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ses divisions militaires, sous la dénomination de Thème de Cherson, a Xepovos; ce qui revient précisément à ce que dit notre auteur: car les mots րիստոնէից զփեռսուն ne signifient pas Christianam Chersonesum, comme le pensent les frères Whiston, mais Cherson, qui est aux Chrétiens. En rapprochant ce passage de ce que nous avons dit plus haut des Russes, l'auteur Arménien ne nous dit-il pas assez clairement l'époque à laquelle il a composé son ouvrage ! Les Russes ne se convertirent au christianisme qu'en l'an 986: jusqu'alors la Tauride fut la seule région chrétienne du nord; ce qui nous indique, comme nous l'avons déja dit, que c'est vers l'an 950 qu'il faut placer la composition de ce livre.

IV. En parlant des peuples compris dans la Sarmatie Asiatique, parmi lesquels il en est plusieurs qui habitoient dans le mont Caucase, le géographe Arménien fait mention de ceux du Schirwan. On sait, par le témoignage de tous les écrivains Orientaux, et de Masoudy en particulier, que ce nom, que porte actuellement l'Albanie des anciens, ne.commença à être en usage que sous le règne du roi de Perse Khosrou-Nouschirwan, au milieu du vi.° siècle. Nous n'en ferons pas connoître d'une manière plus précise l'origine; il nous suffit ici que le fait soit constant. La première fois qu'il en est question, à notre connoissance, chez les étrangers, c'est dans le traité de l'empereur Constantin Porphyrogénète sur les cérémonies de la cour de Constantinople (1).

V. L'auteur de cette géographie compte, parmi les subdivisions de la Géorgie et de l'Albanie, plusieurs des provinces du nord de l'Arménie, quoiqu'il les énumère cependant ensuite dans sa description de ce dernier pays. Ces provinces tombèrent

(1) De Ceremon. aul. Byzant. cap. 48, tom. II, pag. 397.

effectivement au pouvoir des Géorgiens et des Albaniens; mais ce ne fut qu'après la destruction de la monarchie Arsacide en Arménie, qui arriva en l'an 428; et plusieurs écrivains nous attestent que, long-temps après, ces provinces étoient encore possédées par des princes Arméniens.

VI. Le nom de Sadakh, []шmшfu, que l'auteur Arménien donne à l'une des subdivisions de la quatrième Arménie, ne peut, en aucune manière, appartenir au temps de Moyse de Khoren: car, selon le témoignage de Jean, évêque des Mamigonéans, qui écrivoit son histoire du pays de Daron en l'an 681, on voit que ce nom ne commença à être en usage qu'au commencement du VII. siècle, sous le règne de l'empereur Héraclius. Jusqu'alors ce pays s'étoit appelé Ardchk'h Vr2; il reçut cette nouvelle dénomination du prince George, qui portoit le surnom de Schadakhos mшsuou [le Bavard], qui en étoit souverain à cette époque (1), et elle ne fut qu'une corruption abrégée de ce surnom.

VII. L'auteur Arménien parle encore d'un pays de l'Arabie Pétrée, qu'il appelle Pharhnitis, et qui est sans doute la regio Pharanitis des écrivains ecclésiastiques. Il y place la demeure d'Abraham, won Xppw<wil, que ces auteurs n'ont jamais placée dans ce pays, mais qui est évidemment la Mecque; car il est clair qu'il a donné à l'Arabie Pétrée une étendue qu'elle n'a pas dans les auteurs anciens. Il est certain qu'en admettant même que la tradition qui plaçoit à la Mecque le séjour d'Abraham, eût existé dans l'Arabie long-temps avant Mahomet, elle n'a pu être connue hors de ce pays qu'après l'extension du musulmanisme.

(1) Jean, évêque des Mamigonéans, Histoire de Daron, ch. VII, pag. 10, suppl. édition de Constantinople, 1719.

VIII. En parlant des villes de la Babylonie, le prétendu Moyse de Khoren fait mention de la ville de Basrah, qui ne fut fondée qu'après l'établissement du musulmanisme. Son origine nous est connue de la manière la plus certaine. L'auteur du Modjmel - altewarikh nous apprend qu'elle fut bâtie sous le khalifat d'Omar, par Otbah, fils de Ghazwan, de la tribu de Mazen, en l'an 15 de l'hégire (1), et selon Abou❜lféda (2), dans le mois de ramadan de l'an 14 de l'hégire, c'est à-dire, dans le mois de mars 635 de J. C. Les Arabes construisirent cette ville pour intercepter toutes les communications de la Perse, qui n'étoit pas encore conquise, avec la mer des Indes (3). On ne peut pas supposer qu'ils ne firent qu'agrandir une ville plus ancienne et qui auroit déjà porté le même nom; car HamzahIsfahany (4) nous apprend qu'ils cherchèrent long-temps avant de pouvoir trouver un endroit assez solide pour y placer une ville, à cause de la nature marécageuse du pays. Enfin ils se décidèrent pour un terrain très-sec, qu'ils trouvèrent dans le voisinage d'Obolah, et qui étoit entièrement composé de pierres blanches, circonstance qui fit donner à la nouvelle cité le nom de Basrah. Le mot de signifie en arabe

une sorte de pierre blanche ; c'est ce qu'attestent aussi l'auteur du Modjmel-altewarikh (5), et Tabary, plus ancien que lui, et qui, dans son Histoire universelle, a consacré un long chapitre au

(1) Modjmel-altewarikh, ms. Persan, n.o 62, fol. 179 verso et 180 recto. (2) Annal. Moslem. tom. I.", pag. 224.

(3) Modjmel-altewarikh, ms. Persan, n.o 62, fol. 179 verso. (4) Apud Reiske, Adnotat. histor. ad Abulfeda Annal. tom. I.er, pag. 42.

و آن زمین سنگستان سپید بود از جهت آن بصره نام نهادند (5)

djmel-altewarikh, ms. Persan, n.o 62, fol. 180 recto.

récit de la fondation de cette ville (1). Si, malgré tout cela, on supposoit encore qu'un petit endroit appelé Basrah ait existé antérieurement sur le même emplacement, on ne pourra disconvenir que cette ville ne dut acquérir une grande célébrité que sous le gouvernement des Arabes. Elle devint alors l'entrepôt principal du commerce avec l'Inde par le Tigre et l'Euphrate, qui se faisoit avant à Obolah, ville qui conserva encore long-temps une partie de son importance. Quand on voit ensuite que l'auteur Arménien parle de Basrah comme d'un lieu très - florissant par le commerce, et où venoient trafiquer une multitude de vaisseaux des Indes et de la Chine, on ne peut s'empêcher de penser que ce passage a été écrit du temps des khalifes, à l'époque de la grande splendeur de cette ville, qui devint la métropole du pays, et qui finit par amener la ruine de toutes les villes de commerce qui existoient autrefois vers la partie inférieure de l'Euphrate et du Tigre, telles qu'Obolah, Forath, Abadan et plusieurs autres.

IX. M. de Sainte-Croix avoit déjà remarqué que la mention de Basrah dans notre géographie Arménienne, devoit faire croire que son auteur n'étoit pas Moyse de Khoren (2); mais ni lui, ni personne, n'avoit remarqué que, dans le même paragraphe, il étoit encore question d'une autre ville fondée également après l'établissement du musulmanisme, c'est-à-dire, de Koufah, qui fut bâtie après la prise de Madaïn, capitale de l'empire de Perse, en l'an 17 de l'hégire [638 de J. C.]. Ce qui a empêché de la reconnoître, c'est qu'elle est mentionnée dans l'auteur Arménien sous le nom un peu corrompu de

(1) Ms. Persan, n.o 63, pag. 442, 443 et 444.
(2) Journal des Savans, 1789, Avril, pag. 217 et suiv.

Inn Gogha, qui tire son origine de celui d'Akoula aos, que les Syriens donnoient à cette ville (1).

X. Enfin, en parlant de la mesure itinéraire que nous connoissons, par les Grecs, sous le nom de parasange, et qui a conservé assez exactement dans son orthographe l'indice de son origine Persane (i fersenk, en persan), l'auteur Arménien en fait mention sous le nom de pupumu p’harsakh, qui dérive de farsakh, forme altérée qui fut mise en

فرسخ

usage et répandue par les Arabes dans les premiers temps du musulmanisme (2), à une époque où la tyrannie des vainqueurs interdisoit presque l'usage de la langue Persane. Il est certain que la forme que nous voyons dans l'auteur Arménien, ne peut se rapporter au temps de Moyse de Khoren.

Je pourrois encore m'arrêter sur plusieurs autres passages (3);

(1) Assémani, Biblioth. Orient. Vatic. tom, III, part. 11, pag. 715. (2) C'est certainement à cette époque que doit remonter l'usage d'une mesure Arménienne appelée pш khrasakh, ou Spfu hrasakh, qui étoit de la même longueur que l'ancienne parasange Persane, et dont le nom est visiblement dérivé de l'altération Arabe. Il est même probable que c'est la leçon qui étoit dans le texte original, car M. Zohrab, savant Arménien de Venise, l'a retrouvée dans plusieurs manuscrits de cet ouvrage. Avant ce temps, ce même mot existoit dans l'arménien sous la forme Spa, Hrasah. Voyez Élisée, Hist. des Vartanéans, pag. 158 et 160. Il est bon de remarquer que l'F des Persans se change constamment en H chez les Arméniens, qui ont fait Spunu hraman de ferman.

(3) Comme celui où il est question des Turks, qui ne paroissent dans l'histoire de l'Orient et dans la Byzantine que vers la fin du VI. siècle, et qui ne sont jamais nommés dans l'Histoire d'Arménie de Moyse de Khoren, quoiqu'il s'y présente plusieurs occasions où il auroit naturellement dû en parler, s'ils avoient déjà été connus de son temps. Je remarquerai

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