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aurait le plus d'intérêt à connaître; enfin, parce qu'elle donnerait du prix aux livres immoraux ou séditieux qui échapperaient à la censure. On doit donc espérer que ce projet ne sera point adopté. Je suis, etc.

Paris, ce 9 juillet 1814.

COMTE.

OBSERVATIONS

Sur ce qui s'est passé à la chambre des députés, depuis le premier jusqu'au 12 juillet.

L'ARTICLE 8 de notre charte constitutionnelle avait clairement et solennellement proclamé la liberté de la presse. Tous les délits qu'on peut commettre, par l'abus de cette liberté, étaient prévus et punis par nos lois pénables; elle se trouvait assise sur ses véritables bases; tout était fait : nous n'avions plus qu'à en jouir, et à faire exécuter les lois destinées à lui servir de sauve-garde et d'appui. On l'a supposée mal établie; on a voulu la consolider, et l'on nous met en péril de la perdre.

On a vu, dans notre dernier numéro, comment la chambre, dans sa séance du 30 juin, avait accueilli le discours de M. Durbach sur la liberté de la presse. Les ennemis de cette liberté crurent reconnaître, dans les sentimens que venait de manifester la chambre, des dispositions favorables à l'abolition d'un droit qui les effraie. Ils voulurent profiter

du moment. Dès le même jour, plusieurs députés demandent à s'inscrire pour faire de nouvelles propositions, et, dans la séance suivante (le a juillet), M. Faure invite la chambre à supplier S. M. de présenter, dans le plus bref délai, un projet de loi qui règle les droits et les devoirs des auteurs et des imprimeurs, et préserve la liberté de la presse de la licence qui tend à la détruire. Il obtient la parole pour le surlendemain, 4 juillet.

Dans la séance de ce jour, M. Faure, appelé à développer sa proposition du 2, fait les trois questions suivantes. Il demande d'abord ce qu'on entend par la liberté de la presse ? « Est-ce la faculté de tout écrire, de tout imprimer, de tout publier, sans » crainte d'être blâmé, d'être attaqué par qui que >> ce soit?»- Qui pouvait avoir une telle pensée ? » Il est évident que M. Faure posait mal la question, et ce n'était pas montrer l'intention de la discuter franchement. Ma pensée est à moi, ajoutait-il, elle est mon domaine privé; elle ne doit donc, dirat-on, attirer sur moi aucune peine.-Qui dira cela? Qui jamais a pu dire cela ? Mou épée est à moi aussi, elle est mon domaine privé : si je m'en sers pour commettre un meurtre, ne devra-t-elle attirer sur moi aucune peine? M. Faure dépasse toutes les bornes dans cette question; on n'a jamais demandé si l'on pourrait calomnier, diffamer, corrompre, sans crainte d'être attaqué par qui que ce fût. Personne ne peut désirer que la liberté de la presse aille jusques-là, si ce n'est peut-être ceux qui demandent la censure.

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Dans la seconde question, M. Faure tombe dans un excès contraire à celui que renferme la première. Il avait demandé d'abord si l'on ne pouvait pas tout imprimer et tout publier impunément; il demande maintenant si l'on doit se borner à punir les délits 'commis par l'abus de la presse. « Comment doit-on » entendre, dit-il, la seconde partie de l'article 8 » de la charte? En se conformant aux lois qui doivent » RÉPRIMER les abus de cette liberté, se bornera-t-on » à faire des lois qui punissent le crime, ou en fera»t-on qui le préviennent ? >>

Des lois destinées à prévenir le crime ne peuvent pas être considérées comme des lois de répression; il est évident qu'empêcher ou punir le crime sont deux choses différentes : le réprimer, ce peut être le prévenir; mais le prévenir, ce n'est certainement pas le réprimer. L'article 8 ne laissait donc pas à M. Faure assez de latitude pour qu'il pût demander si l'on devait faire des lois qui prévinssent le crime; et demander si l'on pouvait faire de pareilles lois, quand l'article 8 ne parle que de lois répressives, c'était sans contredit mettre en question si l'on devait violer la charte constitutionnelle.

M. Faure demande enfin si l'on doit considérer les imprimeurs comme de simples copistes sans garantie, ou comme des complices du crime.

L'orateur discute la première question dans un ens plus exa ct qu'il ne l'avait posée. Il n'examine pas si l'on doit pouvoir tout dire impunément, mais si la liberté de la presse doit avoir d'autres limites que

celles tracéés par des lois destinées à en réprimer les abus. Il puise dans plusieurs publicistes anglais d'excellentes raisons pour établir qu'elle ne doit point en effet avoir d'autres bornes; il fait connaître à ce sujet la législation anglaise, et il finit par conclure que cette législation ne peut se concilier ni avec nos mœurs ni avec nos codes.

L'Angleterre, dit-il, n'a pas toujours joui de la liberté de la presse.-Non, mais enfin elle en a joui ; pourquoi serions-nous éternellement privés de cet avantage? Elle a eu ses censeurs.

Ce n'est

Oui, mais elle s'en est débarrassée; pourquoi ne l'imiterionsnous pas en une chose aussi édifiante? qu'à la suite de grands troubles qu'elle est parvenue à s'asseoir solidement. Sans doute, Sans doute, mais il y a vingt-cinq ans que nous sommes dans une agitation permanente; n'est-il pas permis de croire que nous sentons tous le besoin de nous reposer ? et la liberté de la presse nous empêcherait-elle de nous asseoir solidement ? Elle peut empêcher que le despotisme ne s'appesantisse sur nos têtes, et il faut convenir que nous n'en serons pas plus mal.

M. Faure trouve que nos lois pénales n'offrent point une garantie suffiante à l'Etat, ni aux particuliers, contre les écrits séditieux ou diffamatoires. Nous ne convenons point de cela; d'ailleurs, que n'en demandait-il la réforme? que n'en proposait-il de plus réprimantes? Mais ce n'était pas là son ob jet; aussi se garde-t-il bien de faire aucune proposition qui tende à ce but; au contraire, passant à sa

pour

elle,

seconde question, il demande s'il ne vaut pas mieux empêcher le mal que de le punir. On voit clairement où il veut arriver; c'est la censure qu'il désire aussi, malgré la feinte aversion qu'il manifeste finit-il par la croire nécessaire, eț par en faire la proposition. Enfin, sur la troisième question relative aux imprimeurs, non-ssulement il demande qu'ils soient considérés comme complices du mal que peuvent produire les écrits qu'ils impriment, mais il veut encore les placer dans l'heureuse impuissance de rien imprimer de mauvais; et, à cet effet, il propose de les mettre sous la main du gou

vernement.

De pareils principes me paraissent ne laisser aucun doute sur les véritables intentions de M. Faure. La proposition de M. Durbach n'avait peut-être pas un objet assez déterminé, la sienne..... Ses commettans apprécieront la conduite qu'il a tenue dans cette grande circonstance; ils jugeront s'il a pu, sans violer la constitution et trahir leur confiance, proposer le rétablissement d'une censure, quand la charte ne met d'autres bornes à la faculté qu'elle accorde aux Français d'imprimer et de publier librement leurs opinions, que celles posées par les lois destinées à réprimer les abus de cette liberté. M. Faure dira-t-il qu'une censure mitigée est dans ses principes, et que la charte lui paraît avoir laissé trop de latitude à la liberté de la presse? Il devait alors proposer de la modifier; mais en laissant subsister l'article 8 9 tel qu'il est, il ne pouvait, de bonne foi, demander la

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