Mais favez-vous qu'enfin il fera mal la fienne, S'il faut qu'en cette humeur votre efprit l'entretienne
Et quand, charmante Élife, a-t'on vu, s'il vous plaît, Qu'on cherche auprès des grands que fon propre intérêt Qu'un parfait courtifan veuille charger leur fuite D'un cenfeur des défauts qu'on trouve en leur conduite? Et s'aille inquiéter fi fon difcours leur nuit,
fa fortune en tire quelque fruit ? Tout ce qu'on fait ne va qu'à fe mettre en leur grace; Par la plus courte voie on y cherche une place, Et les plus prompts moyens de gagner leur faveur, C'eft de flatter toujours le foible de leur cœur ; D'applaudir en aveugle à ce qu'ils veulent faire, Et n'appuyer jamais ce qui peut leur déplaire: C'eft-là le vrai fecret d'être bien auprès d'eux. Les utiles confeils font paffer pour fâcheux, Et vous laiffent toujours hors de la confidence Où vous jette d'abord l'adroite complaifance. Enfin, on voit par-tout que l'art des courtifans. Ne tend qu'à profiter des foibleffes des grands, A nourrir les erreurs, & jamais dans leur ame Ne porter les avis des chofes qu'on y blâme.
Ces maximes un temps leur peuvent fuccéder Mais il eft des revers qu'on doit appréhender
Et dans l'efprit des grands qu'on tâche de furprendre, Un rayon de lumière à la fin peut defcendre, Qui fur tous ces flatteurs venge équitablement Ce qu'a fait à leur gloire un long aveuglement. Cependant je dirai que votre ame s'explique Un peu bien librement fur votre politique; Et ces nobles motifs, au Prince rapportés, Serviroient affez mal vos affiduités.
Outre que je pourrois défavouer fans blâme Ces libres vérités fur quoi s'ouvre mon ame. Je fais fort bien qu'Élife a l'efprit trop difcret Pour aller divulguer cet entretien secret.
Qu'ai-je dit, après tout, que fans moi l'on ne fache: Et dans mon procédé que faut-il que je cache? On peut craindre une chûte avec quelque raison, Quand on met en ufage ou rufe ou trahison. Mais qu'ai-je à redouter,moi, qui par-tout n'avance Que les foins approuvés d'un peu de complaifance, Et qui fuis feulement par d'utiles leçons La pente qu'a le Prince à de jaloux soupçons ? Son ame femble en vivre, & je mets mon étude A trouver des raifons à fon inquiétude, A voir de tous côtés s'il ne fe paffe rien. A fournir le fujet d'un fecret entretien ; Et quand je puis venir, enflé d'une nouvelle, Donner à fon repos une atteinte mortelle ;
C'est lorfque plus il m'aime, & je vois sa raison D'une audience avide avaler ce poison,
Et m'en remercier comme d'une victoire Qui combleroit fes jours de bonheur & de gloire. Mais mon rival paroît, je vous laisse tous deux ; Et bien que je renonce à l'efpoir de vos vœux, J'aurois un peu de peine à voir qu'en ma présence Il reçût des effets de quelque préférence; Et je veux, fi je puis, m'épargner ce fouci.
Tout amant de bon fens en doit user ainfi.
ENFIN NFIN nous apprenons que le Roi de Navarre Pour les defirs du Prince aujourd'hui fe déclare; Et qu'un nouveau renfort de troupes nous attend Pour le fameux fervice où fon amour prétend. Je fuis furpris, pour moi, qu'avec tant de vîteffe On ait fait avancer... Mais....
SCENE III.
D. GARCIE, ÉLISE, D. ALVAR.
Quelques lettres, Seigneur; je le préfume ainfi; Mais elle va favoir que vous êtes ici.
D. GARCIE.
J'attendrai qu'elle ait fait.
D. GARCIE, feul.
PRES de fouffrir la vue;
D'un trouble tout nouveau je me fens l'ame émue,
Et la crainte mêlée à mon reffentiment
corps un foudain tremblement. Prince, prends garde au moins qu'un aveugle caprice Ne te conduife ici dans quelque précipice,
que de ton efprit les défordres puiffans Ne donnent un peu trop au rapport de res fens Confulte ta raifon, prens fa clarté pour guide; Vois fi de tes foupçons l'apparence est solide
Ne démens pas leur voix; mais auffi garde bien- Que, pour les croire trop, ils ne t'imposent rien, Qu'à tes premiers tranfports ils n'ofent trop permettre, Et relis pofément cette moitié de lettre.
Ah! qu'est-ce que mon cœur, trop digne de pitié, Ne voudroit pas donner pour fon autre moitié ! Mais, après tout, que dis-je? Il fuffit bien de l'une, Et n'en voilà que trop pour voir mon infortune. Quoique votre rival...
Vous devez toutefois vous... Et vous avez en vous à... L'obftacle le plus grand...
Je chéris tendrement ce ... Pour me tirer des mains de... Son amour, fes devoirs... Mais il m'eft odieux avec...
Otez donc à vos feux ce... Méritez les regards que l'on. Et lorfqu'on vous oblige... Ne vous obftinez point à ...
Oui, mon fort par ces mots eft affez éclairci, Son cœur, comme fa main, fe fait connoître icf; Et les fens imparfaits de cet écrit funefte, Pour s'expliquer à moi, n'ont pas befoin du refte. Toutefois, dans l'abord agiffons doucement, Couvrons à l'infidelle un vif reffentiment;
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