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algré nos instances, M. Iwan Gilkin n'a
pas accepté le renouvellement du mandat
qu'il tenait des propriétaires de notre revue.
Le nouveau directeur est sûr d'être
l'interprète de tous les collaborateurs
de la Jeune Belgique en remerciant M. Iwan
Gilkin du dévouement, de l'énergie et du
talent dont il a fait preuve pendant deux
années.

Le changement qui s'est accompli n'est qu'un change-
ment de directeur, et non un changement de direction.
La Jeune Belgique, en effet, reste fidèle à son programme
d'il y a treize ans : elle défendra, en 1894 comme en 1893
et en 1892, les idées qui présidèrent à sa fondation. Plus
que jamais, elle combattra l'utilitarisme et la littérature
à tendances politiques; plus que jamais elle veut l'artiste
indépendant et l'œuvre désintéressée. « L'Art, a dit le
divin Goethe, ne doit penser à plaire qu'aux facultés qui
ont vraiment le droit de le juger. »>

Quand bien même la doctrine de l'Art pour l'Art, telle que nous l'avons maintes fois exposée, serait reconnue et démontrée fausse, il faudrait encore l'enseigner partout, en Belgique. C'est grâce à cette doctrine que la jeunesse de 1880 a pu élever son œuvre ; c'est cette doctrine qui en est la sauvegarde, et si l'on renonçait à elle, l'œuvre

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s'écroulerait et serait à recommencer demain. La génération de 1880 a émancipé l'écrivain belge en l'arrachant à la tutelle et à la tyrannie des partis; et elle n'est pas assez oublieuse d'un passé encore chaud pour laisser se produire tout retour offensif, direct ou détourné, d'un esprit qu'elle a en horreur. La Jeune Belgique veille sur ce que nous avons de plus cher : notre liberté d'écrire.

Plus que jamais aussi, elle luttera pour la préservation et le salut de la langue française, cruellement mise à mal, en Belgique, par les prophètes de l'orthographe, de la grammaire et de la syntaxe individuelles. Si nos romanciers et nos poètes veulent prétendre, sans ridicule, au titre d'écrivains français, qu'ils abdiquent le patois et le jargon! S'ils n'y renoncent point, qu'ils ne se flattent pas de survivre à leurs barbarismes! Nous sommes condamnés à lutter contre l'horrible patois belge comme les habitants de nos côtes sont condamnés à lutter contre la mer. Il faut des dunes, des dunes contre le macaque flamboyant, des dunes contre le galimatias et le pathos des nouveaux barbares!

La Direction espère qu'elle sera soutenue dans cet effort par tous les vrais amis des lettres françaises en Belgique.

ALBERT GIRAUD

LA FALAISE

A EUGÈNE De Molder

Ce soir, l'ouragan gronde en ses trompes de fer.

-

Tandis qu'en jets de feux flamboient les cieux funèbres
Et qu'une aube de foudre éblouit les ténèbres,
La Falaise apparaît, noire en l'or de l'éclair.
Contre elle l'océan bondit, déferle, écume,
Et, dans la nuit hurlante, elle habite l'horreur
Des gouffres, lentement s'écroule en leur fureur,
Et plonge jusqu'au fond dans l'immense amertume.
Mais en vain s'est rongé, crevassé son granit ;
Debout, dans chaque plaie, il cache un joyeux nid,
On entend gazouiller ses béantes morsures!

Et le roc mutilé, dès que renaît le jour,

Chante ainsi tout entier par toutes ses blessures.

Tel mon cœur, tout meurtri, n'est qu'un hymne d'amour!

EMILE VAN ARENBERGH

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