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nements et regrettable pour les peuples. Il pense que l'administration des États Romains offre des inconvénients d'où peuvent naitre des dangers que le Congrès a le droit de chercher à conjurer; que, les négliger, ce serait s'exposer à travailler au profit de la révolution que tous les Gouvernements condamnent et veulent prévenir. Le problème, qu'il est urgent de résoudre, consiste à combiner, selon lui, la retraite des troupes étrangères avec le maintien de la tranquillité, et cette solution repose dans l'organisation d'une administration qui, en faisant renaître la confiance, rendrait le Gouvernement indépendant de l'appui étranger; cet appui ne réussissant jamais à maintenir un Gouvernement auquel le sentiment public est hostile, il en résulterait, dans son opinion, un rôle que la France et l'Autriche ne voudraient pas accepter pour leurs armées. Pour le bien-être des États Pontificaux, comme dans l'intérêt de l'autorité souveraine du Pape, il serait donc utile, selon lui, de recommander la sécularisation du Gouvernement et l'organisation d'un système administratif en har monie avec l'esprit du siècle et ayant pour but le bonheur du peuple. Il admet que cette réforme présenterait peut-être à Rome même, en ce moment, certaines difficultés; mais il croit qu'elle pourrait s'accomplir facilement dans les Légations.

M. le premier Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne fait remarquer que, depuis huit ans, Bologne est en état de siége, et que les campagnes sont tourmentées par le brigandage. On peut espérer, pense-t-il, qu'en constituant, dans cette partie des États Romains, un régime administratif et judiciaire à la fois laïque et séparé, et qu'en y organisant une force armée nationale, la sécurité et la confiance s'y rétabliraient rapidement, et que les troupes Autrichiennes pourraient se retirer avant peu sans qu'on eût à redouter le retour de nouvelles agitations; c'est, du moins, une expérience qu'à son sens on devrait tenter, et ce remède, offert à des maux incontestables, devrait être soumis par le Congrès à la sérieuse considération du Pape.

En ce qui concerne le Gouvernement Napolitain, M. le premier Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne désire imiter l'exemple que lui a donné M. le Comte Walewski, en passant sous silence des actes qui ont eu un si fâcheux retentissement. Il est d'avis qu'on doit, sans nul doute, reconnaître, en principe, qu'aucun Gouvernement n'a le droit d'intervenir dans les affaires intérieures des autres États; mais

il croit qu'il est des cas où l'exception à cette règle devient également un droit et un devoir. Le Gouvernement Napolitain lui semble avoir conféré ce droit et imposé ce devoir à l'Europe; et, puisque les Gouvernements représentés au Congrès veulent tous, au même degré, soutenir le principe monarchique et repousser la révolution, on doit élever la voix contre un système qui entretient au sein des masses, au lieu de chercher à l'apaiser, l'effervescence révolutionnaire. « Nous »> ne voulons pas, dit-il, que la paix soit troublée, et il n'y pas de » paix sans justice; nous devons donc faire parvenir au Roi de Naples >> le vœu du Congrès pour l'amélioration de son système de gouver»> nement, vœu qui ne saurait rester stérile, et lui demander une >> amnistie en faveur des personnes qui ont été condamnées, ou qui » sont détenues, sans jugement, pour délits politiques. »

Quant aux observations présentées par M. le Comte Walewski sur les excès de la presse belge, et les dangers qui en résultent pour les pays limitrophes, les Plénipotentiaires de l'Angleterre en reconnaissent l'importance; mais, représentant d'un pays où une presse libre et indépendante est, pour ainsi dire, une des institutions fondamentales, il ne saurait s'associer à des mesures de coercition contre la presse d'un autre État. M. le premier Plénipotentiaire de la GrandeBretagne, en déplorant la violence à laquelle se livrent certains organes de la presse belge, n'hésite pas à déclarer que les auteurs des execrables doctrines auxquelles faisait allusion M. le Comte Walewski, que les hommes qui prêchent l'assassinat comme moyen d'atteindre un but politique, sont indignes de la protection qui garantit à la presse sa liberté et son indépendance.

En terminant, M. le Comte de Clarendon rappelle qu'ainsi que la France, l'Angleterre, au commencement de la guerre, a cherché, par tous les moyens, à en atténuer les effets, et que, dans ce but, elle a renoncé, au profit des neutres, durant la lutte qui vient de cesser, à des principes qu'elle avait, jusque-là, invariablement maintenus. Il ajoute que l'Angleterre est disposée à y renoncer définitivement, pourvu que la course soit également abolie pour toujours; que la course n'est autre chose qu'une piraterie organisée et légale, et que les corsaires sont un des plus grands fléaux de la guerre, et que notre état de civilisation et d'humanité exige qu'il soit mis fin à un système qui n'est plus de notre temps. Si le Congrès tout entier se ralliait à

la proposition de M. le Comte Walewski, il serait bien entendu qu'elle n'engagerait qu'à l'égard des Puissances qui y auraient accédé, et qu'elle ne pourrait être invoquée par les Gouvernements qui auraient refusé de s'y associer.

M. le Comte Orloff fait observer que les pouvoirs dont il a été muni ayant pour objet unique le rétablissement de la paix, il ne se croit pas autorisé à prendre part à une discussion que ses instructions n'ont pas pu prévoir.

M. le Comte de Buol se félicite de voir les Gouvernements de France et d'Angleterre disposés à mettre fin aussi promptement que possible à l'occupation de la Grèce. L'Autriche, assure-t-il, forme les vœux les plus sincères pour la prospérité de ce royaume, et elle désire également, comme la France, que tous les pays de l'Europe jouissent, sous la protection du droit public, de leur indépendance politique et d'une complète prospérité. Il ne doute pas qu'une des conditions essentielles d'un état de choses aussi désirable ne réside dans la sagesse d'une législation combinée de manière à prévenir ou à réprimer les excès de la presse que M. le Comte Walewski a blȧmés avec tant de raison, en parlant d'un État voisin, et dont la répression doit être considérée comme un besoin Européen. Il espère que, dans tous les États continentaux où la presse offre les mêmes dangers, les Gouvernements sauront trouver dans leur législation les moyens de la contenir dans de justes limites, et qu'ils parviendront ainsi à mettre la paix à l'abri de nouvelles complications internationales.

En ce qui concerne les principes de droit maritime, dont M. le premier Plénipotentiaire de la France a proposé l'adoption, M. le Comte de Buol déclare qu'il en apprécie l'esprit et la portée, mais que, n'étant pas autorisé par ses instructions à donner un avis sur une matière aussi importante, il doit se borner, pour le moment, à annoncer au Congrès qu'il est prêt à solliciter les ordres de son Souverain.

Mais ici, dit-il, sa tâche doit finir. Il lui serait impossible, en effet, de s'entretenir de la situation intérieure d'États indépendants qui ne se trouvent pas représentés au Congrès. Les Plénipotentiaires n'ont reçu d'autre mission que celle de s'occuper des affaires du Levant, et n'ont pas été convoqués pour faire connaître à des Souverains in

dépendants des vœux relatifs à l'organisation intérieure de leur pays les pleins pouvoirs déposés aux actes du Congrès en font foi. Les instructions des Plénipotentiaires Autrichiens, dans tous les cas, ayant défini l'objet de la mission qui leur a été confiée, il ne leur serait pas permis de prendre part à une discussion qu'elles n'ont pas prévue.

Pour les mêmes motifs, M. le Comte de Buol croit devoir s'abstenir d'entrer dans l'ordre d'idées abordé par M. le premier Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne et de donner des explications sur la durée de l'occupation des Etats Romains par les troupes Autrichiennes, tout en s'associant cependant et complétement aux paroles prononcées par le premier Plénipotentiaire de la France à ce sujet.

M. le Comte Walewski fait remarquer qu'il ne s'agit ni d'arrêter des résolutions définitives, ni de prendre des engagements, encore moins de s'immiscer directement dans les affaires intérieures des Gouvernements représentés ou non représentés au Congrès, mais uniquement de consolider, de compléter l'œuvre de la paix en se préoccupant d'avance des nouvelles complications qui pourraient surgir, soit de la prolongation indéfinie ou non justifiée de certaines occupations étrangères, soit d'un système de rigueurs inopportun et impolitique, soit d'une licence perturbatrice, contraire aux devoirs internationaux.

M. le Baron de Hübner répond que les Plénipotentiaires de l'Autriche ne sont autorisés ni à donner une assurance, ni à exprimer des vœux. La réduction de l'armée Autrichienne dans les Légations dit assez, selon lui, que le Cabinet Impérial a l'intention de rappeler ses troupes dès qu'une semblable mesure sera jugée opportune.

M. le Baron de Manteuffel déclare connaître assez les intentions du Roi, son auguste maître, pour ne pas hésiter à exprimer son opinion, quoiqu'il n'ait pas d'instructions à ce sujet, sur les questions dont le Congrès a été saisi.

Les principes maritimes, dit M. le premier Plénipotentiaire de la Prusse, que le Congrès est invité à s'approprier, ont toujours été professés par la Prusse, qui s'est constamment appliquée à les faire prévaloir, et il se considère comme autorisé à prendre part à la signa-ture de tout acte ayant pour objet de les faire admettre définitive

ment dans le droit public Européen. Il exprime la conviction que son Souverain ne refuserait pas son approbation à l'accord qui s'établirait dans ce sens entre les Plénipotentiaires.

M. le Baron de Manteuffel ne méconnaît nullement la haute importance des autres questions qui ont été débattues; mais il fait observer qu'on a passé sous silence une affaire d'un intérêt majeur pour sa Cour et pour l'Europe: il veut parler de la situation actuelle de Neufchâtel. Il fait remarquer que cette Principauté est peut-être le seul point en Europe où, contrairement aux Traités et à ce qui a été formellement reconnu par toutes les grandes Puissances, domine un pouvoir révolutionnaire qui méconnaît les droits du Souverain. M. le Baron de Manteuffel demande que cette question soit comprise au nombre de celles qui devraient être examinées. Il ajoute que le Roi, son Souverain, appelle de tous ses vœux la prospérité du Royaume de Grèce, et qu'il désire ardemment voir disparaître les causes qui ont amené la situation anormale créée par la présence des troupes étrangères; il admet, toutefois, qu'il pourrait y avoir lieu d'examiner des faits de nature à présenter cette affaire sous son véritable jour.

Quant aux démarches qu'on jugerait utile de faire en ce qui concerne l'état des choses dans le Royaume des Deux-Siciles, M. le Baron de Manteuffel fait observer que ces démarches pourraient offrir des inconvénients divers. Il dit qu'il serait bon de se demander si des avis de la nature de ceux qui ont été proposés ne susciteraient pas dans le pays un esprit d'opposition et des mouvements révolutionnaires, au lieu de répondre aux idées qu'on aurait eu en vue de réaliser dans une intention certainement bienveillante. Il ne croit pas devoir entrer dans l'examen de la situation actuelle des États Pontificaux. Il se borne à exprimer le désir qu'il soit possible de placer ce Gouvernement dans des conditions qui rendraient désormais superflue l'occupation par des troupes étrangères. M. le Baron de Manteuffel termine en déclarant que le Cabinet Prussien reconnaît parfaitement la funeste influence qu'exerce la presse subversive de tout ordre régulier, et les dangers qu'elle sème en prêchant le régicide et la révolte; il ajoute que la Prusse participerait volontiers à l'examen des mesures qu'on jugerait convenables pour mettre un terme à ces menées.

M. le Comte de Cavour n'entend pas contester le droit qu'a tout

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