposer légalement de ses biens, à titre gratuit, que par donation entre-vifs ou par testament (1).

ARTICLE I.

Dispositions générales.

787. Les substitutions sont prohibées : toute disposition par laquelle le donataire, l'héritier institué, ou le légataire, sera chargé de conserver et de rendre à un tiers, est nulle, même à l'égard du donataire, de l'héritier institué, ou du légataire (2). Mais, pour une substitution prohibée, il faut : 1° qu'il y ait charge de rendre; les expressions je désire, je prie, ne sont pas suffisantes pour caractériser une substitution prohibée; 2o qu'il y ait charge de conserver; la charge de rendre, qui ne serait pas accompagnée de la charge de conserver, ne forme point une substitution proprement dite; 3° qu'il y ait charge de rendre à un tiers. Et, par la charge indéterminée de rendre, on entend la charge de rendre après la mort de l'institué, après avoir conservé toute sa vie les biens qui sont l'objet de la substitution (3). De là on conclut que le fidéi-commis pur et simple, c'est-à-dire, la disposition par laquelle l'institué serait chargé de rendre tout de suite, ne doit point être rangé dans la classe des substitutions prohibées. On ne regarde pas non plus comme substitution la disposition par laquelle un tiers serait appelé à recueillir le don, l'hérédité ou le legs, dans le cas où le donataire,

(1) Cod. civ. art. 893. - (2) 1bidem. art. 896. — (3) Merlin, Toullier, Pailliet, Rogron, etc.

l'héritier institué, ou le légataire, ne le recueillerait pas. Il en est de même de la disposition entre-vifs ou testamentaire, par laquelle l'usufruit serait donné à l'un, et la nue propriété à l'autre (1).

La loi qui défend les substitutions admet des exceptions: les biens dont il est permis de disposer peuvent être donnés, en tout ou en partie, par acte entre-vifs ou testamentaire, avec la charge de les rendre à un ou plusieurs enfants du donataire, nés ou à naître, jusqu'au deuxième degré inclusivement (2).

788. Dans toute disposition entre-vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux mœurs, sont réputées non écrites (3); c'est une dérogation à l'article 1172 du Code civil, portant que toute condition d'une chose impossible ou contraire aux bonnes mœurs est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend. Mais on peut dire, en général, que, pour rejeter une condition, il ne suffit pas qu'elle gêne la liberté ou l'inclination du donataire; il ne peut s'en plaindre, puisqu'il est libre de ne pas accepter la donation, si la condition lui paraît trop onéreuse. Suivant M. Toullier (4), «les conditions de changer ou de ne pas changer de religion seraient rejetées comme non écrites: » par conséquent, la condition de demeurer fidèle à la foi de ses pères, de ne point adhérer à un schisme, serait regardée comme non avenue devant les tribunaux; elle ne serait point obligatoire pour le donataire. En serait-il de même au for intérieur? Non, certainement; le donataire ne peut, en conscience, profiter d'une donation qui dépend d'une condition qu'il n'a point remplie, condition évidemment honnêté, à laquelle il est d'ailleurs, de droit divin, obligé de se conformer.

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789. Toutes personnes peuvent disposer et recevoir, soit par donation entre-vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables. Sont incapables de donner, ceux qui ne sont pas sains d'esprit, et ceux qui sont morts civilement. Le mineur n'est pas absolument incapable: il peut, à l'âge de seize ans, disposer par testament de la moitié de ce dont il pourrait disposer s'il était majeur. S'il s'agit de disposer entre-vifs, il peut le faire, par contrat de mariage, en faveur de son époux, et avec le consentement et l'assistance de ceux dont le consentement est requis pour la validité du mariage civil. Quant à la femme mariée, elle peut tester sans autorisation; mais elle ne peut disposer entre-vifs sans l'assis

(1) Cod. civ. art. 898, etc.

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· (2) L. du 17 mai 1826. —(3) Cod. civ. art. 906. · (4) Droit civ. franç. tom. v. no 260.

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