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appelle là le Cheval. Quoique l'arménien soit plus court que le texte Grec, les deux ouvrages s'accordent jusqu'ici; mais au lieu d'ajouter, comme Ptolémée, que Canope est une étoile très-méridionale, nỳ bàì vonúτatos, l'auteur Arménien dit que ces navigateurs l'appellent Apricicus. Non-seulement cette dénomination.n'est pas dans le grec, mais elle ne peut même être dérivée de la langue Grecque; elle vient, à n'en pas douter, du mot latin apricus, exposé au soleil, qui a fourni l'expression apricus flatus, vent du midi, et dont on a bien pu faire Apricicus. Ce nom n'auroit été donné à l'étoile de Canope qu'à cause de sa position très-méridionale, ce qui reviendroit toujours au sens de Ptolémée. Mais d'où le géographe Arménien aura-t-il pu tirer cette singulière variante! Je pense que c'est une addition de Pappus, et que cet auteur aura emprunté cette expression aux marchands Romains qui trafiquoient dans le golfe Arabique et dans l'océan Indien.

Il résulte assez évidemment de ce fait que l'auteur Arménien ne s'est servi, pour composer son ouvrage, que de celui de Pappus d'Alexandrie, qu'il s'est borné à traduire et à abréger. Nous allons examiner maintenant les diverses additions qu'il y a faites; et elles nous prouveront que ce traducteur ne peut être le célèbre Moyse de Khoren.

I. Le traducteur Arménien place les Francs dans les Gaules. En supposant que ce traducteur soit Moyse de Khoren, il se pourroit à la rigueur qu'il eût parlé des Francs comme habitans de la Gaule, quoiqu'ils n'y fussent pas encore bien puissans en l'an 460; ce qui rend difficile de croire qu'on ait pu les connoître alors en Arménie. Si l'on admet cette possibilité, il n'en résultera pas moins que c'est une interpolation; car il est impossible que Pappus, qui écrivoit dans un pays très-éloigné de la Gaule et avant l'an 400, ait pu placer parmi Tome II.

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ses habitans les Francs, qui résidoient encore au delà du Rhin, et qui n'étoient connus en deçà que par leurs invasions et leurs ravages.

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II. Le prétendu Moyse de Khoren dit que le Danube étoit appelé Iozou ou Hozou par les Russes. « La Germanie..... » s'étend, dit-il, jusqu'aux montagnes de la Sarmatie et jusqu'au Danube, qui est le Iozou des Russes. » Il est certain que si ces paroles appartenoient à Pappus d'Alexandrie, ou à son traducteur Moyse de Khoren, elles seroient d'une grande importance pour prouver l'antique existence de la nation Russe sous son nom actuel. Je crois bien que ce nom est effectivement plus ancien que Pappus, mais c'est par d'autres raisons; et s'il en avoit parlé, est-ce de cette façon qu'il l'auroit fait? Il est clair que l'endroit où il est question du Iozou des Russes, n'est qu'une note que le traducteur a intercalée pour instruire son lecteur, et qu'il n'a pu le faire que parce que les Russes étoient fort connus de son temps dans son pays. S'il en eût été autrement, de quelle utilité auroit été cette note; car il est fort probable que si le nom des Russes existoit déjà au v. siècle, un géographe de cette époque n'auroit pu en faire mention que dans une longue nomenclature des peuplades qui habitoient au nord de la mer Noire ou du Danube; parce que les Russes n'étoient pas assez puissans pour être distingués plus particulièrement. Il nons paroît ensuite fort douteux qu'on pût les trouver dès-lors du côté du Danube. Cette note ne peut donc avoir été faite que dans un temps où les Russes avoient déjà acquis une grande célébrité, ce qui n'arriva que long-temps après; et cette note seule suffit pour prouver que cette géographie a été composée ou traduite en arménien, à une époque de beaucoup postérieure à Moyse de Khoren, et dans un temps où les Russes étoient assez puissans

ét assez célèbres pour que leur nom fût connu jusqu'en Arménie. C'est dans le x.° siècle que les Russes commencerent à se faire connoître par leurs pirateries sur la mer Noire, et par les guerres qu'ils soutinrent contre les Grecs sur les bords du Danube, ce qui répandit leur nom jusque chez les Orientaux. L'historien Arabe Masoudy, qui écrivoit en l'an 944, parle du grand commerce qu'ils faisoient à Trébisonde et sur la mer Caspienne, dans les pays des Khazars (1), d'où ils pouvoient facilement avoir des rapports avec les Arméniens, dont ils étoient d'ailleurs voisins, puisqu'ils avoient de grandes possessions entre la mer Caspienne et la mer Noire, et que plusieurs de leurs princes régnèrent à Temrouk ou Tmoutarakan, au midi de la mer d'Asof. Toutes ces considérations réunies me font croire que c'est vers l'an 950 que la géographie qui nous occupe a été composée; car c'est alors que les Russes commencèrent à faire la guerre aux empereurs de Constantinople, sur les bords du Danube, et qu'ils portèrent même leurs ravages dans l'Asie mineure.

Nous observerons ici que, quoique le nom de Iozou ou Hozou ne se trouve point, comme donné au Danube, dans les plus anciens historiens Russes, ce n'est ni un mot corrompu, ni un nom controuvé, comme quelques personnes seroient peut-être tentées de le penser. Je le crois effectivement originaire des régions qui avoisinent la mer Noire du côté du Danube et du Borysthène. Scherif-eddin rapporte, dans son Histoire de Timour, que les troupes de ce conquérant pénétrèrent en Europe jusqu'à un fleuve appelé Ouzy; Petis de la Croix, son traducteur Français, prétend, il est vrai, que

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(1) Masoudy, Moroudj-eddheheb, ms. de Constantinople, tom. I.", fol. 53 recto et verso, et 79 recto.

ce fleuve est le Borysthène. Abou'lféda, qui vivoit environ un siècle avant Scherif-eddin, parle aussi de ce fleuve, qu'il appelle Ozou. « C'est aussi un grand fleuve, dit-il, qui » vient du nord: il est à l'orient du Thona [le Danube] >> dont nous avons déja parlé. Il coule d'abord vers l'occi>dent, fait ensuite un coude et se dirige vers l'orient; puis >> il se jette dans un golfe de la mer de Krim, entre Sari-kerman » et Akdja-Kerman, qui sont deux villes sur la mer de Krim, >> à-peu près sous la même latitude que Soudak, mais à » une longitude un peu plus foible, parce qu'elles en sont à » une grande distance du côté de l'occident (1). » Je crois donc que ce nom peut avoir été autrefois en usage chez les indigènes de la Russie méridionale, qui l'auront peut-être reçu des Tartares. Rien ne s'oppose raisonnablement à ce qu'il fût en usage chez les Russes au temps où la géographie qui nous occupe a été composée. Les Russes l'auront oublié comme bien d'autres; en effet, si nous nous en rapportons au récit de l'empereur Constantin Porphyrogénète, les Russes de son temps parloient une langue bien différente de celle des Slaves; car il donne les noms de toutes les cataractes du Borysthène, en langue Slave et en langue Russe : les premiers se comprennent facilement par le russe actuel, les autres sont à-peuprès inintelligibles. Pourquoi les noms d'Ouzy, Ouzou et Iozou, n'auroient-ils pas été donnés pour une raison inconnue, par

نهر ازو وهو أيضا نهر عظيم ياتى من الشمال وهو شرقى نهر طنا (1) المقدم الذكر ويمر مغربا ثم يعطف ويجرى مشرقا ويصب في جون من بحر القدم بين صاری کرمان واقجا كرمان وهما مدينتان على بحر الـقــرم عرضهما مقارب لعرض صوداق وطوليهما اقل بكثير لانهما غربى صوداق Aboulfeda, Géogr. ms. Arabe, n. 578, fol. 30 recto بمسافة كبيرة

et verso.

certains peuples de ces régions, à plusieurs rivières, comme plus anciennement ceux de Don, Tanaïs et Donau, qui sont la même chose que celui de Danube, avoient été appliqués à diverses rivières, par une raison pareille, et par d'autres peuples d'origine différente, qui habitèrent dans les mêmes pays. Aussi je pense que les uns comme les autres, ils n'ont pas d'autre sens que celui de fleuve ou de rivière; et nous trouvons dans le turk oriental le mote ogous prononcé oyuz, qui a précisément ce sens. Comme au IX. siècle, et long-temps après, les Patzinaces ou Petchenègues, qui étoient Turks, habitoient sur les bords du Danube et du Pont-Euxin, il ne seroit pas étonnant que les Russes eussent reçu d'eux le nom d'lozou, ou un à-peu-près semblable, qu'ils l'eussent donné au Danube, et qu'à cause de son application indéterminée, on ait continué ensuite de le donner au Borysthène.

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III. Le géographe Arménien donne à la Chersonèse Taurique le nom de Khrim ou Crimée, qui ne se trouve pas dans la traduction des frères Whiston, quoiqu'il soit dans leur texte. Ce nom est sans doute dérivé de celui des anciens Cimmériens; mais ce n'est probablement qu'à une époque assez moderne qu'il a été connu sous cette forme altérée. Dans cet endroit, l'auteur se sert d'expressions qui méritent d'être remarquées. « La Sarmatie, dit-il, contient plusieurs petits pays: Kherson Khrim, qui est une presqu'île, est aux Chrétiens, et une » grande quantité sont aux idolâtres. » Ces paroles semblent dire qu'au temps où écrivoit l'auteur, la Tauride étoit la seule région chrétienne de la Sarmatie. Au siècle de Pappus et de Moyse de Khoren, elle ne faisoit pas partie de l'empire Romain; il est, par conséquent, fort douteux que le christianisme y eût pénétré ce ne fut qu'à une époque plus récente qu'elle fit partie de l'empire et qu'elle forma une de

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