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auprès de sa femme et de ses enfans, qu'en l'an 1051. En l'an 1058, son fils Ivané étoit au service de l'empereur, qui lui avoit donné la souveraineté des provinces d'Haschdéan et d'Arschamouni. Au milieu des troubles qui suivirent l'avénement d'Isaac Comnène au trône, il tenta de s'emparer de plusieurs forteresses dans le pays de Daron, et même de la ville d'Arzroum. Quand il vit que la garnison d'Ani venoit pour l'en empêcher, il envoya un message aux chefs Turks et Kurdes qui étoient sur les frontières de l'Arménie, pour faire alliance avec eux et les introduire sur le territoire de l'empire, où il se trouva avec eux à la prise de Mélitène et dans d'autres endroits, et mérita l'odieux surnom de vis, Madnitch, ou le Traitre. (Mathieu d'Édesse, ms. Arménien, n.o 95, folio 96 recto, et Tchamtchéan, Hist. d'Arménie, tom. II, , p. 962 et 963.) La reconnoissance devoit rendre le fils de Libarid fidèle à l'empire et ardent adversaire des ennemis de la religion chrétienne : comment alors expliquer une conduite aussi étrange que la sienne! On a vu, dans une de nos notes, ce que nous avons dit des démêlés de Libarid avec le roi de Géorgie, et de l'accommodement fait entre eux, par la médiation de l'empereur : il n'étoit pas de nature à satisfaire le roi de Géorgie; les marques d'honneur et d'intérêt que le prince Orpélian reçut ensuite de la cour de Byzance, ne durent pas peu contribuer à augmenter sa haine contre lui. Il est donc fort probable que Libarid périt victime de la perfidie du roi, qui aura profité de cette occasion pour reprendre la Meschie, qu'il avoit été forcé de céder à Libarid durant sa vie, et peut-être se sera-t-il emparé en même temps des possessions héréditaires des Orpélians. S'il en fut ainsi, on conçoit pourquoi, en 1058, le fils de Libarid n'étoit plus dans sa patrie. Les provinces qu'il avoit reçues de l'empereur, n'étoient peut-être qu'une indemnité de celles qu'il avoit perdues en Géorgi. Les Grecs se bornèrent à cela; retenus sans doute par quelques considérations politiques, ils ne cherchèrent point à venger la mort de Libarid, et ce fut la cause de l'alliance qu'Ivané fit avec les Musulmans. La connoissance de tous ces faits nous donne lieu de croire que Libarid mourut vers l'an 1057; mais ce ne put être avant cette époque, car Mathieu d'Édesse nous atteste que le prince Orpélian vivoit encore à l'époque de l'avénement à l'empire d'Isaac Comnène, qui monta sur le trône le 8 juin de l'an 1057. Cet écri❤ vain rapporte que quand Michel Stratiotique fut forcé d'abdiquer,

son compétiteur Isaac traita avec plus de distinction les généraux qui lui avoient été fidèles, que ceux qui s'étoient révoltés contre lui ; et Libarid, qui étoit du nombre des premiers, eut, à ce titre, part aux bontés du nouvel empereur. (Ms. Arménien, n.o 95, folio 94 verso.) Ainsi, selon nos conjectures, c'est peu après que Libarid fut assassiné. Comme, en l'an 1058, son fils Ivané étoit d'un âge assez avancé pour pouvoir prendre part activement aux événemens politi ques de son siècle, on peut présumer qu'il avoit environ vingt ans, ou même davantage, et que Libarid avoit, de son côté, environ cinquante ans, comme les paroles de l'historien des Orpélians le font penser. Il auroit donc eu à-peu-près quinze ans à l'époque de l'invasion que l'empereur Basile II fit en Géorgie, et dans laquelle son père avoit trouvé la mort.

(5) Cet endroit se trouve sur la carte de Géorgie publiée en l'an 1766, par Joseph Nicolas Delisle. Il est à une petite distance de Téflis, du côté de l'occident. Il est appelé, sur cette carte, Betania; il fut sans doute nommé ainsi en commémoration de Béthanie de Judée.

(6) Ce prince doit être Bagrat IV, dont nous avons déja parlé, qui régna, selon les Géorgiens, jusqu'en l'an 1072.

(7) Je lis բարձրուԹի, au lieu de բաձրութի.

(8) La charge de Duquŋpp, thakatir, qui consistoit à couronner les rois, étoit, chez les Arméniens, du temps de la dynastie des Arsacides, héréditaire dans la famille des Pagratides.

CHAPITRE IV.

(1) Ce prince est David II, que les Géorgiens regardent comme l'un de leurs plus grands héros. Nous allons rapporter sommairement ce qu'en dit M. Klaproth (Reise in den Kaukasus und nach Georgien, tom. II, p. 175 et 176), d'après les traditions conservées par les Géorgiens, qui, en quelques points, nous paroissent s'éloigner de la vérité, ou qui, ce que nous aimons mieux, ne lui ont été transmises que d'une manière fort confuse. Selon ces traditions, David II monta sur le trône de Géorgie en l'an 1089, après la mort de son père George II; et il s'acquit parmi ses compatriotes une gloire immortelle, pour les

avoir délivrés du joug des infidèles. David fit réparer et rebâtir toutes les villes et les villages qui avoient été détruits ou ruinés, et obtint ainsi le surnom d'Aghma-schenebali, qui signifie réparateur. A son avénement au trône, son peuple étoit, pour ainsi dire, obligé de se cacher dans quelques forteresses et dans quelques vallées situées au milieu des montagnes. Son premier soin fut de chasser les Musulmans des terres qu'ils avoient conquises sur les bords du Mikvari [le Kour], de l'lori et de l'Alasani; il vainquit en peu de temps les Turks, qui désoloient la Géorgie par leurs continuelles invasions; battit les Persans devant Téflis et Rousthavi, conquit la forteresse de Samschvildé, et procura une profonde paix à son pays; puis il envoya son fils Démétrius [Dimitri] dans le Schirwan, qu'il occupa à main armée. Pour remettre la Géorgie dans un état florissant, il avoit soin d'être présent par-tout; il entra ainsi en personne, à la tête de son armée, dans la ville Persane de Kabalah, qu'il avoit conquise. En s'en retournant, il vint dans l'Anatolie, alors soumise aux Turks, et conquit tout le pays situé sur les bords du Pont-Euxin, jusqu'à Trébisonde. Lorsqu'il rentroit dans la Géorgie, pour punir les Arméniens d'une invasion hardie qu'ils avoient faite dans ses états, il leur prit Ani, alors, au pouvoir des Persans, et gouvernée par un roi Arabe nommé Dourbes. Ce prince revint avec une puissante armée vers la Géorgie, pour reprendre ses états; mais le valeureux roi David marcha en avant avec des troupes inférieures en nombre, battit complétement le général ennemi, et prit les villes de Karabagh et de Derbend. Il mourut en l'an 1130. L'église de Géorgie honore encore sa mémoire comme celle d'un saint, à cause de ses vertus extraordinaires et des services qu'il a rendus à sa patrie.

(2) Ce prince est George II, fils de Bagrat IV, dont nous avons souvent parlé dans les notes du chapitre précédent; ce fut sous son règne que les Turks Seldjoukides s'emparèrent de la plus grande partie de la Géorgie. Il régna, selon les auteurs Géorgiens, depuis l'an 1072 jusqu'en l'an 1089. (Klaproth, Reise in den Kaukasus und nach Georgien, tom. II, p. 174 et 175.)

(3) J'ignore si ce personnage est le même qu'Ivané, fils de Libarid, dont nous avons déjà parlé, ou un de ses descendans. Il nous paroît peu vraisemblable que ce soit le fils du fameux Libarid, qui, ayant une vingtaine d'années en 1058, auroit pu difficilement prendre une part

active à des guerres faites plus de soixante-dix ans après; il est bien plus probable que c'étoit son petit-fils, qui portoit son nom, selon l'usage presque constant des Arméniens et des Géorgiens. Ce qui nous donne encore lieu de le croire, c'est que Samuel d'Ani (ms. Arménien, n.o 96, folio 40 verso) fait mention, entre ces deux époques, d'un prince nommé Libarid, qui, en l'an 531 de l'ère Arménienne [1082 de J. C], embrassa le musulmanisme. Il étoit sans doute le fils du premier Ivané, qui s'étoit allié avec les Musulmans, et le père du dernier, dont il est question dans cet endroit.

(4) Ces exploits, dont notre historien donne la gloire à Ivané Orpélian, sont mis par tous les autres sur le compte du roi David II; mais il est cependant possible qu'il y ait pris une très-grande part en qualité de son connétable. Selon les historiens Arméniens (Tchamtchéan, Histoire d'Arménie, tom. III, p. 43), l'émir Ilghazy, fils d'Ortok, qu'ils appellent Elkhazi, huuqh, vint, en l'an 1121, attaquer la Géorgie avec une armée de trente mille hommes; il fut vaincu par le roi David, et obligé de prendre la fuite avec les débris de ses troupes. En apprenant ce revers, un prince que les Arméniens appellent be, Melik'h, et que je crois être Thoghrul-Begh, Seldjoukide, qui possédoit Nakhidchevan (parce qu'ils ne lui donnent que le titre d'ischkhan, b), rassembla une armée bien plus considérable, pénétra dans la Géorgie et jusqu'à Téflis, auprès de la montagne de Tégor, h4np. David vint à sa rencontre à la tête d'un grand nombre de Géorgiens, d'Alains et d'autres montagnards ; le battit, et le chassa devant lui jusqu'à la principauté d'Ani. L'année suivante, 1122, le même prince revint avec quatre-vingt mille hommes, et passa le Kour sur un pont; David le traita de la même façon, le chassa de ses états, et reprit toutes les villes de la Géorgie qui avoient été possédées par ses aïeux. Il conquit aussi beaucoup de villes et de forteresses dans les provinces de Koukarie et d'Oudie, qui avoient appartenu aux rois Arméniens de l'Albanie, telles que Kat, Dérounagan, Davousch, Gaïéan, Gaïdzon, Lorhi, Daschir et Mahganapert. On voit par ce récit que les Musulmans auroient été les agresseurs, tandis que ç'auroit été tout le contraire selon les écrivains Arabes et Syriens. Nous observerons à ce sujet qu'il est fort probable que c'est l'extrême accroissement de forces qu'avoit pris le roi David, et les avantages qu'il avoit déja remportés sur les Turks dans l'in

térieur de la Géorgie, qui amenèrent l'expédition d'Ilghazy et les guerres qui conduisirent David dans l'Arménie, sur les pas des Turks fugitifs. Samuel d'Ani parle très-brièvement de toutes ces expéditions (ms. Arménien, n.o 96, folio 42 recto); il dit qu'en l'an 569 de l'ère Arménienne [1120 de J. C.], le roi David vainquit Elkhazi et Melek'h, ; et en l'an 571 [1122 de J. C.], il met la prise de Téflis, qui fut suivie en l'an 573 [1124 de J. C.] de celle de Kat, de Dérounagan et d'Ani. Abou'lfaradj dit, dans sa Chronique Syriaque (p. 302, et vers. Latine, p. 308), que Mahmoud, sultan des Seldjoukides, envoya, en l'an 1433 de l'ère des Séleucides [1121 et 1122 de J. C.], une nombreuse armée de Turks en Géorgie, qui fut détruite en grande partie par le roi de ce pays, dans les défilés des montagnes. Le même auteur en parle plus au long dans sa Chronique Arabe (texte Arabe, p. 377 et 378, vers. Latine, p. 248 et 249); il dit qu'en l'an 514 de l'hégire [1120 et 1121 de J. C.], les Géorgiens,

joints aux peuples du الكرج وهم الخزر qu'il confond avec les Khazars du,

Kaptchak et à d'autres nations, repoussèrent les Musulmans, commandés par l'émir Il-ghazy, par Dobaïs, fils de Sadakah, et par le roi Thoghrul, qui possédoit Nakhidchevan et l'Aran, K, Jb Elli

ul. Ils s'étoient avancés jusqu'à Téflis, au nombre de plus de trente mille hommes, et ils éprouvèrent une entière défaite. Abou'lféda se contente de dire (Annal. Mosl. tom. III, p. 398) qu'en l'an 514 de l'hégire [1120 et 1121 de J.-C.], les Géorgiens firent une invasion sur le territoire des Musulmans, et prirent Téflis.

(5) La ville de Téflis n'avoit pas été conquise par les Seldjoukides sur les rois de Géorgie; elle étoit depuis long-temps au pouvoir des Musulmans. Selon Ibn-alathir, le Turk Bougha, général du khalife Motawakkel, s'en étoit emparé en l'an 238 de l'hégire [852 et 853 de J. C.]. (Ms. Arabe non coté, tom. II, folio 21 verso). Abou❜lfaradj parle aussi de cette conquête, mais sans en indiquer l'époque d'une manière précise. (Chronique, texte Syriaque, p. 163, vers. Lat. p. 166; Chronique Arabe, texte, p. 260, et vers. Lat. p. 169 et 170.) Elle resta aux Musulmans jusqu'à ce que David II s'en rendit maître. Sous leur domination, elle étoit le chef-lieu d'un canton qui s'appeloit le, Tsoghr-Téflis [la frontière militaire de Téflis]. (Abou'lféda, Géogr. ms. Arabe, n.o 578, folio 98 recto.) Il paroît que le siége

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