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vez donc faire davantage. On vous parle de mépriser les richesses les sages païens ne l'ont-ils pas fait ? D'être fidèle à vos amis : les païens ne l'ont-ils pas été? D'éviter les fraudes et les tromperies : les païens ne les ont-ils pas détestées? De fuir l'adultère : les païens les plus licencieux n'en ont-ils pas eu de l'hor

reur?

Le second degré est, de s'élever au-dessus de la justice de la loi, et de ceux qui connoissent Dieu. Et cela encore par trois degrés, en évitant trois défauts de la justice judaïque. Le premier, c'est qu'elle n'étoit qu'extérieure: Vous autres pharisiens, vous êtes soigneux de laver l'extérieur du vaisseau : et c'est pourquoi il les appeloit des sépulcres blanchis (1). Voyez la justice de ce pharisien dans saint Luc: Je ne suis pas, disoit-il (2), comme le reste des hommes. Et en quoi excellez-vous donc? Je jeúne deux fois la semaine : je paye la díme de tout ce que j'ai de bien. Il ne vante que l'extérieur : et ceux-là lui ressemblent, qui ne s'attachent qu'aux observances extérieures. Dire son bréviaire, aller à l'église, assister au sacrifice, à matines, à l'oraison, prendre de l'eau bénite, se mettre à genoux, sans prendre l'esprit de tout cela; c'est une justice pharisaïque qui semble avoir quelque exactitude, mais qui s'attire de Jésus-Christ ce juste reproche: Ce peuple m'honore des lèvres; mais son cœur est loin de moi (3). C'est une fausse justice. Mais que dironsnous de ceux qui n'ont pas même cette justice et cette exactitude extérieure, si ce n'est qu'ils sont pires que les pharisiens et que les Juifs?

(1) Matth. xx111. 25, 27.—(2) Luc. XVIII. 11, 12.- - (3) Matth. xv. 8. BOSSUET. IX.

3

Le second défaut de la justice judaïque c'est, comme dit saint Paul (1), qu'en ignorant la justice par laquelle Dieu nous fait justes, et cherchant à établir leur propre justice, se croyant justes par eux-mêmes, ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu parce qu'ils ont cru faire le bien par mêmes; au lieu de reconnoître que c'est Dieu qui l'opère en eux.

eux

Saint Paul avoit eu cette justice : mais voyez comment il en parle (2): Ma conduite étoit sans reproche selon la justice de la loi. Remarquez ces paroles; sans reproche: on ne pouvoit ce semble, porter la perfection plus loin ; et cependant il ajoute aussitôt après : Mais ce qui m'étoit un gain selon la loi, je l'ai estimé une perte à cause de la connoissance éminente que j'avois de Jésus-Christ, pour qui tout m'a été une perte, et comme du fumier et de l'ordure; afin de gagner Jésus-Christ, et avoir en lui, non pas ma propre justice qui vient de la loi, mais la justice qui vient de la foi en Jésus-Christ; justice qui vient de Dieu par la foi.

Voilà donc le second défaut de la justice judaïque : c'est qu'on se croyoit juste par soi-même : ce qui fait que cette justice est impure, et n'est qu'ordure selon saint Paul, parce qu'elle n'est qu'orgueil. Etudions-nous donc à l'éviter, en rapportant humblement à Dieu le peu de bien que nous faisons.

Mais le troisième défaut de la justice des Juifs: c'est que les œuvres en étoient fort imparfaites, en comparaison de la perfection où l'homme est élevé par l'Evangile. On y est obligé à une plus grande (1) Rom. x. 3.- (2) Philip. 111. 6, 7, 8, 9.

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perfection que ceux qui faisoient bien. Et pourquoi? A cause de la connoissance éminente qu'on a de Jésus-Christ, disoit saint Paul et c'est une des vérités que Jésus-Christ renferme dans cette parole: Si votre justice n'est plus abondante que celle des docteurs de la loi et des pharisiens, etc. (1).

Voilà donc la justice chrétienne élevée de deux degrés, au-dessus de la justice des sages païens, audessus de la justice des Juifs. C'est pourquoi et les païens et les Juifs s'élèveront contre nous, les Ninivites, la reine de Saba, Sodome et Gomorrhe, dont nous aurons surpassé les iniquités; nous qui devions surpasser la justice des plus sages. C'est ainsi qu'il se faut former une grande idée de la justice chrétienne.

Mais voici encore quelque chose de plus excellent : et c'est le troisième degré et la perfection. C'est que la justice chrétienne se doit élever au-dessus d'ellemême. Non, mes frères, disoit saint Paul (2), je ne crois pas encore avoir atteint la justice où je tends; ni que je sois parfait : je poursuis ma course, comme un homme qui ne croit pas avoir obtenu ce qu'il souhaite. Unum autem; mais tout ce que je fais, tout mon but, toute ma pensée : C'est qu'oubliant ce qui est derrière moi : voyez tout le progrès qu'il a fait ne lui est rien: il ne s'y arrête pas, il ne s'y repose pas Je m'étends à ce qui est devant. Entendez ce mot, il s'étend: il fait effort: il sort en quelque manière de lui-même : il se disloque lui-même, en quelque sorte, par l'effort qu'il fait pour s'avancer.

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Voilà donc le vrai chrétien, le vrai juste. Il croit n'avoir rien fait car s'il croit être suffisamment juste, il ne l'est point du tout. Il faut donc toujours avancer et sortir continuellement de son état. Soyez parfaits comme votre Père céleste (1). Ayezeu du moins la volonté : car c'est renoncer à la justice que de se reposer dans celle qu'on a; comme si on étoit assuré qu'elle fût suffisante; d'autant plus que si vous n'avancez, vous reculez. Vous regardez en arrière, contre le précepte de l'Evangile. Et que décide le Sauveur? que vous n'êtes pas propre au royaume de Dieu (2).

Voilà pourquoi il disoit, qu'il falloit avoir faim et soif de la justice. Ce n'est pas un désir ordinaire; c'est un désir comme celui qui nous porte à nous nourrir, et à vivre : désir ardent et invincible, que vous devez sans cesse exciter. En quelque état que vous soyez, vous devez toujours avoir cette faim et cette soif parce que la capacité de votre intérieur est infinie, comme l'est aussi la justice que vous cherchez.

Sur ce fondement de la perfection de la justice chrétienne, Jésus-Christ bâtit tout l'édifice, c'està-dire, tous les préceptes de son évangile, pour nous élever au-dessus des païens, des Juifs, et de nous-mêmes. Ce qu'il a compris dans cette parole: Soyez parfaits comme votre Père céleste : et ce que son apôtre a exprimé de la manière que nous

avons vue.

(1) Matth. v. 48. - (2) Luc. 1x. 62.

XIII. JOUR.

Haine, colère, parole injurieuse : quelle en est la punition. Matth. v. 21, 22.

APRÈS cette belle préparation, après cette belle idée de la justice chrétienne, Jésus-Christ commence à régler ce qu'on doit au prochain, et il nous apprend jusqu'où l'on doit éviter de lui nuire. Saint Jean dit que celui qui hait son frère est un meurtrier (1). Jésus-Christ le répute tel. C'est pourquoi il dit, que ce n'est pas seulement en le tuant qu'on se rend digne d'être puni par le jugement; mais encore si on se fâche contre lui: Et, que si on témoigne son indignation par quelque parole de colère ou de mépris, on mérite d'être condamné par le conseil, on est digne d'une plus grande peine; mais que si on s'emporte jusqu'à l'appeler insensé, on n'évitera pas le feu éternel (2).

Il faut ici peser ces trois degrés, se mettre en colère; témoigner sa colère par quelque parole d'emportement; dire des injures atroces, et traiter son frère de fou; et les comparer avec les trois peines; le jugement, le conseil, le feu.

Le jugement emportoit la peine capitale, puisqu'il est attribué, selon les anciens, au meurtre, que la loi punissoit de mort irrémissiblement. Mais Jésus-Christ, pour faire voir combien la justice humaine étoit foible en comparaison de la divine qu'il (1) I. Joan. 111. 15. — (2) Matth. v. 21, 22.

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