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avec la nature humaine, pour chercher sa brebis qui périssoit, et l'ayant trouvée par son amour, remplit de joie la milice céleste, de même, saint père, par votre indicible sagesse et par votre clémence remplie de douceur, portez-nous de la consolation, à nous, fidèles serviteurs du Christ, qui languissons dans la Perse sous des prélats barbares et ambitieux et sous le joug des infidèles.

Par cette lettre, nous faisons connoître à votre sainteté toutes les vexations que nous avons à souffrir de nos ecclésiastiques. Le patriarche Jacques (3), et Éléazar (4), après s'être beaucoup tourmentés et après avoir donné beaucoup de présens aux infidèles, s'accordèrent à la fin; et nous avons payé, pour les dettes du patriarche Jacques, deux mille bourses, et, pour celles d'Éléazar, les ecclésiastiques ont donné plus de deux mille autres bourses. Nous nous sommes ensuite assemblés à Saint-Edchmiadzin, et nous avons décidé, avec le patriarche Jacques, qu'il iroit en personne auprès de votre sainteté pour se réunir à la foi orthodoxe des Romains, pour se soumettre à votre siége de S. Pierre et de S. Paul, et pour vous faire connoître nos desirs. Nous avons choisi, pour l'accompagner, le seigneur Israël, issu de la race du prince Borhosch (5), illustre chez les Arméniens; mais comme ensuite, à cause des infidèles et par d'autres justes raisons, il ne put se mettre en route, nous avons choisi en sa place son fils Israëlorin, que nous acceptâmes, pour qu'il allât, avec le patriarche Jacques, auprès de votre sainteté. Lorsqu'ils furent arrivés à Constantinople et que les infidèles les empêchèrent d'aller plus avant, le patriarche, accablé de peine et de chagrin de ce qu'il ne pouvoit accomplir les projets qu'il avoit dans son cœur (6), s'en alla, à cause de nos péchés, rejoindre Dieu, et notre entreprise s'évanouit. Les évêques

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et les princes revinrent, à l'exception du seigneur Israëlorin, descendant du prince Borhosch, qui passa en France, où il resta si long-temps que nous avons pensé qu'il y étoit

mort.

Après cela, nous princes, nous nous sommes réunis de nouveau à Edchmiadzin, auprès du grand patriarche, et nous avons résolu qu'il iroit auprès de votre sainteté, pour se réunir à la foi orthodoxe et Romaine, pour se soumettre au saint siége de S. Pierre et S. Paul, et pour vous faire connoître nos desirs. Quand il fut arrivé à Théodosiopolis (7), il lui fut impossible de passer outre, à cause des infidèles : il revint donc et mourut peu après. On sacra patriarche après lui le vartabied Nahabed (8), qui siégea six ans sans que nous pussions lui faire connoître nos desirs secrets, parce qu'il n'étoit pas uni d'amour et de concorde avec nous. Ensuite le vartabied Étienne Dchoughaïetsi (9), en donnant des présens aux infidèles, reçut un ordre pour venir siéger à Edchmiadzin ; mais ensuite, le patriarche Nahabed reprit fe patriarcat, en donnant de plus grands présens que lui, jusqu'au point de vendre les vases sacrés pour en donner la valeur aux infidèles : de sorte qu'Étienne fut jeté dans une prison, où il est mort. Dans l'autre siége de Kandsasar, il y a de pareilles dissensions. Nous, qui avons vu toutes ces choses, et qui autrefois, pour empêcher l'affoiblissement de la foi et la perte des églises, choisissions, selon les lois, les plus dignes pour remplir ce siége, qu'on s'arrache à force d'argent; misérables, sans secours, nous étions dans la douleur: mais aujourd'hui, nous rendons des actions de grâces à Dieu, parce que le seigneur Israëlorin est revenu vers nous, de la terre des chrétiens, après dix-neuf ans d'absence. Il a découvert nos vœux secrets à Iranalthes, électeur palatin, et au grand emTome II. ᎻᏂ

pereur et roi (10); il est venu avec des lettres d'Iranalthes, et il étoit inconnu au milieu d'Edchmiadzin, pour mieux juger les mœurs des ecclésiastiques et n'en être pas connu. Enfin il est venu vers nous et nous a tout raconté. Nous princes nous étant ensuite rassemblés, nous nous sommes rendus à Kandsasar, et le seigneur Israël nous dit alors de ne point manifester notre intention à nos ecclésiastiques, avant de leur avoir parlé. Nous nous assîmes donc avec le patriarche Philippe et les évêques qui lui sont attachés, et nous discutâmes sur la foi orthodoxe, sur le siége de S. Pierre et de S. Paul et sur la réunion avec les Romains; ce qui causa parmi nous un grand tumulte, sur-tout quand nous vîmes que les paroles du seigneur Israël étoient vraies et qu'elles étoient fondées sur l'autorité des Écritures et du saint Évangile, et que nous vîmes, au contraire, que le patriarche et les évêques ses partisans s'éloignoient de la vérité. Nous l'avons donc reconnu, et tous nous obéissons à la foi orthodoxe de Rome, de S. Pierre, de S. Paul et du souverain pontife, vicaire du Christ, ainsi qu'à la sainte Église universelle,

orthodoxe et Romaine.

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Cependant le patriarche Philippe lui répondit : « Nous » aussi, nous obéissons à S. Pierre et à S. Paul. » Alors le seigneur Israël lui répliqua : « Si vous étiez soumis à la »sainte église et au siége de S. Pierre et S. Paul, comme » S. Grégoire l'illuminateur, vous en recevriez les ordres » sacrés, si toutefois vous en êtes dignes, et vous ne les >> recevriez pas en donnant des présens aux infidèles, et vous » ne tromperiez pas, par des erreurs, le peuple fidèle. » Voyant que le désordre s'accroissoit, nous nous séparâmes avec le seigneur Israël, et revînmes chez nous sans avoir rien obtenu du patriarche ni des prêtres. Nous redoutions encore

les évêques, parce que nous ne leur avions pas non plus découvert nos projets, et que nous leur avions dit qu'à force d'argent ils s'arrachoient leurs siéges les uns aux autres. Nous les laissâmes après tout cela, et nous nous retirâmes chez nous; puis, par l'ordre du seigneur Israël, nous ouvrîmes les lettres adressées aux patriarches par Iranalthes, électeur (11): * nous les lûmes avec une grande joie et une bien grande satisfaction, ainsi que peut le prouver le témoignage du seigneur Israël. Nous y vîmes que Dieu pouvoit nous délivrer, nous chrétiens dispersés, non-seulement par le secours de votre sainteté, mais encore par celui des plus grands rois chrétiens.

Nous faisons encore savoir à votre sainteté que le seigneur Israël, noble de notre Arménie, et qui a souffert tant de vexations et d'opprobres jusqu'à ce jour, a été jugé, par cette raison, digne d'être notre chef: tout ce qu'il fera nous sera agréable. Par la grâce bienheureuse du Christ, nous avons choisi pour notre confesseur le vartabied Minas, abbé du monastère de S. Jacques, que nous avons instruit de la vérité quand nous avons connu sa droiture, et nous lui avons dévoilé nos intentions. Il étoit plongé dans l'affliction, parce que les infidèles avoient détruit son église, en avoient enlevé les vases sacrés, et l'avoient réduit à la plus profonde misère. Nous disons de nouveau que, s'accordant parfaitement de cœur avec nous, nous lui avons donné notre lettre, et nous nous sommes ensuite entendus avec le seigneur Israël, qui a fait parvenir une lettre au seigneur Nersès, chapelain de l'empereur (12) et roi, qui, d'après nos informations, est instruit de nos véritables intentions. Nous les avons choisis pour aller auprès de votre sainteté, dans le dessein qu'ils vous fassent connoître nos propres desirs, et qu'ils se jettent à vos pieds en implorant votre miséricorde ᎻᏂ 2

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et en versant des larmes pour nous, chrétiens égarés. Saint père, nous desirons, nous aimons votre sainteté ; que votre clémence soit touchée, que vos entrailles s'émeuvent pour nous tirer de cette captivité de Pharaon. Souverain pontife des grands rois et des princes chrétiens, ayez pitié de nous et délivrez ce peuple des mains de ses oppresseurs. Saint père, nous avons espoir en Dieu et en votre sainteté, qu'un prince de l'illustre famille de l'électeur palatin (13) vienne vers nous; et par la miséricorde de Dieu, ainsi que par secours de votre sainteté, l'union à la foi orthodoxe sera établie chez nous. Après notre délivrance, si nos patriarches veulent, avec obéissance et humilité, se soumettre à votre sainteté, cela nous paroîtra bon et agréable; mais s'ils ne le veulent pas, nous ne les accepterons point et nous en recevrons de nouveaux de votre sainteté, et nous les placerons à Edchmiadzin. Nous appréhendons que nos ecclésiastiques ne connoissent notre dessein, et qu'ils ne nous fassent tous passer au fil de l'épée. Il seroit important que nous allassions auprès de votre sainteté, que nous nous jetassions à ses pieds en versant des larmes, et que nous lui baisassions la main; mais comme cela nous est impossible, à cause de la crainte que nous avons des infidèles, plaçant notre confiance en Dieu, nous avons remis nos lettres entre les mains de notre vartabied Minas et du seigneur Israël, qui est inconnu. Nous supplions encore votre sainteté d'ordonner évêque le seigneur Nersès, que vous l'envoyiez vers nous pour qu'il nous gouverne par votre autorité. Notre espoir est tout en ce voyage. Nous prions Dieu et vous avec ardeur pour que notre desir soit accompli par les dignes prières de votre

sainteté.

Nous, serviteurs indignes de votre sainteté, nous avons

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