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. On doit donc facilement juger quels ont été l'étonnement et la rumeur, lorsque, par l'interprétation que les orateurs dont je viens de parler ont voulu donner à l'article 8 de la charte, on a vu qu'après tant d'espérances et de promesses, ce ne serait qu'une liberté de la presse à la manière de Bonaparte, que la nation se trouvait avoir reçue. L'absurdité seule de cette supposition suffirait faire rejeter bien loin cet étrange système.

pour

Il faut rendre cette justice à S. Exc. le ministre de l'intérieur, que, convaincu par la discussion que l'interprétation donnée à l'article 8 ne pouvait se soutenir, il n'a plus présenté le projet comme loi principale et définitive, mais seulement comme transitoire, jusqu'à ce que les circonstances permissent de mettre en pleine activité la liberté constitutionnelle de la presse.

Je dois cependant relever une erreur qui a pa échapper à quelqu'un dont les études profondes sur tant d'autres objets ne lui ont pas permis de s'occuper des principes qui servent à l'interprétation des lois : il a dit que le monarque ayant donné la charte, à lui seul appartenait le droit de l'interpréter.

Je n'agiterai point ici la question de savoir si, à l'époque de la restauration sur-tout, la nation ou ses représentans ne devaient pas intervenir dans la charte même, il est, sur les premiers principes de la fondation des sociétés, des points délicats sur lesquels les amis de l'ordre et de la paix sont convenus de jeter un voile officieux; mais je dis hautement que

la constitution donnée par le prince, et acceptée par Les représentans de la nation, ce n'est plus au prince seul, mais aux trois branches réunies du corps législatif qu'il appartient de l'interpréter, sans quoi il dépendrait du prince de la détruire.

Je dirai même quelque chose de plus, c'est que serait contre lui, et en restriction de son pouvoir, plutôt qu'en sa faveur et en augmentation de ce même pouvoir, que l'interprétation devrait se faire, parce qu'il a dépendu de lui de se mieux expliquer, et d'éviter d'induire en erreur.

Après cette courte digression, l'orateur passe à l'examen des dispositions particulières du projet de loi, et fait sentir que la discordance qu'on y re. marque serait une raison suffisante pour le faire re-. jeter. Dans une matière aussi grave, dit-il, et après des débats aussi prolongés sur le sens de la charte, il ne faut pas laisser de doute sur ce principe. Il faut avouer franchement le droit des Français à publier et faire imprimer leurs opinions sans les assujétir à une censure préalable, et sauf à eux de répondre des abus.

Il faudrait en conséquence supprimer l'article 22 du projet, et le remplacer par un article premier qui, suivant l'ordre naturel des idées, poserait d'abord le principe, et rétablirait ensuite les exceptions de cette manière ou de toute autre équivalente :

« La liberté constitutionnelle de la presse sera » suspendue pendant deux ans ; jusqu'à l'expiration » de ce terme, elle sera modifiée par les dispositions » suivantes. >>

Mais cette correction n'est pas la seule que la constitution réclame; l'article 46, rangé sous la catégorie de la chambre des députés, veut qu'aucun amendement ne puisse être fait à une loi, s'il n'a été proposé ou consenti par le Roi, et s'il n'a été renvoyé et discuté dans les bureaux.

Or, dans le projet qui vous est présenté, il y a trois amendemens faits au premier projet proposé à la chambre des députés, qui n'ont été ni proposés, ni consentis par le Roi, ni renvoyés et discutés dans les bureaux.

Le premier est celui qui réduit à vingt feuilles d'impression les ouvrages dispensés de la censure, au lieu de trente que portait le premier projet.

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Le deuxième est celui qui délivre aussi de la censure les opinions des membres des deux chambres, qui n'en étaient pas exemptées par le premier projet.

Le troisième est celui qui a remplacé l'article 22du projet par un autre absolument différent, et pour le temps de la durée de la loi, et pour le genre de la to I wa

loi même.

Cette violation de la constitution est absolument inexcusable, parcé qu'elle a été faite en connaissance de cause, et malgré la réclamation de membres qui demandaient l'exécution de l'article 46, dont ils ont donné lecture à l'assemblée.

Il est d'autant plus urgent de faire justice de ce mépris de la constitution, que c'est dans les premiers temps sur-tout qu'il faut être sévère sur son exécution,

sans quoi, sous un prétexte ou sous un autre, il n'en resterait bientôt plus rien.

2

Une troisième inconstitutionnalité se trouve dans les articles 6 et 7 du projet de loi, qui veulent qu'au commencement de chaque session il soit formé une commission composée de trois pairs, de trois députés, et de trois commissaires du Roi, pour prononcer sur lés sursis que le directeur général de la librairie aura ordonnés depuis l'ouverture d'une session jusqu'à la

suivante.

parle pas de l'injustice qu'il y aurait à suspendre ainsi pendant une année entière la réparation des torts faits à un auteur, et des pertes causées à un libraire; je ne parle pas encore du tort plus grave qu'on pourrait faire à la Nation et au Gouverne ment, en cachant pendant si long-temps sous le boisseau la lumière qui aurait pu éclairer sur un abus présent, et devenu depuis irréparable; je ne parle pas non plus de l'inconvenance de ce mélange de pairs, de députés, et de commissaires du Roi.

Je dis que, par la constitution, le pouvoir exécutif et administratif est donné au Roi exclusivement et sans partage; que le pouvoir judiciaire est de même exclusivement délégué aux juges, sauf les cas taxatifs des crimes dont la connaissance est attribuée à la chambre des pairs; mais que hors de-là toute commission donnée pour prononcer administrativement ou judiciairement, soit aux pairs, soit aux députés à plus forte raison à tous les deux ensemble, puisque leurs fonctions sont respectivement incommunica

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bles, à plus forte raison encore avec des étrangers: je dis que cette commission choque sous mille faces différentes et l'esprit et les termes de la constitution.

Mais si les trois violations que j'ai notées ne peuvent se pallier, que restera-t-il de la loi? Je vois avec peine qu'elle est à refaire.'

Je vote

Je finis par cette réflexion : les véritables amis du Roi ne sont pas ceux qui veulent risquer son autorité au-delà des limites que la constitution lui a fixées, mais bien ceux qui cherclient à l'y retenir et à consolider ainsi le bonheur et la perpétuité de son gouvernement, par l'amour de son peuplen pour le rejet du projet. 4 I 931 M. le duc d'Oudeauville se prononce en faveur du projet de loi. Il avoue que si la liberté de la presse a de grands inconvéniens, elle a aussi de grands avantages; tâchons dit-il, d'éviter les premiers, et de profiter des seconds. Les Français sont disposés, par la vivacité de leur imagination, à donner dans les extrêmes, et à passer rapidement d'un excès à l'autre : tenons-nous en garde contre cette propension inquiétante, et tachons de conserver und mesure, utile et sage (1).

(1) Les ministres et leurs agens qui, suivant le projet, doivent jouir exclusivement de la liberté de la presse, seront sans doute des Français ; ils seront donc toujours disposés à donner dans les extrêmes, et à passer rapidement d'un excès à l'autre; mais s'ils doivent donner dans les extrêmes, s'ils doivent passer facilement d'un excès à l'au

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